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CFDT, CGT, FO, les grands syndicats à l’heure des choix
Publie le vendredi 16 juillet 2004 par Open-Publishing9 commentaires
Confrontés à une vague sans précédent de réformes dans les régimes sociaux et les
services publics, les syndicats doivent faire des choix stratégiques cruciaux. Et
d’autant plus difficiles que les directions ne sont pas forcément en harmonie avec
leur base.
Comment s’adapter au changement ? C’est la question que, chacun à sa façon, les trois
principaux syndicats français se posent cette année. Les bouleversements entraînés
par les réformes radicales des régimes sociaux et l’évolution des statuts des
services publics obligent les directions à se positionner, souvent face à des bases
très revendicatives. Et les changements à la tête des organisations, comme dans le
cas de FO, viennent encore compliquer la situation. Pour les centrales syndicales,
les enjeux sont de taille : des choix stratégiques qu’elles effectueront dépendra leur
influence sur les transformations sociales à venir et, bien sûr, leur capacité
d’attraction auprès des salariés.
CFDT, la crédibilité en question
Pour la CFDT, le principal problème est celui de sa crédibilité. La confédération de
François Chérèque a essuyé plusieurs revers successifs. Son approbation de la réforme
des retraites, au printemps 2003, lui a déjà valu plus de 15.000 départs d’adhérents,
et des scores catastrophiques dans les élection professionnelles du secteur public.
Ce fut ensuite l’affaire des "recalculés" qui, en obtenant gain de cause devant les
tribunaux, entachèrent encore un peu plus l’image de la CFDT, qui avait signé avec la
CFTC, la CGC et le patronat, la nouvelle convention Unedic réduisant les périodes
d’indemnisation, afin de réduire le déficit de l’assurance chômage. Enfin, pour
couronner le tout, ce fut au tour du gouvernement, en avril dernier, de désavouer
l’accord du 26 juin 2003 réformant l’assurance chômage spécifique des intermittents.
Un accord signé là encore par la CFDT.
Du coup, la confédération cédétiste a dû opérer un recentrage au cours du printemps.
Elle a notoirement durci son discours face au gouvernement. Sur les deux dossiers
chauds du moment, la réforme de la Sécu et celle d’EDF-GDF, la CFDT s’est rapprochée
des syndicats contestataires (CGT et FO), privant le gouvernement d’un soutien
important. Comme le souligne Guy Groux, directeur de recherche au Cevipof, "la CFDT a
une priorité claire : la défense des conventions collectives et des régimes sociaux".
Or, selon ce spécialiste des questions syndicales, "cette politique lui est de plus
en plus difficile à tenir". Pourquoi ? Selon un autre spécialiste, "la CFDT a assumé
à elle seule la politique contractuelle dans le pays". Ce qui lui a valu de se
retrouver en première ligne face à tous les mécontentements, inévitables vu l’ampleur
des compromis acceptés par la direction de la CFDT. Du coup, les instances du
syndicat se posent maintenant cette question : la confédération doit-elle revenir sur
sa politique de signature quasi-systématique ? Le débat est ouvert.
CGT, une direction dépassée par la base
Ces dernières mois, la CGT s’est retrouvée elle aussi dans une position particulière,
mais pour la raison inverse : elle apparaît, à l’opposé de la CFDT, comme le syndicat
de la contestation par excellence. C’est d’autant plus vrai depuis la fin du mandat
de Marc Blondel à la tête de Force Ouvrière. Ces dernières semaines, que ce soit sur
le conflit des chômeurs recalculés, sur la réforme de la Sécu ou sur EDF, la CGT
s’est illustrée d’une façon assez radicale, prête à peu ou pas de compromis. Et s’est
faite beaucoup plus entendre que FO. L’exemple le plus récent : sur le plan Borloo de
cohésion sociale, la CGT a été le seul syndicat ouvertement critique.
