Accueil > Bush : Give War a Chance
Dans son discours sur l’Etat de l’Union, Bush défend sa vision manichéenne d’un monde livré aux forces du mal qui sera sauvé in-extremis par la cavalerie US.
Une histoire américaine.

La « Nuit du chasseur » met en scène un inquiétant Robert Mitchum, improbable prêcheur aux doigts tatoués des lettres formant les mots haine et amour, qui mime de ses mains le combat sans merci des deux forces éternellement antagonistes.
La culture populaire américaine adore ces belles histoires où s’affrontent les forces du bien et du mal en une lutte terrible où incombe aux Etats-Unis la tâche exaltante de contribuer au triomphe du bien. D’Armaggedon à Indépendance Day, Hollywood excelle dans les déclinaisons de ce récit archétypal.
Charles Laughton, lui, n’est pas dupe de la légende américaine, et son prêcheur est un escroc. Le sermon édifiant délivré aux enfants de la maison qui l’accueille n’est qu’une combine pour gagner leur confiance et les convaincre de révèler le lieu ou le magot qu’il convoite est caché.
Bush n’est pas Mitchum, mais ses discours ont un point commun avec l’homélie du faux dévot. Quelles que soient les circonstances, ils proposent une narration transformant la complexité du réel et le cynisme politique en un nouveau chapitre de la légende américaine.
Pas de bon scénario sans vrais méchants.
Bush n’a pas besoin de forcer le trait. Le 11 septembre n’est pas loin, et la capacité de nuire d’Al Quaeda n’est plus à prouver. Mais c’est un passage obligé et le président s’y adonne sans rechigner.
Considérez n’importe quel principe de civilisation, ( et vous verrez que ) leur buts sont à l’opposé. Leurs prêches sont des menaces, ils instruisent à coups de bombes, et promettent le paradis en récompense du meurtre des innocents.
Ces barbares ont un but, chasser les USA :
Ils veulent renverser les gouvernements modérés et établir des sanctuaires à partir desquels ils planifieront et exécuteront de nouvelles attaques contre notre pays.
Par le meurtre et la terreur visant les américains, ils veulent nous contraindre à nous retirer des affaires du monde et à abandonner la lutte pour la liberté.
Sur ce point, George, bien que forçant comme toujours un peu le trait, n’a pas complétement tort, c’est effectivement la stratégie d’Al Quaeda, telle que définie par un de ses manuels de stratégie Management du Chaos (sic).
Maintenant que les méchants sont placés dans le cadre, élargissons le champ pour y faire entrer leurs complices.
Ces gens ne représentent qu’une partie du Mouvement Islamique Radical. Ces derniers temps, il est devenu évident que nous faisons face au danger croissant créé par les chiites extrêmistes, qui sont tout autant hostiles à l’Amérique et sont tout autant déterminés à dominer le Moyen Orient.
Sadr vient d’entrer dans le champ. Elargissons encore.
Nombre d’entre eux sont connus pour prendre leurs ordres en Iran.
L’absence de l’Iran dans le casting aurait été incompréhensible. Elargissons encore un peu.
Iran qui finance et arme des terroristes comme le Hezbollah - Le second groupe après Al Quaeda pour le nombre de morts US qu’il a provoqué.
Maintenant que la famille terreur est réunie au complet à l’écran, voici un bref rappel des enjeux.
Les extrèmistes chiites et sunnites sont deux faces de la même menace totalitaire. Quels que soient les slogans qu’ils scandent, quand ils massacrent des innocents, ils ont les mêmes buts infâmes. Ils veulent tuer les Américains, tuer la démocratie au Moyen Orient, et se procurer les armes pour continuer à tuer à une terrifiante échelle.
Là, normalement, le spectateur tremble de tout son corps.
Il n’est pas question de politique - encore moins de diplomatie - nous sommes en face d’une horde de tueurs déments qui ne rêvent que de meurtre et n’espèrent qu’une chose, transformer le monde en un chaos sanguinaire.
La cavalerie va arriver sans tarder, mais avant le combat terrible qui s’annonce, il convient de bien marquer tout d’abord la distance qui « nous » sépare « d’eux ». Et rappeler que le droit est de notre côté.
Durant ces six années écoulées depuis que notre nation a été attaquée, j’ai espéré pouvoir vous annoncer que les dangers étaient écartés. Ils ne le sont pas. Et la politique de ce gouvernement est de continuer à utiliser tous les moyens légaux du renseignement, de la diplomatie, du maintien de l’ordre et de l’action militaire, pour accomplir notre devoir, trouver ces ennemis, et protéger le peuple américain.
Et que les valeurs défendues sont fondamentalement justes.
