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« C’est une très grave défaite du centre-gauche en Italie »
Publie le dimanche 27 janvier 2008 par Open-Publishing4 commentaires
Selon Marc Lazar, professeur à Sciences po et spécialiste de la vie politique italienne, la chute du gouvernement Prodi était en germe depuis vingt mois. Interview.
de Arnaud Vaulerin
Après la démission jeudi de Romano Prodi, Giorgio Napolitano, le président de la république italienne a entamé vendredi des tractations pour trouver une issue à la crise politique. Jusqu’à mardi, le chef de l’Etat va consulter les responsables politiques afin de déterminer s’il doit appeler à des élections anticipées ou à la formation d’un gouvernement de transition.
Professeur à Sciences-po à l’université Luiss de Rome (il avait signé L’Italie à la dérive, editions, Perrin en 2006), Marc Lazar tire les enseignements de la démission du président du Conseil italien.
Pourquoi Romano Prodi a voulu à tout prix aller devant le Sénat pour demander la confiance des sénateurs alors qu’il était presque assuré de ne pas l’obtenir ? N’est-ce pas une forme de suicide politique ?
C’est surprenant en effet. Il y a un côté bravache et un double-calcul chez Prodi. Je crois qu’il a pensé que l’issue du vote pouvait être positive pour lui, qu’un pari était possible en retournant quelques sénateurs. Ensuite, il a voulu montrer sa cohérence et afficher sa responsabilité devant les parlementaires, les électeurs et la nation.
Comment expliquer que le Parti démocratique, pilier de la majorité, se soit montré aussi peu solidaire de Romano Prodi ?
Le centre gauche paye très cher ses profondes divisions. Cette coalition avait été bâtie de bric et de broc (en 2006, ndlr) avec des gens qui vont de l’extrême gauche aux catholiques conservateurs très proches du Vatican, avec toutes les nuances de la gauche ex-communiste et ex-socialiste. Cette alliance n’était cimentée que par une seule chose : son hostilité à Berlusconi.
Dès le début, cette coalition était menacée.
Oui, le vers était dans le fruit dès le départ. Il y avait des désaccords de fond idéologiques, par exemple sur le Pacs italien. Et il y a bien d’autres motifs de désaccord sur les retraites, sur les politiques sociales, sur la politique étrangère, etc. Après, chaque parti cherche à défendre ses intérêts. Prodi s’est donc épuisé dans des négociations, des tractations sans fin. Il ne faut jamais oublier que le centre-gauche ne l’a emporté en 2006 que de 26.000 voix à la Chambre des députés et a perdu au Sénat tout en ayant une majorité de deux sénateurs. La majorité était donc très courte. A la moindre étincelle, la coalition pouvait exploser. Nous y sommes.
Malgré tout, une dynamique existait au centre-gauche avec la création du Parti démocratique et la désignation de Walter Veltroni pour diriger ce nouveau grand parti ?
Il y a effectivement une dynamique innovante avec la constitution du Parti démocratique parce que le PD cherche à simplifier le système électoral, à répondre au malaise démocratique et à déplacer les frontières entre la gauche et le centre. Il s’agit d’inventer une nouvelle culture politique. Mais cette innovation a perturbé le centre-gauche. D’une part, les petits partis ont très peur de la tentation hégémonique du PD. Une forme de concurrence s’est instaurée d’autre part entre le PD, dirigé par Veltroni, et le gouvernement. Veltroni soutenait la politique de Prodi pour gagner du temps afin de construire le parti, tout en cherchant à s’en démarquer, par exemple en exigeant une accélération des réformes.
Quel est le bilan des vingt mois de Romano Prodi à la présidence du Conseil ?
Il est très mitigé, mais, encore une fois, ce gouvernement a travaillé dans des conditions épouvantables : courte majorité, coalition divisée, fragmentation des partis, gouvernement pléthorique, une opposition obsédée par un désir de vengeance car Berlusconi considère qu’il s’est fait voler la victoire en 2006. Malgré cela, l’Italie a retrouvé une crédibilité internationale et européenne. Les finances ont été assainies, une libéralisation de certains secteurs a été lancée, des politiques de soutien aux plus défavorisées ont été mises en place. Mais les électeurs du centre-gauche ont été grandement déçus. Rien n’a été véritablement fait pour l’enseignement supérieur et la formation d’excellence, alors que cela avait été érigé comme une priorité.
La loi sur le conflit d’intérêt, en souffrance depuis des années, n’a pas été votée. Le centre-gauche n’a pas osé affronter le Vatican et l’ose de moins en moins, notamment sur les questions de société. La laïcité divise très profondément le parti démocratique. C’est une défaite très grave du centre-gauche à laquelle on assiste.
Est-ce le retour annoncé de Berlusconi, malgré son âge, son discrédit, ses soucis de santé ? N’est-ce pas l’occasion de voir émerger de nouveaux leaders à droite ?