Dans les faits, les instances nationales de la CGT, généralement favorables à une
ligne "réformiste" qui n’exclut pas obligatoirement le compromis, sont obligées de
rester en phase avec la base, partisane d’une ligne plus dure. Et ce dans un contexte
de concurrence croissante entre syndicats contestataires. C’est surtout le cas dans
le secteur public, avec le développement des syndicats Sud, qui défendent avec
acharnement les acquis sociaux spécifiques et incarnent souvent les adversaires les
plus durs face aux gros changements en cours (privatisations, changement de
statuts..). Et puis, le syndicat CGT des chômeurs, de même que la CGT du spectacle,
ont obtenu des victoires qui ont sans aucun doute renforcé l’aile dure de la
centrale.
Or, la direction de la CGT cherche parallèlement, et pour des raisons évidentes, à ne
pas marginaliser la confédération, qui reste de loin la première de France en nombre
d’adhérents. La stratégie d’entente syndicale fut un des principes adoptés lors du
dernier congrès de la CGT, l’an dernier. Pour appliquer ce principe, la CGT a cherché
à se placer au centre du jeu syndical ces derniers mois. Avec plus ou moins de
succès.
Après une période de mésentente majeure avec les syndicats favorables à la réforme
Fillon des retraites (CFDT et CFE-CGC), Bernard Thibault a mené, en mai, des
entretiens bilatéraux avec chacun des leaders des grandes confédérations françaises
(FSU, FO, CFTC, CFDT, CFE-CGC, Unsa). L’idée était non seulement de réchauffer les
relations, mais aussi et surtout de former un front syndical uni contre la réforme de
l’assurance maladie du gouvernement, et contre le changement de statut d’EDF-GDF.
Sur la Sécu, ce fut un échec. La CGT s’est d’ailleurs vantée d’être "la seule" à
rejeter le texte du gouvernement. Sur EDF-GDF, le pari fut en partie réussi. Mais la
CGT fut rapidement dépassée par la radicalisation du conflit, qui vit sa base, de la
CGT Mines et Energie, organiser des coupures de courant sauvages et très
impopulaires. Ce qui occulta le combat commun de tous les syndicats, CGC excepté,
contre la réforme d’EDF-GDF voulue par le gouvernement.
Force Ouvrière, la tentation du compromis
La fin du long règne de Marc Blondel a été l’événement majeur pour Force Ouvrière ces
derniers mois. Après quinze années de bons et loyaux services, l’ancien secrétaire
général a cédé la place à son dauphin, Jean-Claude Mailly, lors du 19ème congrès de
FO, en février dernier. S’il y a une chose qui ne passe pas inaperçue après cette
passation de pouvoir, c’est la différence de ton entre l’ancien et le nouveau
secrétaire général. Car Jean-Claude Mailly, n’a pas, c’est le moins que l’on puisse
dire, la même aura que Marc Blondel - qui pourrait égaler ce dernier dans ce domaine,
d’ailleurs ? Mais ce n’est pas uniquement une question de forme.
Sur le fond, Jean-Claude Mailly est davantage ouvert au compromis que Marc Blondel.
Alors que ce dernier déclarait, quelques jours avant la fin de son dernier mandat,
que "la Sécurité sociale vaut bien une grande grève", FO a finalement adopté une
position très modérée sur la réforme gouvernementale de l’assurance maladie, allant
jusqu’à lui trouver des éléments positifs. De là à parier que des tractations entre
le ministère de la Santé et FO ont permis d’aboutir à un compromis sur certains
points, il n’y a qu’un pas...
Sur le dossier EDF-GDF, une certaine prudence a aussi été de mise. Certes, FO s’est
opposé, comme tous les autres syndicats, au changement de statut des deux
établissements publics, mais les critiques, de même que les actions menées, ont été
moins virulentes que ce à quoi on pouvait s’attendre. Qui, en effet, a oublié les
grandes grèves de décembre 1995 ? A l’époque, FO avait été le pivot de la lutte contre
la réforme des régimes de retraite spécifiques des agents SNCF et RATP.
