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Alain Resnais, un homme discret à coeur ouvert

Publie le dimanche 10 septembre 2006 par Open-Publishing

Le célèbre réalisateur qui présente son dernier film Coeurs a rencontré la presse à Venise.

Très attendu, Coeurs, le nouveau film d’Alain Resnais, droit tombé du laboratoire et donné à Venise en première mondiale. Très attendue aussi, la conférence de presse d’Alain Resnais, entouré de ses comédiens et de son producteur, a permis une rencontre avec cet homme discret qui ne s’épanche pas couramment dans les médias. Mais la Mostra l’a toujours mis en valeur, lui accordant un lion d’or dès son deuxième long métrage, l’Année dernière à Marienbad, il y a maintenant quarante-cinq ans :

« Pendant les trois premiers quarts d’heure de Marienbad, la salle a réagi violemment en ponctuant de grands rires et de frappes de pied au sol. Je voulais qu’on rallume et qu’on en finisse avec la séance, mais soudain il y a eu une vague d’applaudissement qui a fait taire l’autre partie de la salle. Tout s’est alors inversé. Puis le lion d’or est arrivé... »

Coeurs est tiré de la pièce d’Alan Ayckbourn, Private Fears in Public Places (peurs privées dans des lieux publics, devenu en français « Petites peurs partagées »). Alain Resnais n’ignore presque rien de l’écrivain, auteur de quelque soixante-dix pièces, qu’il fréquente depuis 1972 et qu’il a déjà porté à l’écran dans le double film Smoking, No smoking :

« Une des caractéristiques des quarante-six pièces que je connais, vingt-quatre vues au théâtre et vingt-deux par la lecture, est qu’aucun de ses titres n’est traduisible. Je me suis dit que je donnerais son titre au film le jour où je verrais le premier bout à bout du montage. J’ai proposé cent quatre titres au producteur, dont certains fantaisistes, et tous comportaient le mot coeur. Je me suis dit que le plus simple était de prendre Coeurs. »

Interrogé sur les raisons qui l’ont poussé à faire ce film, le réalisateur répond :

« Un des thèmes dont on parlait beaucoup est que nous sommes un tissu de contradictions. C’est ce côté flottant, hésitant, ce mélange de pulsions, que j’ai voulu mettre en valeur par le jeu, les personnages, l’atmosphère générale, cette nostalgie du mieux-être qui les conduit à ne rien faire comme à tenter des choses. Notre destin est souvent commandé et des choses arrivent qui vont changer notre vie au-delà du libre arbitre. »

Sur son rapport au théâtre - souvenons-nous de comment il avait transcendé Mélo -, le metteur en scène déclare : « Le fait est que je n’ai jamais ressenti d’une manière forte la différence entre le théâtre et le cinéma, l’immobilité contre le mouvement, le théâtre qui renvoie au passé contre le cinéma qui serait au présent... Pour moi, c’est comme les langues. Les sémiologues vous diront qu’elles sont beaucoup plus remarquables par leurs ressemblances que par leurs différences. Si je n’ai jamais adapté un roman, une pièce cela ne me dérange pas. Le théâtre et le cinéma ont en commun le fait de ne pas offrir la possibilité de pouvoir se relire. J’aime mieux que le sujet soit original, mais cela ne me gêne pas qu’il existe antérieurement et je suis très fidèle au texte.

J. R.

http://www.humanite.fr/journal/2006-09-06/2006-09-06-836187