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Aung San Suu Kyi, détenue pour évasion fiscale. En rire ou en pleurer ?

Publie le jeudi 18 janvier 2007 par Open-Publishing

de Bruno Lamothe

Depuis fort longtemps, je n’avais pas lu une chose aussi abjecte et, dans un même temps, d’un cynisme hors du commun.

On serait presque (et je souligne ce "presque") tentés d’en rire, si ce n’était l’honneur d’une femme, et finalement sa dignité, qui sont au centre ce cette information :

En fait, le Myanmar (ex-Birmanie) est une démocratie, et depuis des années, nous nous trompions de combat.

Aung San Suu Kyi, qui a passé 11 des 17 dernières années en prison ou en résidence surveillée, le serait pour un motif gravissime : l’évasion fiscale pour ne pas avoir dépensé à l’intérieur du Myanmar la somme d’un peu moins de 1,2 millions d’euros qu’elle a reçue avec son prix Nobel de la paix.

"Elle a évité de payer des taxes à l’Etat en demandant aux membres de sa famille vivant à l’étranger (suite à l’assassinat, en 1947, d’Aung San, le père d’Aung San Suu Kyi, et leader de la libération) de dépenser toutes ses primes en liquide à l’étranger plutôt que dans le pays", rapporte jeudi la Nouvelle lumière du Myanmar, organe de presse officiel du régime, l’une des pires dictatures au monde.

Le journal estime que la leader de l’opposition, âgée de 61 ans, a "de la chance d’être en résidence surveillée et pas en prison pour ses critiques répétées de la junte et ses campagnes en faveur d’un amendement de la constitution".

"Le gouvernement a été très prévenant en ne lui imposant que des restrictions et en ne l’emprisonnant pas comme le prévoyait la loi", affirme le journal, sans rire, dans un éditorial en anglais.

La Ligue nationale pour la démocratie, le parti de Suu Kyi, a remporté les élections de 1990 mais l’armée n’a pas tenu compte de ces résultats.

Mais puisque Aung San Suu Kyi n’a pas reçu physiquement le prix Nobel de la paix en 1991, étant alors en résidence surveillée, pourquoi n’était-elle pas libre ?

Et la réponse est fulgurante. Evidente. Le Myanmar est le seul Etat au monde qui pratique la détention préventive, alors que les faits n’ont pas encore été commis. Imaginons un seul instant les militaires au pouvoir gouvernant avec leurs boules de cristal pour imaginer qui pourrait commettre des délits.

N’en parlez pas à Nicolas Sarkozy, il pourrait vouloir s’en inspirer...

Petit détail pour terminer : la semaine dernière, comme par hasard, la Chine et la Russie, qui cultivent, nous le savons, un grand sens de la démocratie, se sont fermement opposés au vote d’une résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU demandant la libération dans des délais acceptables, des milliers de prisonniers politiques.

La junte fait payer cher le prix de cette tentative. Aung San Suu Kyi ne sortira jamais vivante de son enfermement. Son sort est scellé. Préventivement.

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