Reste à observer la suite. Il est trop tôt pour dire si FO est en train ou non
d’opérer un changement stratégique au niveau national, alors que dans les entreprises
et dans les branches, FO signe une majorité d’accords. D’autant que la motion adoptée
au cours du 19ème congrès est celle de la continuité par rapport à l’ère Blondel. En
théorie, il est donc exclu de s’en éloigner trop nettement...
A première vue, la période la plus chaude pour les syndicats, celle des grandes
réformes, paraît derrière nous. Mais ces derniers jours ont montré que l’actualité
sociale sera finalement chargée ces prochains mois. Entre la remise en cause des 35
heures, la multiplication des délocalisations et la réforme prévue du financement des
syndicats - pour ne citer que quelques gros dossiers - on peut déjà parier que les
syndicats devront, dans les mois à venir, continuer à approfondir la redéfinition de
leurs stratégies.
la tribune
Messages
1. > CFDT, CGT, FO, les grands syndicats à l’heure des choix, 16 juillet 2004, 14:32
Je pensais que comme Jean-Claude Mailly (secrétaire de FO) venait de l’Education, avec le mouvement de l’ampleur de 2003, cela pouvait être un signe de radicalisation. Surtout que dans le calendrier 2005, les TOS (ouvriers de l’EDUC) se font déntraliser concrètement.
Quand à la combativité de la CGT, pourquoi sur le Sécu, très peu de boulot d’info impulsé par la direction n’a été fait, alors que sur la question des retraites, malgré les trahisons du printemps 2003, une forte mobilisation des directions syndicales a été menée dès l’année précédent le conflit et a permis de préparer les esprits à la résistance...
Je suis très pessimiste quant à l’avenir du syndicalisme. Nous sommes tous de plus en plus précaires, on pouvait dire ces dernièrese années que cette précarité ne concernait que les plus jeunes et les plus vieux, maintenant elle concerne tout le monde ; Or comment s’organiser collectivement de manière massive, en tenant compte des transformations du monde du travail. c’est par notre talon d’achille que le capitalisme nous attaque, par exemple sur les services publics, il ne remet pas directement en cause le concours, il développe la précarité, et le résultat est le même au final : casse du service public par la multiplication des statuts bidons, et aucune solidarité en masse pour lutter contre le développement de cette précarité.
Une réalité incontestable en tous les cas : tant que les syndicats ne prendront pas à bras le corps la lutte contre la précarité, c’en n’est pas fini de nos défaites, et du manque de renouvellement militant.
Du coup je m’interroge sur tous ces espaces de luttes qui s’ouvrent pour trouver de quoi lutter démocratiquement. Car même la lutte est à s’approprier ou à se ré-approprier.
Une précaire non-syndiquée, et qui a pourtant essayé, mais s’est fait sans cesse jeter, et lutte finalement avec ceux qui n’exigent pas une carte d’adhésion pour mener la bataille. Avec les syndiqués, comme les non sydiqués, les collectifs, les assos... Et toujours debout malgré tout !
1. > CFDT, CGT, FO, les grands syndicats à l’heure des choix, 16 juillet 2004, 14:38
Juste un ajout, je suis bien consciente que des miltants ou des sections de base des grandes confédérations se battent et que quelques syndicatr minoritaires sont bel et bien aux côtés des précaires lorsqu’ils luttent....
Cette critique est fraternelle, nous avons besoin les uns des autres pour un mouvement unitaire à la base.
2. > CFDT, CGT, FO, les grands syndicats à l’heure des choix, 16 juillet 2004, 16:30
Précision : Jean Claude Mailly, sécrétaire général de FO, ne vient pas de l’Education, mais de la Sécu.
