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Bientôt l’autonomie des collèges et des lycées ?

Publie le lundi 10 décembre 2007 par Open-Publishing
4 commentaires

La loi « Libertés et Responsabilité s des Universités » (LRU), votée le
10 août 2007, sous couvert de conférer la sacro-sainte Autonomie aux
Universités, prépare en réalité le démantèlement du service public
d’enseignement supérieur. On sait l’ampleur du mouvement qu’elle a
suscité et qui réclame son abrogation.

Pendant ce temps, une commission se réunit dans les salons dorés de la
République : la commission Pochard. Que prépare-t-elle ? Rien de moins
que l’« autonomie » des établissements scolaires.

Officiellement, la commission est chargée de réfléchir sur le métier
d’enseignant. Plus exactement, dans la lettre de mission envoyée le 20
septembre 2007 à Marcel Pochard, Conseiller d’Etat, Xavier Darcos explique :
« Le Président de la République et le Premier Ministre m’ont demandé,
dans la lettre de mission qu’ils m’ont adressée, de mener le chantier de
la redéfinition de la condition enseignante et d’entreprendre une large
concertation avec l’ensemble des acteurs de la communauté éducative et
notamment, des représentants du monde enseignant. Ce processus, qui doit
s’achever au printemps, se déroulera en deux temps : l’élaboration d’un
état des lieux argumenté, sous formes d’un Livre Vert, puis celui de la
proposition du gouvernement et de la négociation, sur le fondement d’un
Livre Blanc ».
Mis à part les talents chromatiques cachés de Xavier Darcos, avouons que
cela ne nous apprend pas grand-chose. Pour en savoir plus, mieux vaut
directement lire la lettre de mission envoyée le 5 juillet 2007 par
Nicolas Sarkozy et François Fillon à Xavier Darcos. En effet, les conclusions d’une commission
ministérielle se trouvent souvent dans la lettre qui en est à l’origine…

Nous allons voir qu’elle suit une logique en tous points identiques à
celle mise en œuvre pour la LRU. Tout d’abord les deux premiers
paragraphes sont communs à toutes les lettres de missions destinées aux
différents ministres, y compris à Valérie Pécresse. Le résultat de
l’élection présidentielle y est en quelque sorte présenté comme un
référendum anticipé sur toutes les réformes présentes et à venir.
Ensuite, le constat est semblable : l’échec en licence est remplacé par
« les 20 % des élèves [qui] sortent du système scolaire sans
qualification ». Dans les deux lettres, une prétendue « bataille
mondiale de l’intelligence » risquerait d’être perdue si tant pour nos
établissements scolaires que pour nos Universités, l’objectif de gagner
des places dans les tout puissants « classements internationaux »
n’était pas rempli. Enfin, quelques citations nous montrent que les
modalités sont les mêmes :

 autonomie : « vous donnerez d’abord à tous les établissements plus de
souplesse et d’autonomie, en particulier dans le domaine budgétaire,
pour leur permettre de mettre en œuvre, sous le contrôle bien sûr de
l’autorité académique, un projet pédagogique qui leur soit propre »

 « orientation active » et mission d’insertion professionnelle : nous
estimons que tous les élèves, dès la classe de cinquième, devraient
suivre un parcours de découverte des différents métiers. Ce sera le rôle
d’un nouveau service public de l’orientation, que vous mettrez en place,
que d’organiser ce parcours et de donner à chaque famille et à chaque
élève des informations pertinentes, fondées sur des évaluations précises
et publiques, sur les différentes filières de l’enseignement supérieur
et de l’enseignement technique et professionnel. La réussite scolaire,
c’est que chaque enfant puisse s’orienter dans une voie qui corresponde
à ses projets personnels, à ses talents, aux besoins du marché du travail

 chantage de l’évaluation : « Vous garantirez la liberté pédagogique
des enseignants, en contrepartie de quoi vous les évaluerez plus
régulièrement sur la base des progrès et des résultats de leurs élèves.
 », « une évaluation régulière des enseignants sur la base des progrès et
des résultats de leurs élèves, et non pas sur les méthodes qu’ils
utilisent », « une évaluation en profondeur des établissements, qui sera
disponible pour les familles ; enfin, une évaluation indépendante et
régulière de l’ensemble de notre système éducatif, afin que l’autorité
politique puisse en permanence prendre les décisions nécessaires pour
garantir la qualité de l’école et sa capacité à répondre aux obligations
et aux attentes du monde contemporain »

 mise à mort des concours nationaux (CAPES, AGREG) et des statuts
associés : « La formation des enseignants devra durer cinq ans et sera
reconnue par un diplôme de niveau master »

