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"Arrêtons d’obéir !" (video)

Publie le mardi 13 mai 2008 par Open-Publishing
11 commentaires

La rappeuse marseillaise dénonce la violence du système et l’ordre mondial avec un album brûlot qui appelle à la Désobéissance.

Entretien réalisé par Victor Hache

Depuis son premier album Entre ciment et belle étoile, Keny Arkana ne lâche pas l’affaire, consciente qu’il faut changer le système pour mieux le reconstruire. La jeune rappeuse marseillaise est une boule de rage. Et son rap est à son image, radical et militant. Il est la réponse à un monde de violence qu’elle entend remettre en cause par une prise de conscience collective ou individuelle.

D’où cet appel à la Désobéissance, thématique d’un mini-album de neuf titres brûlots. Un enregistrement qui témoigne de sa détermination et de son envie de vivre en dehors de tout conformisme. Dans le monde du rap, elle fait un peu figure d’ovni, tellement son message n’entend faire aucune concession. Les artistes ayant un regard politique sur le monde ne sont pas si fréquents qu’il faut l’écouter. Même si, parfois, le discours de Keny peut paraître des plus extrêmes. On la verra bientôt à Bercy, en première partie des concerts de Manu Chao. Rencontre, avec une « contestataire qui fait du rap ».

On a l’impression que vous êtes de plus en plus radicale ?

Keny Arkana. J’avais envie de faire un album concept autour de la désobéissance. Histoire de faire méditer les gens sur cette notion d’obéissance et de désobéissance. Je ne trouve pas forcément cela plus radical en fait, mais réaliste. Gandhi était super radical dans ses idées. Souvent les gens croient que radicalité, cela veut dire violence. Des fois, cela veut dire juste détermination.

Pourquoi avoir choisi le thème de la désobéissance ?

Keny Arkana. Nous sommes à une époque où il est vraiment important de se réapproprier nos vies et de réapprendre à penser par nous-mêmes. On nous a tellement infantilisés, déresponsabilisés. C’est facile d’obéir à un petit chef sans jamais réfléchir par soi-même. Je trouve que c’est le gouvernement qui est très radical, l’état du monde. On va dans un mur. Le monde est une longue chaîne dont nous sommes les maillons et nous obéissons bêtement. On collabore tous. À un moment, il est important de savoir si ce que l’on fait nous paraît juste. Si ce n’est pas le cas, alors arrêtons d’obéir. Je prône la désobéissance plus comme une libération, dans le sens de se réapproprier nos pensées. Si on commençait à réfléchir par nous-mêmes, peut-être que le monde dans lequel on est ne ressemblerait pas à cela. Ce système n’est pas en harmonie avec la planète, avec nous. Si on prend chaque individu, personne ne cautionne ce monde. Alors, pourquoi coopérons-nous ?

La révolte, l’engagement citoyen dont vous faites preuve, n’est pas si fréquente, même dans le milieu du rap ?

Keny Arkana. Je n’aime pas les cases, mais je dirai que je fais un rap « sincère ». C’est un rap lucide, en tout cas, j’essaie. Un rap en accord avec ce que je suis. Le rap, c’est l’art de ceux qui n’ont rien. Avec un stylo et une feuille de papier, on fait beaucoup de choses.

Doit-on voir dans la chanson Désobéissance civile un appel à renverser le système ?

Keny Arkana. Je dis dans ce disque que le système, on ne le renversera pas en voulant le détruire. Mais en construisant, sans lui. Je suis plus pour la construction que la destruction. Créons des alternatives. Au lieu de lutter « contre », luttons « pour » la vie, l’humain, les idées, l ’avenir. Luttons pour la planète. C’est bien d’être toujours en réaction, de résister, de se mobiliser. Mais si ce n’est pas pour construire derrière, ça ne sert à rien.

Ne craignez-vous pas de culpabiliser les gens en chantant Réveillez-vous ?

Keny Arkana. Non, parce que je me mets dedans. Nous sommes tous endormis. On porte tous de la rouille en nous, même les militants, les gens lucides. Je suis plus pour une remise en question perpétuelle. La révolution pour moi, c’est plutôt un chemin qu’un but. C’est pourquoi, la remise en question constante est très importante. Réveillez-vous, cela signifie : arrêtons de bouffer la merde médiatique. Essayons d’aller au-delà de la peur qu’on nous inculque.