Cette guerre est bien plus qu’un affrontement armé. C’est un combat d’idées décisif, dans lequel la sécurité de notre nation est en jeu. Ce que les terroristes redoutent le plus c’est la liberté. Les sociétés ou les hommes et les femmes peuvent librement choisir et se déterminer en conscience vivent dans l’espoir et non le ressentiment. Les peuples libres ne sont pas attirés par les idéologies nocives et violentes.
Dreamland
L’idéal du rêve américain a une très haute opinion de lui même. Cette jeune nation qui s’est bâtie contre les aristocraties de la vieille Europe, s’est ouverte à tous les émigrés qui fuyaient la misère ou l’oppression des quatre coins du monde, se vit comme une nouvelle promesse de liberté enfin accomplie qui n’appartient qu’à elle.
Son mode de vie, ouvert et tolérant aux minorités, doit constituer un irrésistible aimant pour la terre entière. La meilleure preuve en est son incomparable succès qui voit la terre entière acheter des produits conçus aux Etats Unis, regarder des films et des séries TV tournés à Hollywood, et adopter peu ou prou l’American Way of Life.
L’existence d’un modèle culturel rétif à celui des USA, est proprement inconcevable. La démocratie, forcément, c’est le choix du patronage US. Si vous en doutez, voici quelques exemples.
En 2005 le monde a vu le Liban lever la bannière de la révolution du Cèdre, expulser l’occupant Syrien, et choisir de nouveaux dirigeants lors d’élections libres. En 2005 les afghans ont défiés les terroristes et et élu un parlement, et en 2005 les Irakiens ont adopté la constitution la plus progressive, la plus démocratique du monde Arabe.
Bizarrement, tous les exemples choisis sont déjà vieux d’un an et la dernière élection démocratique du Moyen Orient qui a amené le Hamas à la tête du gouvernement Palestinien passe à la trappe.
Le fait que des élections réellement libres aujourd’hui, du Maghreb au Moyen Orient, améneraient les Islamistes au pouvoir n’intéresse pas Bush. La démocratie en laquelle il croit, c’est celle qui amène au pouvoir les protégés de Washington. Tout autre résultat ne peut que traduire l’influence de forces maléfiques, pas une opposition réelle à la politique US.
Un ennemi perspicace.
Revenons à la bataille. Effrayé par les succès de la démocratie, l’ennemi n’est pas resté inerte. Assassinat de Gemayel, renforcement des Talibans en Afghanistan, guerre au Liban, attentat de Samara, ont envenimé la situation qui s’annonçait si radieuse en 2005.
Ce n’est plus le même combat que celui que nous avons entamé en Irak. Mais c’est le combat dans lequel nous sommes. Cela ne nous ressemblerait pas de ne pas tenir nos promesses, d’abandonner nos amis.
Notons au passage l’aveu que l’initiative stratégique n’appartient plus aux USA. Ils se contentent de réagir.
La cavalerie.
La seule possibilité pour l’Amérique, c’est l’envoi de troupes pour la sécurisation de Bagdad, et l’échec n’est pas permis.
Si les forces américaines reculent à Bagdad avant de l’avoir sécurisé, le gouvernement sera débordé par les extrémistes de tous bords. La violence débordera les frontières et toute la région sera entrainée dans le conflit.
Pour l’Amérique, c’est un scénario de cauchemard. Mais c’est l’objectif pour l’ennemi.
Et cette lutte sera gagnée, à condition que les Démocrates lui permettent de la mener.
Voilà où nous en sommes ce soir. Quel qu’aient été vos votes, vous n’avez pas voté pour l’échec. Notre pays poursuit une nouvelle stratégie en Irak, et je vous demande de lui donner une chance de réussir
Simplifiez, puis exagérez
La mot d’ordre en vigueur dans les années 50 à la rédaction de The Economist, si l’on en croit Gideon Rachman , et qui pourrait servir de devise aujourd’ui aux néoconservateurs, va comme un gant au dernier prêche de George Bush.
Les recommandations du rapport Baker sont passées à la trappe. Peu importe l’avis de tous les diplomates chevronnés, de Brzezinski à Kissinger, qui recommandent la tenue d’une conférence régionale et la négociation, pour sortir du piège Irakien.
L’équipe de généraux qui commandaient en Irak et doutaient que l’on puisse parvenir à un résultat en se contentant d’utiliser un bâton encore plus gros, a été débarquée, et leurs avis ignorés.
Les réticences des Démocrates, les responsabilités de son administration ont disparus.
Bush a réduit la complexité de la situation et des luttes d’influences et d’intérêts du Moyen Orient à une bagarre épique dans les rues de Bagdad entre les barbares et les soldats US, ultimes protecteurs de la démocratie.
Les élus Démocrates connaissent désormais le casting et le scénario. Reste à savoir si ils vont accepter de produire le film.