Non. A priori, la droite peut l’emporter largement. En 2006, la moitié du pays était derrière la droite. Ce bloc demeure. Berlusconi a créé un bloc social autour de lui, de différents horizons, qui n’est pas désagrégé. L’électorat du centre-gauche est dépité, effrayé de voir que ses leaders sont en train de s’entre-tuer.
Et puis, surtout, qui va diriger la campagne du centre-gauche ? Veltroni ? C’est trop tôt. Cela ouvre la voie à Berlusconi. Il n’apparaîtra pas comme un homme neuf mais, lui, comme un président du Conseil qui a pu rester cinq ans au pouvoir (2001-2006). Il pourrait se poser en leader responsable, garant de la stabilité. Il est incontournable. L’Italie s’apprête peut-être à passer sous l’autorité de Silvio Berlusconi, même si, lui aussi, aura des problèmes de coalition à régler. Ce pays est réellement à la dérive. Et les Italiens sont fatigués par leur classe politique car ils attendent des décisions et plus de transparence.
Messages
1. « C’est une très grave défaite du centre-gauche en Italie », 27 janvier 2008, 08:35, par LE BRIS RENE
VOILA DES FAITS QUI DEVRAIENT FAIRE REFLECHIR LES
SOCIALISTES QUI LORGNENT VERS LE MODEM COMME
LES COMMUNISTES DE GRENOBLE ET DE ROUBAIX QUI
SE FOURVOIENT DANS DES LISTES DE CENTRE GAUCHE !
René LE BRIS
1. « C’est une très grave défaite du centre-gauche en Italie », 27 janvier 2008, 09:49, par Copas
C’est une spirale implacable :
La gauche réelle a choisit Prodi pour éviter Berlusconi , finalement elle a l’un et l’autre quand même.... Mais entre temps la collaboration à une politique anti-sociale et guerrière a fait un mal immense et affaiblit les travailleurs.
C’est toujours la même histoire ..... Avec ou sans collaboration d’ailleurs avec un parti centriste. Le PS n’a pas eu besoin du MODEM pour les attaques contre les retraites que Raffarin a fini, il n’a pas eu besoin de Bayrou pour privatiser plus qu’aucun autre parti de droite, pour laisser dans un mauvais état les travailleurs. Le PS n’a pas eu besoin de tout cela, mais finalement il a eu besoin du PCF et des verts pour ces forfaits.
Se taire et suivre : On croyait éviter la droite et finalement on a eu une politique de droite par la gauche et au final on a quand même eu Le Pen au 2e tour et plus tard Sarko , la droite autoritaire 5 ans après.
Ces processus sont inexorables, toujours. Ils se répètent sans cesse et démontrent que des alliances n’ayant pas pour but de renforcer l’indépendance et la force du mouvement social sont vouées à faire le jeu du capitalisme en arrivant aux affaires.
Nous avons des exemples et des contre-exemples qui montrent sans cesse ce genre de situation : L’opposition résolue à des politiques pro-capitalistes de la gauche ou de la droite est la seule chose qui fait avancer le sort du monde du travail.
Le PCF dans le front populaire, gardant l’essentiel de sa liberté d’initiative et de critique, fit un formidable bond en avant.
Die Linke progresse pendant que la sociale-démocratie en voie de social-libéralisation est piégée dans l’alliance de droite, sur une politique de droite. l’indépendance de ce parti crée finalement la meilleure des pressions sur la vie sociale et politique allemande. Elle donne un caractère plus menaçant aux mouvements sociaux , elle a comme contre-coups d’accélérer l’apparition d’un SMIG et plus prosaïquement le faire apparaitre pour les postiers, donnant ainsi un coup de couteau au dumping social construit sur la privatisation.
L’extrême gauche en France a progressé (sous plusieurs montures d’ailleurs, de LO à la LCR) par son indépendance face au gouvernement de droite du PS, du PCF et des Verts.
La libération du PCF des chaines de ces alliances mortelles mal conçues (je ne suis pas contre toute alliance) est un enjeu de renouveau pour tout le monde du travail.
2. « C’est une très grave défaite du centre-gauche en Italie », 27 janvier 2008, 10:10
Au secours, envoyez nous en italie Olivier et Arlette. HI hi, hi,
3. « C’est une très grave défaite du centre-gauche en Italie », 27 janvier 2008, 10:43, par Copas
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Ils ont bien assez de gens largement capables là bas.
Je me suis efforcé d’indiquer les processus à l’œuvre , Die Linke ne ressemble pas à la LCR et LO, comme l’ex parti Mao néerlandais ne ressemble pas non plus.....
Mais les processus sont les mêmes....
L’Italie a d’immenses réserves humaines pour traiter cette question des alliances et leurs formes.