Quel regard portez-vous sur le gouvernement ?

Keny Arkana. Il est en accord avec ce monde. Il est d’accord avec l’ordre mondial. Il est ultra sécuritaire, propageant la peur pour mieux nous diviser et créer de nouvelles lois sous prétexte qu’il y a des menaces. Mais où est la plus grande menace ? Moi, je dénonce un terrorisme d’État. On vit dans un système super étroit. Les exclus, les jeunes de quartiers, les sans-papiers, les SDF, tous ceux que les médias aiment bien appeler les « anarcho-autonomes », subissent une répression inimaginable. C’est révoltant.

Vous vous définissez non pas comme une rappeuse, mais comme une « contestataire qui fait du rap »…

Keny Arkana. Aujourd’hui le rap, c’est mon moyen d’expression, mais cela aurait pu être autre chose. J’aurais été la même personne. Je suis d’abord une humaine contestataire avant d’être une rappeuse. Quelqu’un qui essaie de vivre ses idées, sa musique, en actes, et qui essaie de transcender les cases.

Face à l’urgence sociale et écologique, que préconisez-vous ?

Keny Arkana. La solidarité. L’action collective ou individuelle, c’est pareil. On a besoin des deux. Arrêtons d’attendre d’être nombreux. On peut faire les choses en étant seuls aussi. L’important, c’est d’être solidaires, mobilisés parce que cela donne de la force pour montrer qu’on ne lâche pas le truc. Brisons les carcans qui nous séparent.

Votre discours n’est-t-il pas utopique ?

Keny Arkana. Qui est utopique ? Ceux qui croient qu’on peut continuer dans un système comme celui-là, qui se fout complètement de l’être humain, de la planète et de l’environnement ? Celui qui ne regarde que les courbes économiques et qui croit que c’est la réalité du monde ? Ou au contraire ceux qui prennent conscience qu’il faut absolument qu’on change de direction ? Peut-être suis-je idéaliste parce que j’ai des idéaux un peu plus grands que ce que nous propose le système. Je crois plutôt être lucide et réaliste.

Album Désobéissance chez Because Music.

Première partie des concerts de Manu Chao à Bercy (11 et 12 juin) et tournée.

Entretien réalisé par Victor Hache / Humanité du 9 mai 2008



KENY ARKANA - Manifestation Anti-CRA 04/05/08 Vincennes

Une fois de plus, depuis la mi-décembre, les sans-papiers et des citoyens solidaires ont marché en direction du centre de rétention administrative (CRA) de Vincennes pour demander la fermeture de ces centres et la régularisation de tous les sans-papiers.

Sous un beau soleil, ce cortège de 5000* personnes à ainsi marché de Paris - Porte Dorée jusqu’à Vincennes. Puis, ils se sont installés le long d’un camion sono pour le concert de Keny Arkana et de Kalash…

Bien sûr il y a les manifestations, les meetings, les rassemblements,
Bien sûr, il y a au jour le jour les lieux de travail occupés par les sans papiers
Mais chacun d’entre vous y est attendu

* estimation selon les manifestants

Messages

  • Toujours exceptionnelle Keny Arkana.

    Je suis absolument admirative de cette femme, de son intelligence de la situation, nationale et mondiale, de sa finesse dans l’analyse de la nature humaine "moderne", de son talent pour diffuser son engagement et ses causes, de la force de sa poésie, de la beauté de sa voix et de son flow aussi, bref je suis totalement sous le charme (voire, conquise) depuis la première fois où je l’ai entendue.

    Je fais même une confidence, elle m’a fait pleurer d’émotion lors du dernier concert auquel j’ai assisté.

    Et tiens, voilà une "personnalité "que j’aimerais rencontrer aujourd’hui (que j’aurais bien aimé voir chez Drucker avec OB...), et avec qui j’organiserais volontiers une table ronde populaire (et je sais que je ne suis pas la seule) sur des sujets comme la révolution, j’aimerais aussi l’interroger sur ce qu’elle pense de la politique, des organisations politiques etc. En tout cas je me sens en phase avec ce qu’elle dit : les utopistes ce sont qui pensent que ça va pouvoir "continuer comme ça" !

