Barack Obama et son identité

En politique étatsunienne, je ne connais pas grand-chose, mais pour ce qui est de la nature humaine, je ne suis pas plus mauvais qu’un autre.
J’ai lu comme tout le monde qu’Obama était un ardent partisan de la peine de mort, qu’entouré de quelques faucons, il envisageait des actions militaires d’envergure en Afghanistan et que ses conseillers économiques étaient plutôt monétaristes. Nous verrons.

Je voudrais prendre le problème par un autre biais, celui de son identité personnelle. Tout individu fait face, à un moment ou à un autre, à un problème d’identité, du style « qui suis-je, où vais-je, dans quel état j’erre ? » etc. Plus tôt ce problème est réglé, mieux l’individu se porte.

Les médias du monde entier, et les opinions publiques à leur suite, s’esbaudissent depuis quelques jours sur le fait que la “ grande Amérique ”, pays “ moderne ” s’il en est, a élu à sa tête un Noir. Je passe rapidement sur le fait que, tant qu’on parle de cela, on parle de la surface des choses, pas de ce qui compte vraiment, c’est-à-dire les problèmes économiques, les classes sociales, l’exploitation, l’impérialisme et quelques autres broutilles.

Le problème est qu’Obama n’est pas noir. Je rappellerai la judicieuse réflexion de Philippe Arnaud sur ce sujet (http://blogbernardgensane.blogs.nou...). Pour Arnaud, dire qu’Obama est noir, c’est faire du racisme à l’envers puisque, d’une part, vu de l’Afrique profonde, Obama est perçu plutôt comme un Blanc, mais surtout parce que c’est poser le Blanc comme une référence absolue, un mètre-étalon, un canon, dit Arnaud, « au-dessous duquel il ne peut y avoir qu’abâtardissement ».
On est même allé jusqu’à nous dire que le mot, donc le concept, de métis n’existait pas en anglais, aux États-Unis. Tiens donc ! Demandons aux Sud-Africains qui ont connu l’apartheid s’il n’y avait pas de vocable en anglais pour désigner les métis, la place qu’ils occupaient dans la société. Sans parler du mot mulâtre.

Le problème identitaire de Barack Obama est justement son métissage. Contrairement à la grande majorité des métis, il en a fait une force. Ce qui est louable et très remarquable. Encore jeune, Obama a rédigé et publié une autobiographie (que je n’ai pas lue) ayant pour titre Dreams from my Father. A Story of Race and Inheritance. Je crois que tout le personnage, son rapport à la vie, est dans ce titre. Ce père qu’il a rêvé puisqu’il ne l’a pas connu. Ce père qui lui a transmis, fantasmatiquement ou non, des rêves. Ce qui lui a permis d’écrire les plus belles histoires de sa vie, celles justement qu’il a rêvées. Une “ histoire de race ”, alors qu’il doit bien savoir que les races n’existent pas, sauf, évidemment, pour ceux qui se cherchent et se trouvent une identité raciale. “ Story ” signifiant histoire au sens fictif du terme, Obama a projeté devant lui une vision idéalisée de son héritage, un héritage très majoritairement “ blanc ”.

Avec sa femme, Michelle, qui n’est pas métis, qui vient d’une famille pauvre et unie (ce qui n’est pas son cas), ils se sont bien trouvés. Tant mieux. À l’Université Princeton, qu’elle intégra, dit-on, non pour ses résultats au lycée, mais parce que son frère – étudiant boursier – était le meilleur joueur de basket de l’équipe, elle rédigea une thèse de sociologie sur la division raciale. Elle analysa comment les étudiants noirs s’imprègnent de la structure sociale et culturelle blanche durant leurs études et s’identifient de moins en moins à leur communauté d’origine. Barack et Michelle ont une histoire (au sens non fictif du terme) très différente, mais ils sont travaillés par le même fantasme, celui d’une barrière invisible qui se dresse entre les êtres, que cette barrière soit posée en termes raciaux ou en termes socioculturels.

Je peux naturellement me tromper, mais je serais très étonné que les conditions d’existence des Noirs (ne parlons pas de cause, cela relève du discours, de la com’), progressent notablement sous la présidence d’Obama.