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Allocution cubaine - CDH ONU, 13 mars 2007

Publie le mercredi 14 mars 2007 par Open-Publishing
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ALLOCUTION DE SON EXCELLENCE M. FELIPE PÉREZ ROQUE, MINISTRE DES RELATIONS EXTÉRIEURES DE LA RÉPUBLIQUE DE CUBA, À LA 4ÈME SESSION DU CONSEIL DES DROITS DE L’HOMME

GENÈVE, LE 13 MARS 2007

Excellences,

Je tiens tout d’abord, puisque Cuba préside actuellement le Mouvement des pays non alignés qui regroupe cent dix-huit pays dont vingt-sept sont membres fondateurs de ce Conseil, à vous informer des résultats de la Quatorzième Conférence au sommet dans les domaines en rapport avec les travaux de cet organe, et des actions engagées ensuite par le Mouvement à Genève depuis septembre 2006, date du Sommet de La Havane.

Nos chefs d’Etat ou de gouvernement ont rejeté à La Havane la sélectivité et le deux poids deux mesures en matière de promotion et de protection des droits de l’homme, ainsi que les tentatives d’utiliser ceux-ci comme simple prétexte pour atteindre des fins politiques. C’est du respect de cette juste revendication du Mouvement que dépendront la légitimité et la crédibilité de ce Conseil des droits de l’homme.

A leur Quatorzième Sommet, les chefs d’Etat ou de gouvernement ont souligné avec énergie que le Conseil devait égaler le droit au développement à tous les autres droits de l’homme et libertés fondamentales, et en promouvoir en priorité l’exercice. Je tiens à vous informer que Cuba, en sa qualité de président du Mouvement, consacrera une bonne partie de ses efforts à la suppression des obstacles qui s’opposent à la jouissance du droit au développement et à son insertion dans l’ensemble des politiques et programmes des Nations Unies

Compte tenu des décisions adoptées à La Havane, le Mouvement a fait preuve ces derniers mois de sa capacité à dégager et à promouvoir des positions communes sur plusieurs des points clefs ayant à voir avec l’institutionnalisation du Conseil. Nos propositions sur son ordre du jour, sur les règles de procédure concernant la convocation des sessions spéciales et les modalités de fonctionnement de sa Procédure d’examen périodique universel le prouvent. Nous travaillons aussi à la mise au point des grandes lignes devant sous-tendre l’organe d’experts, des procédures de dénonciations et du programme de travail des différentes sessions annuelles du Conseil.

Le Mouvement a aussi relancé ses activités à la Troisième Commission de l’Assemblée générale, actualisant et adoptant à une large majorité des projets de résolution traditionnels : Droit au développement ; Renforcement de la coopération internationale en matière de droits de l’homme et Mesures coercitives unilatérales.

Je tiens à souligner, messieurs les délégués, que le Mouvement des pays non alignés est décidé – et il a la volonté requise – à travailler à la création d’un vrai système international de protection des droits de l’homme dont le seul engagement aura à voir avec la justice, la transparence et la vérité.

Excellences,

Je parlerai maintenant au nom de Cuba, membre fondateur de ce Conseil et pays attaché, par le passé et à l’avenir, à la coopération internationale et au vrai dialogue en matière de droits de l’homme, ainsi qu’à la légitimité et à la crédibilité de l’organe que nous sommes en train de mettre en place.

Cuba a signalé en juin dernier, à l’ouverture de la session inaugurale de ce Conseil, que celle-ci pouvait marquer le début d’une nouvelle étape dans la volonté de créer un vrai système de promotion et de protection de tous les droits de l’homme pour tous les habitants de la planète, pas seulement pour les riches et les privilégiés. Nous avions aussi précisé qu’il fallait pour cela modifier radicalement les conceptions et les méthodes qui avaient porté préjudice à la Commission des droits de l’homme et fini par la discréditer.

Nous avions dit alors que Cuba ne se faisait pas d’illusion sur la disposition réelle des pays développés, alliés des Etats-Unis, à faire ce pas capital et historique, mais qu’elle leur concéderait le bénéfice du doute et surtout qu’elle les observerait.

Où en sommes-nous, neuf mois après cette mise en garde ?

Le Conseil des droits de l’homme court le risque de sombrer dans le discrédit de la politisation et du deux poids deux mesures avant même d’avoir établi ses mécanismes et ses méthodes de travail. Nous avons averti – et nous le refaisons maintenant – au sujet de l’intention de certains pays de renvoyer la mise en place institutionnelle du Conseil au-delà du 18 juin 2007 et de ressusciter la pratique des résolutions punitives contre des pays du Sud.

Le délai d’une année que l’Assemblée générale nous a concédé pour institutionnaliser ce Conseil est une date butoir qu’on ne saurait en aucun cas dépasser.

La vraie motivation dissimulée derrière cette manœuvre dilatoire, c’est la volonté de certains alliés des Etats-Unis de transférer la phase finale de cette institutionnalisation à un ensemble de nouveaux membres du Conseil et surtout à un autre Bureau qu’ils perçoivent comme plus favorables à leurs intérêts.

Les partisans les plus zélés de cette manoeuvre sont justement ceux qui souhaitent introduire dans ce nouveau Conseil la sélectivité, la manipulation politique et le deux poids deux mesures, autrement dit souhaitent le convertir en un tribunal inquisitorial jugeant les pays du Sud et assurer l’impunité de puissances à visées impériales qui commettent des atrocités, y compris hors de leurs frontières. La recette qu’on nous propose comprend les mêmes ingrédients de cynisme, d’hypocrisie et de complicité douteuse qui avaient fini par discréditer totalement feu la Commission des droits de l’homme.

