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"APPEL AU RECOUVREMENT D’ESPACE"

Publie le mercredi 1er octobre 2003 par Open-Publishing

Nous, cinéastes, avec les techniciens et les artistes du théâtre, de la
danse, de la musique et de l’audiovisuel, nous partageons la colère de
toutes les catégories sociales qui sont humiliées par ce gouvernement :
enseignants, chercheurs, personnel de santé, archéologues, architectes,
chômeurs, la liste s’accroît chaque jour. C’est pourquoi nous lançons
solennellement un appel à un acte de réappropriation citoyenne.

Depuis plusieurs mois, nous sommes en lutte pour que l’Etat retire le
« protocole d’accord » sur l’assurance-chômage de nos professions, signé
par le MEDEF sans concertation et contre l’avis de nos syndicats
représentatifs. Ce protocole, nous l’avons lu et analysé attentivement,
et nous sommes arrivés à la conclusion qu’il fait le contraire de ce
qu’il prétend : loin de représenter un « sauvetage de l’intermittence »,
il va éliminer les créateurs les moins générateurs de profit et
renforcer ceux que la réforme a pour vocation de faire disparaître : les
« faux intermittents », employés principalement par l’industrie des
media. Il ne s’agit donc pas, comme le gouvernement et le MEDEF le
laissent entendre, de faire des économies au nom de l’équité, mais d’un
choix délibéré de société éliminant tout ce qui ne va pas dans le sens
du profit maximum. En un mot, c’est un cadeau du gouvernement aux
groupes industriels et à eux-seuls, qui de surcroît bafoue les principes
de l’exception culturelle.

Regardons ce qui se passe du côté de la télévision publique : elle ne
veut plus entendre parler de culture ni de création. Elle veut des
produits calibrés, qui se ressemblent entre eux et lui assurent un
public captif. Elle ne fait plus que vendre aux annonceurs des publics
formatés, des consommateurs. Cette dérive contamine inexorablement les
chaînes dites « de service public », financées par la redevance. Même
Arte qui n’est pas dépendante de la publicité pense en terme de « parts
de marché » et renonce petit à petit à ses missions originelles.

Ce qui se joue à la télévision est en train de se jouer ailleurs. L’arme
de cette politique s’appelle : Accord Général sur le Commerce des
Services (AGCS). Cet accord mal connu, signé en 1994 par les pays
membres de l’OMC, stipule que d’ici fin 2004, l’ensemble des activité
humaines : éducation, santé, culture, recherche, transports, eau,
énergie, environnement, biotechnologie, seront ouvertes au marché et
soumises à la concurrence. Les seules secteurs exempts seront la police,
l’armée, la justice. Cet accord va changer fondamentalement notre vie et
notre société ; plus grave encore, alors que la libéralisation totale
qu’il induit est irréversible, il a été signé par nos gouvernements sans
consultation démocratique, mettant ainsi devant le fait accompli non
seulement les parlements de chaque pays, mais aussi les collectivités
territoriales et l’ensemble des citoyens.

En France, la décentralisation annoncée à l’Education Nationale, la
réforme des retraites, les réformes à venir de la Sécurité sociale, les
suppressions d’emplois dans les Ministères font partie de ce dépeçage
systématique de nos « biens communs ». L’école sera livrée aux
marchands, la médecine deviendra « à plusieurs vitesses »Š Les principes
qui fondent notre société, égalité, droits sociaux, vont disparaître
progressivement parce qu’ils sont considérés par l’OMC comme des
obstacles au commerce.

Face à cette main-mise annoncée sur nos services publics, nous déclarons
publiquement que nous allons attaquer le carburant de cette
marchandisation : la publicité. Elle envahit nos espaces publics, la
rue, les métros, la télévision. Elle est partout, sur nos vêtements, sur
nos murs, sur notre petit écran. Résistons avec des moyens créatifs,
pacifiques et légitimes. Nous nous proposons de recouvrir
systématiquement les panneaux publicitaires de nos villes et de nos
campagnes, sans endommager l’environnement, mais au contraire en les
réinvestissant de sens, en créant la surprise .

Chaque vendredi à 19h, retrouvons-nous en petits groupe de dix à vingt
personnes, en plusieurs endroits des villes et des villages ;
rencontrons nous pour nous réapproprier l’espace public par un geste
collectif et joyeux de protestation face à la privatisation du monde.

Nous appelons tous les citoyens à venir nous rejoindre dans ce combat
contre la marchandisation des esprits, de la culture et du monde.