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Abolir la prison à vie est une question de civilisation
Publie le jeudi 12 octobre 2006 par Open-Publishing5 commentaires

de Daniele Farina traduit de l’italien par karl&rosa
Qu’ont en commun le sénateur Antonio Di Pietro et le juriste Cesare Beccaria ? Rien, même pas leur avis, apparemment convergent, sur la peine de la prison à vie.
En effet je ne doute pas que quand le deuxième, il y a 250 ans, se battait pour l’abolition de la peine de mort et pour son remplacement par la prison à vie, le premier eût été parmi ses plus fiers adversaires. Nous pouvons imaginer aujourd’hui Beccaria dans les rangs de ceux qui en demandent l’abolition et nous sommes certains que nous verrons Di Pietro avec ceux qui s’y opposeront. Mais le thème n’est pas abstrait, car on le débattra à nouveau au Parlement : une discussion entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre l’effacement de la prison à vie de notre code et son remplacement par une peine longue mais, justement, pas perpétuelle. A nouveau parce qu’en 1998, déjà, le Sénat de la République vota en faveur de la mesure d’abolition, qui s’ensabla ensuite à la Chambre des Députés.
Aujourd’hui cela sera, si possible, plus difficile qu’à l’époque et la récente approbation de l’amnistie et les polémiques qui s’en sont suivies en sont une preuve évidente. Il suffit de citer à titre d’exemple les pages récentes à propos du « monstre de Foligno », en prison depuis 1992, responsable de deux atroces meurtres d’enfants, qui sortira en 2020 plutôt qu’en 2023 par « la faute » de l’amnistie. Les données générales et très positives du Ministère de Grâce et Justice, deux mois après l’approbation de l’amnistie, ont démenti nombre d’oracles de la catastrophe, mais elles ne comptent pour rien face à l’instrumentalisation d’émotions compréhensibles en elles-mêmes.
Il est évident que, pour nombre de gens, ceux qui proposent l’abolition de la prison à vie sont des personnes attentant à la sécurité des citoyens. La culture du sénateur Di Pietro qui, nous le disions, n’est pas un illuministe, lui fait arguer que plus de prison signifie plus de sécurité dans la société. Même si les données sur la récidive ( par des mesures alternatives à la détention on revient au crime quatre fois moins ) nous démontrent le contraire, elles nous disent aussi que ceux qui se sont opposés à l’amnistie n’ont pas travaillé en faveur de la sécurité des citoyens mais contre elle : ils ont failli être complices de milliers d’actes de criminalité qui, en réalité, grâce à la mesure approuvée, n’ont pas été commis (ce qui, de toute façon, n’enlève rien à la gravité de ceux, bienheureusement peu nombreux, qui se sont, au contraire, avérés).
C’est une vision, celle qui interprète la justice comme vengeance, qui a progressé même à gauche, le long de la faille des illégalités de Berlusconi, dans la surévaluation de la capacité moralisatrice de l’action judiciaire, dans le silence - approbation de l’équation immigration- délinquance, qui cite sans arrêt l’Etat de droit en en étant, au contraire, la pire ennemie.
Pendant la dernière législature déjà, la Commission Grasso, dans le cadre de la réforme du Code Pénal, avait pensé proposer à côté de la prison à vie un régime de détention spéciale de trente ans, en substance non susceptible d’ultérieures réductions. Aujourd’hui la Commission Pisapia et, indépendamment de celle-là, le débat parlementaire, ont l’occasion de proposer à nouveau une révision générale de nombre d’instituts du droit pénal et une adaptation à la réalité du pays, sûrement différente de celle de 1930.
La plupart des citoyens est peu intéressée au long débat qui a eu lieu, dans le domaine constitutionnel aussi, sur la permanence de la prison à vie ou sur le caractère de la peine et si on proposait à nouveau aujourd’hui le référendum de 1981 sur l’abolition, probablement la majorité des Italiens voterait encore pour la garder. Mais sommes nous si sûrs que, en suivant les traces des Di Pietro, des Travaglio et autres Borghezio, même la réintroduction de la peine de mort ne trouverait aucune écoute ?
Il y a une bataille culturelle qu’il faut continuer et c’est ici que se situe la proposition d’abolition : ce n’est pas une question cantonnée au domaine du droit, des codes et des spécialistes, elle concerne, au contraire, le modèle de société, les termes de la cohabitation civile, les villes et les quartiers où nous voulons vivre.
Il y aura bien une raison pour que dans l’histoire moderne les prisons et la civilisation soient liées avec insistance et une raison pour que nous tournions nos regards vers des modèles alternatifs, plus efficaces que les modèles actuels, pour la sécurité des citoyens. Il y aura une raison aussi pour que les stratégies de tolérance zéro aient lamentablement échoué et une raison qui nous pousse à rechercher aujourd’hui aussi un rapport différent entre la société et le droit pénal.