A propos de la Sécu, et de la CGT : dire que la direction de la CGT a fait peu d’information est profondément injuste. IL suffit pour le vérifier de regarder le contenu du site confédéral www.cgt.fr
Le problème est certainement plus du côté des syndiqué-e-s, qui n’ont pas perçu le danger de la "réforme" promise, qui ont attendu l’annonce du projet de loi pour véritablement s’inquiéter. N’oublions pas non plus que la propagande médiatique et gouvernementale contamine aussi les esprits de chacun-e.
La principale critique que je fais à ma confédération est de ne pas nous avoir préparés à la grève.
La recherche à tout prix de l’union avec les autres confédérations telles la CFDT, UNSA, voire de FO est je pense l’un des principaux écueils à l’action (était-il possible à la CGT et la FSU de partir seules dans la grève - avec les maigres troupes du G10-, je n’en suis pas non plus convaincu).
Pourtant, nous connaissions depuis longtemps la position notamment de la CFDT : (nos administrateurs CGT et CFDT se fréquentent dans les conseils d’administration des CPAM - les administrateurs CGT combattent souvent les positions CFDT sur l’assurance maladie, et que dire d’un président de la CNAMTS, Jean Marie Spaeth, CFDT, autocratique, allié fidèle du patronat.
Les positions confédérales de la CFDT étaient connues depuis plus d’un an, et n’ont pas varié.
Il était à mon sens impossible de trouver un terrain d’entente avec la CFDT.
En ce sens, il n’est pas possible d’accuser la CFDT de trahison : elle ne fait que suivre la ligne définie depuis longtemps : la collaboration avec le patronat.
Quand à la force du syndicalisme en général, elle est le reflet de la syndicalisation : faible, beaucoup trop faible !
Je ne connais pas d’organisation durable défendant le salariat hors le syndicat.
Si les coordinations, comités de lutte peuvent avoir leur intérêt à court terme, seul le syndicat peut permettre d’agir ensemble sur la durée.
Si les gens qui veulent "se battre" restent inorganisés, il est fort probable que les syndicats les plus réformistes ont de beaux jours devant eux.
Alors, je ne puis que t’inviter à "prendre une carte" au syndicat de ton choix, et j’espère que nous nous retrouverons dans les luttes à venir (salariés, privés d’emploi, précaires...en fait la classe des travailleurs, tous ensemble).
Pour ma part, j’essaie d’apporter une modeste contribution à notre lutte commune, solidaire
fraternellement
Patrice Bardet, délégué syndical (révocable par les syndiqué-e-s) Ufict-CGT
3. > CFDT, CGT, FO, les grands syndicats à l’heure des choix, 17 juillet 2004, 02:03
Salut !
tout d’abord, je te remercie d’avoir pris la peine de me répondre. c’est instructif !
Ceci dit, tu ne réponds pas au problème concret de l’auto-organisation (qu’elle soit syndicale ou dans un mouvement collectif). Je le répète, là où je suis je ne puis me syndiquer et y exercer un militantisme démocratique (CGT autoritaire y compris physiquement), de plus je suis précaire depuis plusieurs années, je ne puis fonder non plus un syndicat qui permettrait d’ouvrir cet espace démocratique, ma précarité m’en empêche.
Alors, je veux bien que tu me dises de "prendre ma carte", quand bien même j’en suis convaincue (de l’utilité et de la nécessité du syndicat) et que je l’ai fait plusieurs fois (en tout 1,5 ans), l’espace est difficilement appropriable et j’ai subi plusieurs trahisons, dont le poids est bien plus lourd quand t’es précaire !
Maintenant, autour de moi je diffuse des idées, je passe des infos de mobilisation et je suis reconnue comme une personne de confiance dans le domaine militant, mais de là à passer à une implantation d’un nouveau syndicat (type Sud par exemple), il y a un énorme pas.
Donc, lors de toutes ces dernières années de précarité dans la même boite, j’en suis venue à contourner les difficultés (difficultés dans la boite, nécessité de s’organiser avec les collègues (tracts, phones, grève...) et trahisons syndicales), à trouver des stratégies de contournement, pour à la fois arriver à contribuer à organiser mes collègues et à les laisser démocratiquement décider du sort de leur-notre lutte. J’ai toujours essayé de faire le lien avec le(s) syndicat(s) qui... au final nous rejetait (à pat des syndicats extérieurs à la boite comme SUD PTT et la CGT Manpower qui soutenaient notre journal de précaires non corporatistes), car nous prenions nous même nos initiatives.
