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Les agressions lors des manifs lycéennes sont une atteinte grave à la liberté d’expression.
La « cognerie » n’a pas d’excuse
Par Didier PEYRAT
jeudi 24 mars 2005
n dépit des moyens humains, matériels et financiers sans précédent alloués à la police nationale depuis plusieurs années, quelques centaines d’individus avaient pu, le 8 mars, lors du défilé lycéen, « descendre » à Paris, s’incruster dans une manifestation pacifique, puis parvenir à la disperser en brutalisant ses jeunes participants, filles ou garçons. Le tout sous les yeux de « forces de l’ordre », installées à proximité, affairées à compter avec un matériel ad hoc le nombre de manifestants ; capables de garder les édifices publics, mais incapables, semble-t-il, de protéger les lycéens contre de flagrantes infractions. Une enquête devrait être organisée pour comprendre le pourquoi de tels dysfonctionnements... En tout cas, il sera difficile d’invoquer la surprise. Le 15 février, lors d’une première manifestation, des violences identiques avaient déjà eu lieu, dans une moindre proportion. Mais surtout : en 1993, puis encore en 1998, des « casseurs » avaient déjà réussi à briser, plus efficacement qu’une compagnie de CRS, des manifestations de lycéens. Depuis quinze ans, à chaque mobilisation étudiante ou lycéenne, le même problème revient.
Une précision : ils ne « cassent » pas, ils cognent. C’est différent. Sommes-nous d’accord pour dire que c’est plus grave ? Ensuite, ils ne cognent pas sur le système, l’Etat, l’échec scolaire ou les injustices. Ils ne bousculent pas des généralités : ils brutalisent des personnes. Des lycéens, des lycéennes, qui, comme ils l’ont remarqué, « ne savent pas se battre ». Résultat : des points de suture, des hématomes, des enfants traînés par les cheveux, « massacrés » selon le témoignage d’un professeur (militant de SUD Education), dépouillés, mais aussi durablement choqués.
Les victimes de ces brutalités sont-elles coupables ? Les lycéens parisiens sont les fils de leurs parents, c’est vrai... Sont-ils responsables du taux de chômage en banlieue, de la gentrification parisienne, des ghettos fabriqués avant leur naissance ? Pourquoi pas de la politique coloniale de l’empire français ? Et d’ailleurs : n’y a-t-il que les lycéens parisiens qui sont victimes de ce genre de prédations hyper agressives ? Le problème n’existe-t-il pas aussi dans des lycées et collèges de Seine-Saint-Denis, sur les quais de RER du Val-d’Oise, dans des quartiers d’habitat social d’Essonne ?
Est-ce que les cogneurs agissent dans une espèce de rage irrationnelle ? Pas tous. En général, ils cognent pour avoir. Des vêtements, des téléphones, de l’argent. Un après-midi de manif, ils font, en gros, ce que pas mal d’entre eux font, au détail, notamment dans les espaces publics d’Ile-de-France. Accumulation brutale de biens. Impôt sur petites fortunes et argent de poche. On observera que, fréquemment, les coups continuent de pleuvoir une fois la victime à terre, délestée de ses « richesses »... Et qu’est-ce qui transpire de cette brutalité, alors ? Le plaisir de dominer par la force. Parfois du racisme, exprimé comme à l’état pur. Question : sommes-nous tous bien d’accord sur le fait que le racisme anti-Blanc est aussi intolérable que les autres, et qu’il n’a aucune excuse sociale ?
Est-ce que les auteurs de ces férocités sont affectés de troubles psychologiques ? Pour certains d’entre eux, c’est indéniable. Mais dans l’ensemble, ce qui l’emporte c’est une capacité d’organisation impressionnante. Manifestement, il y a des stratèges de rue, qui savent se préparer en conséquence. Des entraînés, certainement. Des entraîneurs, à coup sûr. Lors de la manifestation du 15 mars, les policiers, cette fois un peu plus vigilants, ont saisi un arsenal de couteaux, de bombes lacrymogènes, de battes de base-ball. L’équipement préalable traduit une intention, une planification relative, un gain espéré. Il y a un savoir-faire, fondé sur l’expérience, qui réussit périodiquement à prendre à revers nos Renseignements généraux, la crème de la police nationale. Tout ça ne ressemble pas vraiment à de la folie.
Poursuivons. Qui sont-ils ? A droite, on insiste sur le fait qu’ils viennent des cités, et sur la couleur de leur peau. Le réflexe, ici, c’est de semer la méfiance sur des catégories et des origines. Pour stigmatiser en bloc et durcir la surveillance des nouvelles « classes dangereuses ». « Guerre à la délinquance », et tant pis pour les « dommages collatéraux » ! On ne va pas refaire la droite française. Elle est comme ça.