    Non, parce que je me mets dedans. Nous sommes tous endormis. On porte tous de la rouille en nous, même les militants, les gens lucides. Je suis plus pour une remise en question perpétuelle. La révolution pour moi, c’est plutôt un chemin qu’un but.

    Merci à l’Huma pour cet entretien ( on voit et on entend trop peu Keny dans les merdias...mais c’est peut être pas plus mal ?)

    La Louve

  • Ecoutons-là, allons à ses concerts, apprécions-là pour ce qu’elle est qui nous ressemble, nous aide et nous pousse.

    N’en faisons pas une icone, ni même un exemple, ce serait le plus mauvais service à lui rendre et ce serait à l’opposé de nos valeurs, comme de notre identité d’homme de gauche véritable.

    Quant aux slogans de manifs, chacun justement, tout seul ou en groupe, peut en trouver et en propager. C’est une bonne façon de dire que chacun est important, qu’il n’y a pas une hiérarchie des organisateurs, qu’il n’y a pas ceux qui pensent pour et ceux qui crient, comme c’est trop souvent ce qu’il se passe.

    D’ailleurs, on devrait supprimer les sonos dans les manifs. On entendrait les voix des gens comme ça.

    Soleil Sombre

    • Alors sur ça je suis assez d’accord Soleil Sombre.

      Je pense en effet que la musique avant ou après les défilés c’est bien (d’ailleurs on devrait "soigner nos après" qui sont de plus en plus courts), pendant c’est pas fameux. On devrait se concentrer sur les slogans et ré-apprendre à gueuler.

      La Louve

      Ps : il ne s’agit pas de transformer Keny en icône ( je ne pense pas qu’elel serait d’accord) mais de faire connaître ses chansons parce que c’est un vecteur d’éducation utile . On doit rester collectif...

    • Merveilleuse Kény Arkana,bourrée de talent,une pêche exceptionnelle,des textes supers,une analyse politique très pointue...Bref,une perle de la chanson française d’aujourd’hui.

      Je ne la connaissais pas du tout jusqu’au jour où La Louve a eu l’excellente idée de mettre une des chansons de son nouvel album sur son blog.Là j’ai été conquis immédiatement et,depuis je ne la " quitte "plus.

      Je n’imaginais pas qu’à nos âges,ma femme et moi, tomberions fans d’une jeune rapeuse...et pourtant c’est fait et pas qu’un peu.

      Kény,si tu lis ces lignes saches que tu es parfaite,ne change rien,tu es un exemple et un grand espoir de la chanson mais aussi pour tous les gens qui luttent.

      Bravo à toi et bises.

      Deux "jeunes fans" de 63 et 69 ans

      François et Monique.

  • NON ne crois pas que nous obéissons tous.
    ne t’inquiètes pas. tu n’es pas seule.
    toi tu chante et d’autre travail dans la lumière.
    Mais faire très attention aussi a ce que les jeune interprête dans les paroles.
    toujours se battre mais sans les armes et dans l’amour.
    Maman de 47 ans

  • Salut la populace !

    Tout d’abord Keny, c’est un ange ! Elle est arrivée sur terre sous l’apparence d’un p’tit bout d’femme fantastique, mais en fait, c’est un ange !

    Nous, elle nous donne de la force pour continuer à lutter, c’est comme si elle nous soutenais !
    écouter Keny, c’est comme se recharger les batteries ! Parce que des fois, c’est épuisant de lutter, on en peut plus, on s’retrouve à bout d’force... Et puis, tout d’un coup, hop et hop, on s’relève par je sais pas quelle force mystérieuse, on s’remet debout, on regarde bien devant sois et puis, hop et hop en avant, c’est reparti, en force...

    Merci Keny de nous rendre espoir, de croire en nous et de nous montrer que c’est nous qui avons raison ! Et de nous encourager à continuer, parce qu’on se retrouve souvent face à des gens qui nous prennent pour des fous, des illuminés complètement disjonctés. Tout ça, parce qu’on leur balance trop de vérités, ils ont pas l’habitudes !

    Pour terminer, une belle phrase à méditer :
    "Ce n’est que par son action consciente et organisée que le peuple pourra se libérer !"

    Alors hop et hop, tout l’monde debout. Informer, conscientiser, se réunir, s’organiser, désobéir, lutter, résister, construire, créer... SE LIBÉRER !!!

    Lucie, Charleroi, Belgique.