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Berlusconi et sa lettre aux chefs d’Etat européens

Publie le dimanche 28 mai 2006 par Open-Publishing

Silvio Berlusconi retrouve le goût du combat
LE MONDE | 27.05.06 | 13h08 •

Au-dessus du porche du palazzo Grazioli, la résidence personnelle de Silvio Berlusconi à Rome, le drapeau tricolore est encore largement déployé. Comme si cet hôtel particulier, d’où "Il Cavaliere" a gouverné l’Italie pendant cinq ans, était encore au centre du pouvoir. Comme si le riche propriétaire de ce bâtiment semi-officiel feignait d’oublier qu’à 200 mètres de là, au palazzo Chigi, siège officiel de la présidence du conseil, s’est installé un nouveau locataire. Silvio Berlusconi est mauvais perdant, il ne cherche même pas à afficher un fair-play de façade. Ces 24 000 voix d’avance de la gauche aux dernières législatives, il ne les a toujours pas digérées. Ni le vote des Italiens de l’étranger qui a donné 2 sièges de majorité à la coalition Prodi au Sénat.

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"Berlusconi se lève chaque matin du pied gauche, et cela risque de durer", confirme l’éditorialiste Giuliano Ferrara, un proche de l’ex-chef de gouvernement, dans l’hebdomadaire Panorama, propriété de la famille Berlusconi. Silvio n’admet pas la défaite. Chaque prise de parole, à la télévision ou dans les réunions publiques, est une occasion pour déverser sa rancoeur. Tout le monde en prend pour son grade, y compris dans son propre parti, Forza Italia, où des têtes sont appelées à tomber : "J’ai dû faire tout moi-même, ils ne m’ont même pas fait gagner 1 %", s’est-il plaint. Plusieurs fois, il a accusé ses alliés de n’avoir "pas joué le jeu" et de s’être "défilés" pendant la campagne électorale.

S’étant retrouvé seul contre tous pour contester la victoire de la gauche, Silvio aurait même connu, selon certains proches, "un moment de blues". L’homme aura 70 ans en septembre ; il a confié à des journalistes qu’il se sentait "fatigué". Au point d’aller chercher à l’étranger les honneurs que lui refuse l’Italie. Selon la presse, certains l’auraient encouragé à poser sa candidature à un poste de prestige, comme le secrétariat général de l’ONU, qui vient à échéance en octobre.

Mais de voir que "les plus hautes charges de l’Etat étaient monopolisées par les communistes" lui a redonné le goût du combat. Il s’est lancé avec une énergie redoublée dans la campagne pour les élections locales partielles du 28 mai. "Nous ne sommes plus des modérés", a-t-il affirmé jeudi 25 mai à Naples, menaçant de mettre "la moitié de l’Italie dans la rue" si l’équipe Prodi touche à ses réformes, notamment fiscales.

Il promet que "le gouvernement n’aura pas la vie facile" et qu’il sera rapidement de retour aux affaires. C’est avec cette certitude qu’il a quitté le pouvoir, le 17 mai. La veille, il avait écrit à plusieurs chefs d’Etat et de gouvernement une lettre en forme de simple "au revoir". La missive adressée à José Luis Rodriguez Zapatero, le premier ministre espagnol, a été reproduite, vendredi 26 mai, par l’hebdomadaire L’Espresso, proche de la gauche. "Comme tu le sais probablement, à cause du système électoral italien très particulier et en dépit de mon succès personnel (Forza Italia est le premier parti italien), la coalition que je conduisais s’est retrouvée globalement majoritaire en voix, mais minoritaire en termes de représentation parlementaire", explique-t-il à son "Cher José Louis " (sic).

Il poursuit : "Je représente donc 50,2 % du pays et j’espère retourner bientôt au gouvernement, une fois qu’auront été vérifiés plus d’un million de bulletins annulés." Le ton, très amical, reflète-t-il la réalité des relations entre les deux hommes ? "Souviens-toi que tu as en Italie un ami qui te veut du bien. Je te serre bien chaleureusement dans mes bras", termine Silvio Berlusconi.

Le quotidien Il Giornale, qui appartient à son frère Paolo, a entamé une intense campagne contre les "magouilles" du vote des Italiens de l’étranger. Mais l’ancien président du conseil mise plutôt sur un faux pas de la (faible) majorité au Parlement. En attendant, il compte profiter des élections de ce week-end, puis du référendum sur la réforme constitutionnelle, le 25 juin, pour montrer sa force : "Allez voir vos anciens époux, vos ex-femmes, vos amants passés et vos fiancées pour être sûrs qu’ils votent", a-t-il lancé dans un récent meeting.

Jean-Jacques Bozonet

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