Une chose me semble certaine : sans la prison à vie nous ne serons pas un pays moins sûr, peut-être seulement un pays un peu plus civilisé.
Messages
1. > Abolir la prison à vie est une question de civilisation, 12 octobre 2006, 10:11
Une chose est sûre : abolir la peine de mort était nécessaire. Une nouvelle situation est arrivée : la prison à vie.
La prison à vie est "invivable", si je peux me permettre cette expression. Un temps de prison n’est supportable que parce qu’il a une fin. Tous les prisonniers vous diront que l’espoir de sortir, de retrouver la liberté, les aident à tenir, et aussi à s’améliorer. Sinon, quel intérêt ? Que voulez-vous qu’un être humain fasse dans le désespoir le plus absolu ? Soit se suicider, soit penser à le faire.
Antisuicide.
1. > Abolir la prison à vie est une question de civilisation, 12 octobre 2006, 10:51
Certes, mais ça ne résoud pas le problème de la récidive.
Peux-t-on et doit-on prendre le risque de la récidive ? Question grave et difficile qi on la pose sérieusement et non démagogiquement. En effet tant qu’on pense que "ça n’arrive qu’aux autres" on peut toujours relâcher l’emprisonné.
R.
2. > Abolir la prison à vie est une question de civilisation, 12 octobre 2006, 11:46
Si la prison avait un objectif de rattrapage en dehors de la mise à l’ecart de la societé , cela se saurait , et les prisons françaises ne feraient pas honte aux commissions d’enquete parlementaire ( qui par ailleurs , les députés , votent les budgets ).
Nous ne parlons bien sur que des crimes , qui entrainent des peines de prisons incompressibles , ou la perpétuité avec une peine de sureté .
j’ai été et je suis toujours pour l’abolition de la peine de mort , mais certains crimes sont d’une telle monstuosité , qu’il faut penser aux victimes , il faut veiller à ne pas lancer des batailles qui viendraient renforcer ceux qui n’ont pas renoncé à réintroduire la peine de mort .
Je crois sincérement , quitte à choquer , que la societé doit etre protégée de certains prédateurs , tueurs en serie , tortionnaires et assassins d’enfants par exemple , grossistes de la drogue , ces gens là ne doivent plus pouvoir recidiver , si vous supprimez la perpetuité , le débat se reportera sur l’elimination rapide .
les gens jugés responsables de leurs actes doivent payer leur crimes .
claude de T.
3. > Abolir la prison à vie est une question de civilisation, 12 octobre 2006, 18:01
Il ne faut pas faire de la récidive une crainte irrationnelle.
Il y a des études de faites à ce sujet dans les milieux judicaires.
Evidemment, c’est en matière de meurtres que la récidive est la plus dangereuse pour la société. Elle est étudiée selon les catégories de délinquants : les déviances d’origine sexuelle et pulsionnelle sont les plus difficiles à traiter ; c’est connu, mais il faudrait débloquer plus de moyens, financiers, thérapeutiques, d’accompagnement. Presque rien n’est fait. Il n’y a pas assez de suivi.
Les petits délits sanctionnés par un temps de prison trop long, disproportionné, sont propices à la récidive et risquent même d’être reproduits en grand. Là encore, pas de perspective. Entre les décisions de justice et l’administration pénitentiaire, c’est le gouffre, la béance. Les uns et les autres, surchargés par leur travail, ne peuvent pas, en plus, créer des liens. Ce n’est, d’ailleurs pas leur rôle.
Ce sont les politiques qui doivent redresser les choses. Eux seuls ont la vision totale du problème.
Quant à l’aspect matériel et hygiénique des prisons, il est déplorable. Tout le monde le sait. C’est insupportable au XXIè. Pourtant, nos politiques rêvent encore aux "bienfaits" de l’emprisonnement. Le plus souvent à revers du but recherché. Il n’est pas question de mettre du luxe dans les prisons, mais un minimum de respect de l’être humain, criminels compris.
Les grands criminels sont rares dans une société évoluée. Il y a la criminalité "incompressible" et la criminalité "acquise". C’est cette dernière qu’il faut combattre. Encore faut-il y mettre des moyens et de la réflexion. Monique renouard.
4. > Abolir la prison à vie est une question de civilisation, 12 octobre 2006, 18:40
Payer toute une vie de son crime, pour moi, cela n’a pas de sens. D’ailleurs, aucun prisonnier à vie, n’y croit. Pour survivre, il espère sortir un jour -remise de peine, changement de législation, etc.-. Certains, dans le désespoir, se demandent s’il n’aurait pas préféré pas la solution radicale.
La récidive est un réel problème. Elle est rare. Des études sont faites qui n’intéressent pas nos politiques.
Dans tous les cas de figure, l’état de nos prisons est repoussant, cela aussi est connu. Rien n’est fait. Monique renouard.