Accueil > Au son du clairon…
Quand j’étais enfant, les anciens racontaient qu’en temps de guerre, un adage courait et se vérifiait presque à coup sûr : « Il faut acheter au son du canon et vendre au son du clairon ». Ce qui signifiait qu’il fallait acheter lorsque les temps étaient lourds de menaces et vendre lorsque le climat redevenait favorable.
C’est cela un actionnaire, un boursicoteur : quelqu’un qui peut jouer avec la vie de centaines de milliers d’hommes et de femmes et la détresse de leurs familles.
Il y a une quinzaine d’années, un de mes amis de gauche, compagnon de route du Parti communiste dans les années soixante et soixante-dix, s’est soudain, à ma grande surprise, mis à jouer en bourse. Comme un dératé. À fond la caisse. Quand je découvris cela, je le traitai gentiment de malade. En fait, j’avais raison car il y avait quelque chose de compulsif dans sa démarche. Un jour, il me dit, radieux, qu’il venait de gagner 20000 francs avec des actions IBM. Je le félicitai avec toute l’ironie dont j’étais capable et lui dis : « J’y pense, ton fils est ingénieur chez IBM. Tu viens de jouer contre ton fils. » Il me quitta bougon. Il avait un seul fils, et un seul petit-fils.
Deux mois plus tard, son fils était licencié.