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Arkéa : vers l’abandon du mutualisme ?
par Pierre
Publie le mercredi 9 mai 2018 par Pierre - Open-PublishingLes patrons du Crédit Mutuel Arkéa mènent une véritable « guerre d’usure » pour obtenir l’indépendance de l’entité bretonne. Ces derniers affirment vouloir concilier autonomie et mutualisme. Pourtant, les autorités ont été claires : en cas de sécession, Arkéa perdra automatiquement son statut mutualiste. Dès lors, une question se pose : le modèle capitaliste ne serait-il pas le véritable objectif de Jean-Pierre Denis et Ronan Le Moal ?
L’hypothèse est en tout cas de plus en plus répandue, et les nombreuses polémiques autour de la rémunération des dirigeants d’Arkéa ne font que jeter de l’huile sur le feu. En 2016, on apprenait ainsi que le salaire de Jean-Pierre Denis (1,6 million d’euros) était bien plus élevé que celui du patron de la Confédération nationale du Crédit Mutuel (CNCM), Nicolas Théry (700 000 euros). Mais ce n’est pas tout : en 2009, la rémunération de Jean-Pierre Denis plafonnait à 407 000 euros. Ainsi, entre 2009 et 2016, le salaire du patron d’Arkea a augmenté de 293 %. Sur la même période, le salaire de Ronan Le Moal est quant à lui passé de 319 986 euros à 1,3 million, soit un bond de 302 %.
La rémunération des dirigeants d’Arkéa a souvent fait polémique au sein du groupe régional. Toujours en 2016, la CFDT dénonçait ainsi l’octroi, « sur demande du président Jean-Pierre Denis », d’un intéressement long terme aux 12 membres dirigeants du groupe, dont Jean-Pierre Denis fait évidemment partie. Il s’agissait d’une forme de rémunération permettant le versement d’une prime égale à 40 % de leur rémunération annuelle, qui avait déjà été généreusement revue à la hausse cette année-là (+44 % pour M. Denis). Il est vrai que l’année avait été particulièrement rémunératrice pour les patrons des grandes banques françaises, mais, selon Les Echos, le dirigeant d’Arkéa s’en sortait alors bien mieux que celui de BNP Paribas (+ 26,5 %) et même celui de la Société Générale (+ 35,4 %).
Jean-Pierre Denis sur les traces de Claude Bébéar ?
Or, contrairement à BNP Paribas et la Société Générale, Arkéa est une banque mutualiste, ce qui signifie — en théorie — qu’elle doit être rentable, sans pour autant être avide de profit. Un principe qui distingue les groupes mutualistes — banques ou assurances — des groupes capitalistes, et qui doit s’appliquer aussi bien aux sociétaires qu’aux dirigeants.
Ce n’est pourtant pas toujours le cas, et il arrive même que ces derniers décident, de leur propre chef, d’abandonner les principes du mutualisme pour se tourner vers le capitalisme. Cas d’école : Axa, l’actuel numéro un mondial de l’assurance qui n’était à ses origines qu’une petite compagnie d’assurance normande, les Anciennes Mutuelles. Devenu son directeur général en 1974, Claude Bébéar — désormais qualifié de « parrain » du capitalisme — a dès lors mis en place une politique « révolutionnaire » dont l’objectif n’était autre qu’en faire un véritable empire.
À coup d’acquisitions et de « prises de participation significatives au capital des banques », Claude Bébéar se retrouve, en 1985, à la direction d’Axa, entité issue du rachat de Drouot par les Anciennes Mutuelles. Deux ans plus tard, Axa entre au CAC 40 et devient la première assurance — et la seule encore à ce jour — à en faire partie. Depuis, l’appétit du groupe n’a fait que grandir, en France comme à l’étranger. Sous la direction de Claude Bébéar, le mutualisme a donc laissé place à une logique plus capitaliste que jamais, qui perdure encore aujourd’hui : le 10 mai 2017, la huitième capitalisation boursière de France a d’ailleurs indiqué son intention d’introduire à la Bourse de New York une partie de ses activités américaines au premier semestre 2018.
Le cas d’Axa démontre que les enseignes mutualistes peuvent parfois céder à l’appel de la bourse, des stock-options et autres fonds de pension américains et ainsi devenir capitalistes.
Est-ce l’objectif de Jean-Pierre Denis ? Selon le patron d’Arkéa, la Confédération nationale empêcherait le groupe de se « développer ». Mais quel type de développement a-t-il précisément en tête ? Quel est son véritable objectif ? Souhaite-t-il, comme Claude Bébéar s’affranchir des contraintes du monde mutualiste pour se lancer dans l’aventure capitaliste ? Les autorités ont été claires : en cas de divorce, Arkéa perdra immédiatement son statut mutualiste. Ce qui, après tout, n’est peut-être pas une mauvaise nouvelle pour les sécessionnistes.