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BIG BROTHER IS WATCHING YOU !

Publie le samedi 14 octobre 2006 par Open-Publishing

PRESSE BELGE

La presse sous surveillance (11/10/2006)

Les USA financent un programme destiné à connaître l’opinion des journalistes

BRUXELLES Voilà quelques années, le programme Echelon avait déjà défrayé la chronique : il permettait aux États-Unis d’intercepter jusqu’à deux milliards de conversations téléphoniques par jour et de les passer électroniquement à la moulinette afin d’en retirer toute matière susceptible d’intéresser la sécurité nationale.

Cette fois, le ministère de la Sécurité intérieure veut pousser son souci de mieux appréhender la teneur réelle de toute information et va débloquer sur trois ans la somme de 2,4 millions de dollars pour financer les recherches universitaires sur un logiciel capable de déterminer, par exemple, l’opinion de l’auteur d’un article.

"Ce travail est vraiment destiné à extraire de l’information qui pourrait aider les experts du ministère à analyser les sentiments et les convictions exprimées dans des déclarations publiques" , explique Christophe Kelly, un porte-parole du ministère.

"Le but de ce programme sera d’identifier les faits et les entités, de même que les croyances et les motivations, exprimées dans un texte, et de créer de nouvelles méthodes pour relier les différents éléments d’un texte", souligne de son côté Janyce Wiebe, en charge de ce projet à l’Université de Pittsburgh.

Grâce à ce programme, qui n’est encore qu’au stade d’étude, un article de presse pourrait être décortiqué automatiquement "pour extraire et résumer les informations sur des événements et les opinions décrites dans un texte".

De quoi, sans doute, mieux traquer les opinions des uns et des autres sur la politique intérieure ou extérieure de l’administration en place. S’il est souvent facile de déterminer si tel ou tel journaliste est pro ou anti-Bush, le futur logiciel devrait, lui, parvenir à lire entre les lignes et déterminer quelle est l’opinion réelle du journaliste lorsque le ton de l’article est à première vue neutre. Une même phrase, en effet, peut avoir une signification toute différente selon son contexte.

Pas moins de 270.000 articles parus dans 180 organes de presse dans le monde serviront de base de données à ce programme de recherche.

Ce programme sera-t-il le Big Brother de la presse américaine, voire internationale ? Le ministère de la Sécurité intérieur assure que sa motivation est de détecter tout ce qui peut concerner la sécurité des États-Unis. Mais comme les États-Unis ont tendance à voir des ennemis partout, le logiciel risque de chauffer...

Le ministère américain de la Sécurité intérieure va financer des recherches sur un logiciel chargé de déterminer les opinions exprimées dans un article, ce qui pourrait permettre à terme d’automatiser les revues de presse... et de mieux surveiller les médias.

Le ministère a prévu de verser dans les trois prochaines années un total de 2,4 millions de dollars à des laboratoires d’universités (Pittsburgh, Cornell et Utah) déjà engagés dans des recherches sur l’analyse informatique du langage humain.

"Ce travail est vraiment destiné à extraire de l’information qui pourrait aider les experts du ministère à analyser les sentiments et les convictions exprimées dans des déclarations publiques", explique Christophe Kelly, un porte-parole du ministère.

Il ne s’agira que d’une "nouvelle ressource pour mener à bien leur travail", assure-t-il.

Janyce Wiebe, directrice du programme de recherche à l’université de Pittsburgh (Pennsylvanie, est), confirme qu’il s’agit bien pour l’instant de recherche fondamentale, qui n’est pas destinée à surveiller la presse.

Le programme a pour but "de développer des techniques fiables et solides pour extraire et résumer les informations sur des événements et les opinions décrites dans un texte", explique-t-elle.

"Leur objectif est de développer des logiciels plus simples et plus efficaces, des algorithmes et des architectures mathématiques pour qu’ils soient utilisés dans une vaste gamme d’applications informatiques", renchérit M. Kelly.

Pour cela, le laboratoire de recherches de Mme Wiebe a rassemblé plus de 270.000 articles parus dans 180 organes de presse dans le monde — parmi lesquels l’AFP — entre juin 2001 et mai 2002, évoquant plusieurs sujets : élections au Zimbabwe, relations entre la Chine et Taiwan, traitement des détenus de Guantanamo, protocole de Kyoto...

Chaque article a été annoté et répertorié "avec les significations que nous voulons que le logiciel apprenne à comprendre", poursuit Janyce Wiebe.

Le futur logiciel, s’il voit le jour, devra être capable de traquer les ambiguïtés du langage humain, qui veulent qu’une même phrase peut avoir plusieurs significations selon le contexte dans laquelle elle est utilisée, et de résumer les opinions évoqués sur un même sujet dans plusieurs articles.

Les chercheurs, comme le ministère, se refusent à évoquer toutes les implications possibles d’un tel système informatique. "Il est tout simplement trop tôt pour faire des plans sur la comète", insiste M. Kelly.

Plusieurs associations de défense de la liberté de la presse se sont inquiétées de voir le gouvernement américain utiliser à terme un logiciel de ce type pour établir des bases de données sur certains médias, notamment les plus critiques vis-à-vis de la politique de Washington.

"Nous prenons un soin tout particulier à faire en sorte que les applications de ce programme restent vraiment en ligne avec les missions du ministère", c’est-à-dire essentiellement la sécurité du pays, assure Christopher Kelly.

Mais interrogé sur la possibilité que ce type de logiciel permette un jour aux autorités de déterminer quel média ou même quel journaliste au sein d’une rédaction semble hostile au gouvernement américain, le porte-parole n’écarte pas l’idée d’emblée, estimant seulement qu’il est trop tôt pour le savoir.
La Dernière Heure