Mais pourquoi faut-il qu’une certaine gauche transforme cette violence en un affrontement social, dans une globalisation qui se contente d’inverser les signes de la démagogie sécuritaire ? Déjà, on voit revenir l’explication par la misère sociale. Après nous avoir affirmé, des années durant, et en plein envol de la délinquance violente, que l’insécurité n’était qu’un faux problème et que les statistiques ne faisaient que mesurer l’activité de la police (comme si les chiffres du chômage ne faisaient que mesurer l’activité des agents de l’ANPE !), on nous affirme que ces raids sur la jeunesse en lutte contre la loi Fillon ne font qu’exprimer la révolte des cités défavorisées... La machine à diluer les responsabilités se remet en marche. Les grands blocs simplificateurs réapparaissent : « les » jeunes, « les » pauvres, « les » jeunes issus de l’immigration... Tous ensemble contre « la » société... Pourquoi cette répugnance à entrer dans le détail ? Est-il si difficile de faire des distinctions entre les uns et les autres ? Est-il clarificateur de transformer les coupables en victimes ? Une large majorité des jeunes habitant les quartiers d’habitat social ne commet aucun délit, aucune violence, aucun vol. Une minorité en commet énormément, parfois à des cadences effrénées, souvent sans scrupule. C’est ainsi.
Est-ce que les premiers ne sont pas intéressants ? Est-ce que les seconds, en tapant, parlent au nom des premiers ? Qu’est-ce qui explique que les fameux déterminismes sociaux jouent pour les uns et pas pour les autres ?
La manie des amalgames et l’abus des généralisations hâtives existent des deux côtés de l’arc politique. On substitue au débat sur ce qu’ils font un affrontement confusionniste et interminable sur qui ils sont et d’où ils viennent. A la fin, ce qui disparaît, c’est tout simplement la faculté de juger.
La solidarité, la fraternité, la liberté de bouger (maintenant de manifester), voilà ce qui est piétiné par les cogneurs. La délinquance violente mine l’être en société, ici, tout de suite. Mais c’est aussi l’avenir qui est en cause, car tout démontre que l’insécurité freine, quand elle ne le détruit pas, le changement social. Agressions et prédations sont dirigées, non contre l’Etat, mais contre des gens. Il ne s’agit pas d’une collision entre « deux mondes », mais de violences exercées par certains individus sur d’autres. Violence qui déchire leur monde commun, et qui créée une fracture à l’intérieur de la jeunesse. Avant de constituer un « trouble à l’ordre public », le vol avec violence, dans l’existence concrète, est un rapport entre un voleur et un volé. Un rapport de domination, choisi par le cogneur, subi par sa victime. Ici aussi, il n’y a pas d’équivalence entre dominant et dominé, ni de honte à manifester clairement ses préférences, y compris par une répression intelligente et conforme au droit.
Il est urgent que les acteurs du mouvement social, y compris les syndicats, se donnent les moyens d’arracher la sécurité aux griffes des sécuritaires. Au pouvoir depuis bientôt trois ans, ces derniers ont réussi à faire baisser « le sentiment d’insécurité » (pour combien de temps ?), pas les atteintes aux personnes, qui ont continué de progresser. Mais il faut également en terminer avec les angélismes grossiers qui traînent encore, empêchant la gauche de construire sa doctrine de sécurité. La férocité des cogneurs n’est pas l’alliée, juste un peu excessive, d’un projet de transformation sociale, mais un adversaire redoutable sur sa route. Sans se confondre, lutte contre l’insécurité civile et lutte contre l’insécurité sociale devront se mener de front. Pas l’une après l’autre.
Dernier ouvrage paru : En manque de civilité (Textuel, 2005).
Didier Peyrat, magistrat dans le Val-d’Oise.
Messages
1. > "CASSEURS" ?, 24 mars 2005, 21:36
Parler de racisme anti-blanc ou de l’aliénation produite par l’islam, pour certains (pas besoin de chercher très loin), c’est faire de la propagande "facho"...
1. > "CASSEURS" ?, 24 mars 2005, 22:47
allez toi tu te barre on connait trés bien le genre de type qui produisent ce genre d’argumentaire a la con ici c’est pas les poubelles du net comme les " site " occidentalis ou " france échos "
2. > "CASSEURS" ?, 25 mars 2005, 09:58
Difficile à digérer ta bouillie sécuritaire de magistrat voulant régenter la vie des autres, commence par faire la police de ta propre personne pauvre aigri
3. > "CASSEURS" ?, 26 mars 2005, 00:10
Et bien moi je suis d’accord avec ce juge. Et je trouve les commentaires et les réactions des lecteurs d’une pauvreté intellectuelle affligeante. Un peu de nuance ne nuit à personne.
1. > "CASSEURS" ?, 26 mars 2005, 04:42
Il n’y aurait pas de déterminisme social ? Alors comment expliquer que lorsqu’il y a de la mixité sociale ou lorsque les seuils de pauvreté ne sont pas enfoncés, il y a moins de délinquance ? Ce qu’on peut effectivement reprocher à ces couillons à capuche qui veulent consommer ce que la boîte à cons leur montre, c’est de ne pas choisir la bonne cible. Qu’ils aillent braquer les clients de Sarkozy à Neuilly !
2. > "CASSEURS" ?, 26 mars 2005, 11:02
Dans le temps il y avait les crs pour casser les manifs.