 employer moins d’enseignants pour (peut-être) les payer plus, en
individualisant les carrières : « Nous voulons également que la
rémunération des enseignants corresponde mieux à l’importance de leur
rôle pour la nation, à court terme en permettant aux enseignants qui
veulent travailler plus pour gagner plus de le faire, à moyen terme en
conciliant mieux l’évolution des effectifs et l’évolution des
rémunérations. Nous souhaitons que le mérite soit reconnu, tant au
niveau individuel que collectif. C’est possible tout en étant objectif.
Il nous semble naturel que chaque enseignant puisse maîtriser, par son
travail, l’évolution de sa carrière et de ses revenus en s’investissant
comme il le souhaite dans son métier principal et dans des activités
complémentaires. Les obligations de service des enseignants devront
tenir compte de cette nouvelle liberté qui leur est offerte. », « 
l’engagement présidentiel d’embaucher un fonctionnaire pour deux partant
à la retraite »

Il y a aussi des mesures plus spécifiques à l’enseignement scolaire, par
exemple une sorte d’« enseigner moins pour apprendre plus » : le projet
« pose la question de l’ampleur actuelle des programmes scolaires et de
la surcharge horaire imposée aux enfants, dont les journées de travail
sont parfois plus longues que celles de leurs parents. De fait, les
enfants français ont des emplois du temps plus lourds que leurs
homologues étrangers sans que cela se traduise par un niveau scolaire
général sensiblement supérieur. Vous ouvrirez donc une réflexion sur la
manière de réduire le volume horaire imposé aux enfants tout en
valorisant les activités collectives et d’ouverture, et sans renoncer à
nos exigences essentielles »

Pour être honnête, reconnaissons que les membres de la commission
peuvent avoir d’autres idées. Qui sont-ils ? Parmi eux, on trouve, entre
autres, un ancien premier ministre d’une autre majorité, deux
professeurs de l’Enseignement Supérieur et deux directeurs de recherche.
Comme membre de l’Education Nationale, seul un inspecteur général est
présent ; c’est normal, pour demander leur avis aux professeurs, la
grande concertation suffira… En revanche siègent deux éminents experts :
Foucauld Lestienne, directeur délégué des ressources humaines et des
relations sociales du groupe La Poste, et Philippe Manière, directeur
général de l’Institut Montaigne, présentateur de l’émission « les grands
débats du mardi » sur B.F.M., éditorialiste au mensuel « Enjeux-Les
Echos ». Justement, l’Institut Montaigne, qui se définit comme un « 
think tank indépendant », a publié en novembre 2001 un rapport intitulé
« Vers des établissements scolaires autonomes ».
On peut y lire :
« Nous proposons de donner aux établissements publics ou privés, qui en
feront la demande, les moyens de la plus large autonomie possible sans
que pour autant l’éducation cesse d’être nationale :
 Que soit reconnue au chef d’établissement la possibilité d’orienter la
politique de son école - dans le cadre du projet d’établissement - et
d’avoir une réelle capacité de choix pour organiser les enseignements.
 Que l’enseignant puisse faire le choix de l’établissement auquel il
souhaite collaborer en fonction des orientations pédagogiques de celui-ci.
 Qu’il y ait entre le chef d’établissement et l’enseignant un acte de
cooptation et d’embauche, rompant avec la routine aveugle des carrières
au barème.
 Que, dans un monde complexe et mouvant, l’initiative laissée aux
établissements offre aux élèves une diversité de formations. »
ou encore :
 « Donner aux chefs d’établissement la possibilité de recruter leurs
collaborateurs après appel de candidature ou candidatures spontanées,
dans la mesure où les candidats sont habilités.
 Donner aux enseignants, d’abord mus par le goût de transmettre une
culture, la possibilité de recevoir en des lieux divers une formation
permanente qualifiante.
 Donner à des personnes compétentes engagées dans d’autres professions
la possibilité d’être habilitées à enseigner.
 Accorder aux établissements une totale autonomie financière, en
particulier dans la gestion de la masse salariale.
 Constituer des conseils d’administration et conseils stratégiques qui
assistent la direction dans sa tâche et lient l’école à son
environnement social, économique et culturel.
 Introduire dans les établissements une culture de l’évaluation et de
la transparence. »

On voit que la LRU et la future réforme des établissements scolaires
s’inscrivent dans la même logique : appliquer des recettes manageriales
en déréglementant le « marché du travail » des personnels, préparer le
désengagement de l’Etat et mettre en concurrence les établissements.

N’attendons pas les conclusions de la commission Pochard ! Dès
maintenant, appelons nos collègues de l’enseignement scolaire et leurs
organisations à rejoindre le mouvement contre la LRU !