Il s’avère que les Etats-Unis qui contemplent maintenant les choses en spectateurs sont devenus les critiques les plus caustiques du Conseil. Certains complices font chorus. Mais nous ne nous laisserons pas berner par leurs manigances et leurs boniments. Ils critiquent le Conseil, non pour l’améliorer, ce qui serait légitime et utile, mais pour faire échouer sa constitution. Ils ne veulent pas d’un Conseil crédible et influent. Ils sont nostalgiques de la vieille Commission. Cuba revendique le droit des autres pays de construire le Conseil dont ils ont besoin et demandent aux hypocrites de les laisser travailler.

Pouvoir compter sur un Conseil pleinement opérationnel et capable de s’acquitter du mandat qui lui a été confié pendant sa seconde année de travail constitue une nécessité imprescriptible et un objectif réalisable. Ce n’est pas d’encore plus de temps dont nous avons besoin, mais de volonté politique.

Excellences,

Cuba espère que ce Conseil se constituera finalement comme une instante de coopération authentique et de dialogue respectueux, utile à la lutte pour revendiquer la vérité et la justice, à la défense du droit à la souveraineté, à l’autodétermination, à la paix, au développement, à l’égalité, à la démocratie réelle et participative et au respect et à la jouissance véritables de tous les droits pour tous les peuples.

Ce nouvel organe débuterait bien mal si les manipulations qui ont caractérisé l’ancienne Commission y persistaient. Le maintien de mandats contre certains pays, imposés par la force et le chantage, ne ferait que perpétuer l’escalade d’affrontement qui avait fini par miner l’autorité et la crédibilité de la feue Commission des droits de l’homme.

Il n’est pas justifié ni moral d’imposer ou de maintenir des mandats illégitimes contre des pays, tout en détournant le regard, en complices, pour ne pas voir les violations flagrantes, massives et systématiques des droits de l’homme que le gouvernement des Etats-Unis et ses principaux alliés perpètrent en toute impunité sous prétexte d’une prétendue lutte contre le terrorisme. Tel est le vrai fardeau dont nous devons nous débarrasser.

Il n’empêche que Cuba est favorable au renforcement du système de rapporteurs thématiques qui n’ont jamais été plus nécessaires.

Dans un monde où 852 millions de personnes ont faim, comment se passer des travaux du Rapporteur sur le droit à l’alimentation ?

Face aux centres de torture internationaux, comme celui de la base navale étasunienne à Guantánamo, et aux vols secrets permettant de transférer des personnes séquestrées à travers l’Europe afin de pouvoir les torturer dans des prisons clandestines, comment pourrions-nous nous permettre de conclure le mandat du Rapporteur sur la torture ?

Dans un monde où les pays les plus riches et les plus opulents, tout en stimulant le « vol des cerveaux », repoussent les émigrants pauvres en organisant des traques racistes et discriminatoires, voire, comme cela se passe aux Etats-Unis, en érigeant un mur scandaleux où cinq cents personnes sont assassinées tous les ans, comment pourrions-nous penser, fût-ce une seconde, à interrompre le mandat du Rapporteur sur les droits de l’homme des émigrants ?

Dans notre monde globalisé, où quelques transnationales monopolisent le contrôle de l’information et où plus de mille journalistes ont été assassinés durant la dernière décennie, comment pourrions-nous renoncer au mandat du Rapporteur sur la liberté d’opinion et d’expression ?

Quand on voit ce que vivent cinq jeunes Cubains héroïques, injustement incarcérés aux Etats-Unis pour avoir tenté de mettre fin à l’impunité dont jouissent les groupes terroristes de Miami qui agissent contre le peuple cubain, une situation qui peut se répéter demain contre des citoyens de n’importe quel autre pays, serait-il juste par hasard de ne pas pouvoir compter sur la Procédure spéciale relative à la détention arbitraire ?

Comment pourrions-nous tourner le dos aux dizaines de milliers de familles qui continuent de réclamer pour obtenir justice et qui ont le droit de savoir la vérité sur leurs proches disparus ou exécutés dans le cadre des dictatures militaires imposées et soutenues en Amérique latine par Washington ? Impossible, donc, d’éliminer les mandats concernant les disparitions forcées et les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires.

Tant qu’on privera le peuple palestinien de son droit à établir son Etat et que les occupants israéliens continueront de perpétrer les pires exactions contre la population civile des territoires occupés, ce Conseil ne pourra pas retirer ce point de son ordre du jour ni se passer des travaux du Rapporteur chargé de son suivi.

Cuba défendra le maintien intégral de ce patrimoine hérité de la Commission des droits de l’homme et constitué de mécanismes fonctionnant selon les principes d’objectivité et de non sélectivité. Et elle continuera de leur offrir sa coopération résolue.

Excellences,

Cuba estime qu’il est encore temps d’ouvrir une nouvelle étape dans la lutte pour créer un vrai système de promotion et de protection de tous les droits de l’homme pour tous. Je tiens toutefois à redire que, si l’on nous impose finalement un retour au passé et que la confrontation et les visées hégémoniques s’instaurent de nouveau au Conseil, Cuba reprendra sa place de combattant dans sa tranchée d’idées. Nous saurons représenter un peuple qui a été capable de supporter et de contrer l’agression de l’Empire pendant presque cinquante ans ; qui a su résister avec dignité et fermeté à la recrudescence de son blocus génocide et qui constitue d’ores et déjà, je le dis en toute modestie, un symbole de la lutte des peuples pour leur véritable libération.

Je vous remercie.

http://vdedaj.club.fr/spip/article.php3?id_article=700

Messages

  • C’est un discours fort et sans concession qui replace bien la question des droits de l’homme et les manipulations dont ils font l’objet dans un monde dominé par l’Empire US.

    Ah que j’aimerai que Marie-George Buffet ait un discours aussi clair et percutant sur les grandes questions internationales !

    Jips