Maintenant Fillon, Raffarin, Sarkozy et consorts peuvent tranquillement laisser le travail se faire par des bandes de petits cons macho, venus faire leur "business" sur le dos des manifestants, violents contre les lycéens mais pas contre les crs.
La boucle est bouclée !
4. > "CASSEURS" ?, 26 mars 2005, 20:37
Ainsi donc une fraction de l’intelligentsia de gauche découvre, ou fait mine de découvrir, qu’il y a des noirs racistes. Et bien, à l’heure où le Front National attire 15 à 20% des électeurs, où des milices fascistes telles que la Ligue de Défense Juive recrutent, des sentiments racistes anti-juif, anti-blanc et anti-arabe se développent chez des personnes issues de l’immigration africaine et antillaise. Objecter à l’appel contre le "racisme anti-blanc" qu’un véritable universalisme doit admettre que les noirs aussi ont le droit d’être racistes, violents et cons, ne suffit pas. Il faut aussi rappeler aux promoteurs de haine qu’essentialiser ce racisme en le réduisant aux quelques caractéristiques identitaires les plus visibles des individus qui le portent (noir, musulman), c’est renoncer à comprendre les racines de la haine, et donc à lutter pour le bien de tous. Ainsi, un philosophe médiatique qui, malheureusement, ne perçoit la réalité sociale que par les lunettes déformantes du fait divers, critique un sociologue de terrain qui a l’impudence d’opposer au sensationalisme le rappel de quelques faits historiques élémentaires. Il est bon en effet de se souvenir que, de tous temps, la violence a fait partie du quotidien des classes populaires, et qu’une fraction de ces classes l’a utilisé à des fins de prédation. Que le racisme existe dans toutes les classes sociales, même si son expression – violence de rue de certains jeunes d’origine africaine contre antisémitisme de salon d’une certaine bourgeoisie catholique – diffère d’une classe sociale à une autre. Qu’il y a aussi du racisme entre noirs, entre africains et antillais ou entre burkinabés et ivoiriens, tout comme certains français ont encore de la haine envers leurs voisins allemands ou les travailleurs des pays de l’est. Cette haine de l’autre ne s’appelle racisme qu’en fonction de la définition – forcément a-scientifique - qu’on se donne de la race. Il y a un peu plus d’un siècle, la haine franco-allemande aurait pu s’appeller racisme puique les concepts de race française et de race allemande imprégnaient les idéologies de l’époque. Dire que le discours raciste, ou plutôt de haine de l’autre, a des fonctions précises pour ceux qui le reçoivent et s’en imprègnent, essayer de comprendre quelles sont ses fonctions, comment elles varient selon le milieu social ou l’époque est un premier travail. Nécessaire pour cibler et éteindre les foyers de haine. Un second travail, tout aussi nécessaire, serait d’étudier les motivations de ces nouveaux entrepreneurs de haine, philosophe médiatique ou triste ex-comique, d’objectiver leurs prises de position. Je me demande en particulier si ces discours de haine ne sont pas émis par des individus avant tout en quête d’une certaine légitimité identitaire, parce qu’aux trajectoires peu orthodoxes. J’ai été par-exemple surpris que le triste ex-comique se fasse le porte-voix des antillais ("Nous, les antillais…", "Moi, en tant que descendant d’esclave…") alors qu’il n’a aucune ascendance antillaise.
Finalement, le danger est de laisser la problématique de l’identité a des individus qui l’instrumentent pour régler leurs conflits avec leur propre identité. Face à cela, l’urgence d’une prise de possession par la communauté nationale des différentes histoires des citoyens la composant est plus que jamais nécessaire. Enseigner aux jeunes générations, dans une optique comparative, les crimes de l’histoire commis au nom de la haine de l’autre ce n’est pas affaiblir une mémoire au profit d’une autre. Dire que les génocides arménien, juif, tzigane ou tutsie ont un point commun, la destruction d’un peuple à commencer par son avenir, c’est-à-dire les femmes et les enfants, serait une œuvre de salubrité intellectuelle. Expliquer que c’est justement ceci qui différencie les génocides de l’esclavage, et en même temps reconnaître et enseigner les formes spécifiques - militaires, économiques et culturelles - qu’a prises l’esclavage et la domination coloniale dans les colonies française, mettrait des mots sur la douleur des millions de nos concitoyens issus de l’immigration africaine ou antillaise. Si ce travail n’est pas fait au niveau de l’Education Nationale, le risque est grand de voir confisquer la parole des juifs, des blancs, des noirs ou des arabes, par des petits entrepreneurs de haine dont les prophéties sur la tribalisation de la société s’auto-réaliseront alors mécaniquement.
1. > "CASSEURS" ?, 27 mars 2005, 19:31
J’écris d’Afrique où nous recevons quelques uns de ces "casseurs" pour qui le contribuable français paie très cher une réhabilitation hypothétique.
L’education Nationale a une responsabilité considérable dans la multiplication de ce type de comportement. Les bons sentiments excluent toute solution : dès que l’on dit qu’il existe unracisme anti-blanc, immédiatement montent au créneau une poignée d"antiracistes" dont la violence verbale surpernd au début. Aoprès on les laisse éructer tranquillement . ca les calme...