Frédéric Caupin
Maître de Conférences à l’Ecole Normale Supérieure

Messages

  • Bientôt l’autonomie des collèges et des lycées ?
    Et pourquoi pas après tout , de toutes les manières ça ne marche pas ! et nous creusons sans cesse les inégalités ... Alors peut - être que vue de "normale sup " les choses sont différentes, mais vue d’en bas comme moi et bien ç’est catastrophique tant on niveau des élèves que des enseignants.
    Il faut dire la vérité ... évidemment que beaucoup de nos collègues font leur travail correctement et bien plus mais désolé il n’y pas qu’eux et croire que tout va bien en pratiquant la politique de l’autruche n’a jamais rien fait avancer .
    Il faut le dire beaucoup ne travaillent QUE les sacro saintes 18H par semaine en réutilisant d’année en année le même cours sans prendre le temps de les adapter à une jeunesse tout le temps en mouvement.
    Bien sûr que certains pompent trois jours avant la visite décennale de l’inspecteur, leur cour sur Internet, bien sur que beaucoup d’enseignant refusent de voir la différence entre les élèves et s’illusionnent dans un discours et des croyances passéistes .
    Arrêtons de critiquer et de politiser l’éducation , je me fous de quelle bord est le ministre qui va mettre un coup de pied dans la fourmilière . Mais cessons de croire que tout va bien !!
    Et tout le monde doit s’y mettre primaire ,collège ,lycée et supérieur . Et commençons simplement par des constats sur des pratiques actuelles . 1)Dans les grandes écoles comme normale sup ou autres arrêtons de penser que l’échantillon des admis chaque année est représentatif de la tranche entrée en sixième 9 ans plus tôt ! 2)Bien sur que nous sélectionnons et à tour de bras qui plus est , bien sur que notre système est sélectif . 3) Nous ne sélectionnons pas les intelligences mais la docilité ! Il est certain que si toutes les intelligences de France prétendaient à ce qu’elles ont droit il y aurait moins de places pour les autres . Plus de concurrence donc ! pourquoi pas ? Mais qui en a vraiment peur ?
    Alors je ne sais pas ce qu’il faut faire autonomie pu pas ? . Mais moi j’en ai marre et je voudrais que ça bouge !

    • De la discussion nait la lumière, je retire personnellement, on n’est pas obligé de me suivre, des deux précédentes interventions les réflexions suivantes :

      Le 1er problème, c’est peut-être les enseignants

      Le 2e sûrement les élèves

      Le 3e doit aussi concerner les contenus transmis

      Et le 4e problème, qui me paraît le plus important, concerne les finalités poursuivies. On ne force jamais là-dessus.

      En définitive, personne n’a jamais été fichu de m’expliquer clairement à quoi servait l’enseignement, surtout si on y met en plus une exigence démocratique, toussotée plus qu’exprimée.

      Ce qui me semble sensible, c’est que la réflexion d’une société sur elle-même c’est essentiellement l’ensemble de ses fantasmes du moment. Je n’ai pas l’impression qu’on soit sorti de l’auberge.

      En fait la société moderne ne supporte plus la démocratie. J’espère pour ma part que c’est momentané, mais ne suis sûr de rien.

      zaz/ocsena

      ’’

    • politiser l’éducation ,mais masieurs l’école n’est que le reflet d’une société,et aujourd’hui le problème de fond c’est que l’école et l’éducation sont formatés dans le sens : produire plus encore plus pour enrichir les actionnaires ,le reste n’est que de la masturbation intellectuelle ,et nous sommes loin d’une école émancipatrice qui apprend aux individus à réfléchir par eux même,à décider de leur propre avenir ,une école pour tous et pas une école des élites qui assoit encore plus l’hégémonie capitaliste

      alors non non nicolas la commune n’est pas morte

    • CONCRETEMENT :

      Avant toute chose, si les dirigeants étient honnêtes, ils devraient faire des tests concrets, avant d’imposer ces horaires surchargés

      Des années après, QU EST CE QUI EN RESTE, de toutes ces matières inutiles que les lycéens bossent pendant des dizaines d’heures ?

      Même dix ans après, c’est sûr qu’il n’en reste vraiment pas grand chose....

      Par contre ils ont fichu leur jeunesse en l’air et sont incapables de se débrouiller dans la vie pratique
      Par contre, on leur a appris à subir une discipline pour rien, sur le plan physique, ils se sont dépensés dix fois moins que les adolescents il y a un siècle.
      En conclusion, c’est en partie le vol de leur jeunesse