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Ankara libère Leyla Zana, Hatip Dicle, Selim Sadak et Orhan Dogan

Publie le jeudi 10 juin 2004 par Open-Publishing

Ankara libère des députés pro-kurdes, sous la pression de l’UE

par Selcuk Gokoluk

Quatre députés pro-kurdes emprisonnés en 1994 ont été libérés dans le cadre d’une série de mesures visant à s’attirer les bonnes grâces de l’Union européenne, qui doit rendre en octobre un rapport sur la mise en oeuvre de réformes démocratiques par Ankara.

L’UE considère les quatre détenus - Leyla Zana, Hatip Dicle, Selim Sadak et Orhan Dogan - comme des prisonniers politiques. Ils ont été jugés coupables en 1994 de liens avec des groupes armés kurdes et emprisonnés.

Le commissaire européen à l’Elargissement, Günther Verheugen, a déclaré dans un communiqué : "La décision prise aujourd’hui montre que l’application des réformes politiques que la Turquie a adopté ces deux dernières années gagne du terrain."

"La Commission espère que les prochaines séances du procès de Mlle Zana et ses collègues seront menées en conformité avec les principes fondamentaux d’une justice équitable, et que tout verdict prononcé à l’avenir à leur encontre reflétera ces principes", a-t-il ajouté.

Le verdict de 1994 avait été confirmé en avril par une cour de sûreté de l’Etat après un nouveau procès dont la tenue avait été exigée par la Cour européenne des droits de l’homme. Cette dernière estimait en effet que les députés n’avaient pas eu droit à un procès équitable.

"La chape qui pesait depuis 80 ans sur les Kurdes a été levée aujourd’hui", a déclaré Sirri Sakik, un autre ex-député pro-kurde, qui a attendu devant la prison d’Ulucanlar, à Ankara, la sortie des quatre prisonniers. "Cela montre que la Turquie reconnaît la réalité kurde."

12 MILLIONS DE KURDES

Les Kurdes constituent la minorité la plus importante dans le pays tant par leur poids démographique - estimé à 12 millions de personnes sur les 70 millions que compte la Turquie - que politique. Mais la Turquie a nié pendant plusieurs dizaines d’années l’existence d’une minorité kurde, dont les membres étaient considérés comme des "Turcs des montagnes".

Leyla Zana, accueillie tout comme ses coaccusés à la sortie de la prison par une foule en liesse agitant des drapeaux kurdes, est un véritable symbole pour les défenseurs mais aussi pour les détracteurs de la cause kurde, qui voient en elle une menace pour l’unité de la Turquie.

Le jugement prononcé en avril avait suscité des critiques de la part de l’UE, à laquelle la Turquie aspire à adhérer - un objectif vers lequel elle semble à présent tendre de toutes ses forces.

Un procureur de l’Etat avait préconisé cette semaine l’annulation de leurs condamnations. La cour d’appel commencera a réexaminer leur cas à partir du 8 juillet.

"Cela nous facilitera la tâche sur le plan politique, tant chez nous qu’à l’étranger", a déclaré le ministre de la Justice, Cemil Cicek. "Le système judiciaire turc a fait ce qu’il fallait."

L’UE doit rendre, début octobre, un rapport évaluant les progrès accomplis par la Turquie pour adhérer aux critères européens en matière de droits de l’homme et de libertés publiques.

En décembre, les dirigeants de l’UE doivent ensuite se prononcer sur l’éventuelle ouverture de négociations d’adhésion de la Turquie à l’UE.

Selon un haut responsable turc, le parlement d’Ankara travaille d’arrache-pied pour adopter des réformes destinées à satisfaire au maximum aux critères européens.

"UNE MOBILISATION TOTALE"

"Notre parlement va prolonger sa session, qui doit s’achever le 1er juillet, jusqu’au 15 ou à la fin du mois pour finir ses travaux. C’est comme une usine travaillant en continu", a déclaré à Reuters Murat Sungar, qui dirige le secrétariat général de la Turquie aux Affaires européennes, chargé de superviser l’adoption de ces réformes.

"Nous assistons à une mobilisation totale de la part des organisations non-gouvernementales, des milieux d’affaires, des médias et des universitaires, tous pleinement impliqués", a-t-il ajouté.

La Turquie a déjà adopté plusieurs séries de réformes comprenant notamment l’abolition de la peine de mort et la réduction des pouvoirs de l’armée dans la sphère politique. Mais à l’approche de la décision de l’UE quant au lancement d’un processus d’adhésion, Ankara est soucieux de montrer qu’elle poursuit ses efforts.

Lundi a débuté d’ailleurs la diffusion par la radio-télévision publique turque d’émissions en langues minoritaires : bosniaque, arabe, puis, mercredi, en kurmandji, la principale variante de la langue kurde parlée dans le pays

"Après le début, cette semaine, de la diffusion d’émissions en langue non turque la décision (sur les anciens députés) fournira matière à encouragement pour les amis de la Turquie à l’étranger, qui doivent se prononcer à la fin de l’année sur l’ouverture de négociations d’adhésion à l’UE", a déclaré l’ambassadeur de Grande-Bretagne à Ankara, Peter Westmacott. (Reuters) -