Je ne pense pas être bête quand je dis que je sens l’isolement.
Les confédérations ont souvent des revendications et des modes d’intégration qui ne laissent pas la place à la remise en cause des autorités et des pratiques. Elles préfèrent se tourner vers la co-gestion. Or l’engagement de nos jours se fait FORCEMENT en passant outre le poids d’une idéologie dominate ECRASANTE et d’une autorité dans le travail évidente et incontestable. En résumé je dirais, quand dans cette société de merde si tu as réussi à dire merde à ton patron et aux normes sociales si sclérosantes, tu ne peux accepter de t’engager dans une forme qui enferme ta parole si chèrement gagnée. Le poids de l’engagement est plus lourd aujourd’hui qu’il y a trente ans (même si l’utopie manque). Et là, face au paysage syndical, il y a décalage... (tout de suite je fais la distinction entre syndicats de base et directions des confédés, et je reconnais que SUD, la CNT et des oppositionnels de grands syndicats se bougent le cul comme ils peuvent à nos côtés).:o)
Alors, camarade, je te dirai qu’avant dêtre convaincue de la nécéssité des syndicats, je suis passée par l’engagement politique, et peut-être ai-je eu la chance d’avoir les derniers traits de transmission de la génération de 68 (bref mes parents !), mais que la plupart de ceux qui ont mon âge (la trentaine) et de mes cadets ont de moins en moins accès à cette mémoire militante, et à cette évidence de "prendre sa carte", je te dirais "attends 2 secondes, sais tu où j’en suis pour me proposer cela ?". Je défends ma classe, je la reconnais, mais j’ai vachement le baillon !
Par contre je sais que cette expérience commune, d’être nés avec ou pendant la crise, peut engendrer des militants capables de se faufiler dans un étau militant dont la référence reste celle de la lutte dans cadre du plein emploi, alors que les trentes glorieuses se sont refermées. Et que la précarité, c’est par là que le capitalisme rafle tous nos droits acquis ou non.
Ce que je veux dire, c’est que incanter "il faut se syndiquer", alors que les situations où la possibilté de syndiquer deviennent de plus en plus rares, c’est un peu tenir une bougie face à la tempête. La question est "comment avec nos conditions de vie et de lutte DEGRADEES pouvons-nous lutter ensemble ?" Je veux dire NOTRE CLASSE, privée ou non d’emploi, précaire ou fonctionnaire, sur le grill, ou dans loin dans la file d’attente pour la broche du grand incendie, syndiquée ou non.
Il serait tout de même intéressant de parler de la norme, du quand on milite pas, c’est pourquoi ? c’est quoi militer pour un jeune, c’est quoi les retraites, c’est quoi le travail, le capitalisme ? Et nos mouvements, sur quelle base pouvons nous les coordonner ? Nos organisations sont aussi à interroger, et toutes leurs formes, vraiment ouites, collectivement, publiquement. Et, puisque les confédérations ont abandonnés les précaires, comment créer cette unité dans notre calsse divisée, divisée y compris par notre camp ?
Ai-je tord de me tourner vers des réseaux interpro dans ma ville sans être syndiquée, sachant que cela impliquera certains de mes collègues, et cela malgré le fait qu’ils se syndiqueront jamais ? Quel réseau à construire fondamentalement ? le syndicat est il en ces jours la seule et unique réponse ? Ne s’agit-il pas d’un réseau de solidarités plus multiple ?
Toujours fraternellement et dans l’attente de ta réponse !
4. > Essayer de se syndiquer quand même..., 17 juillet 2004, 18:56
Nos chèrs syndicats (enfin presques tous) sont devenus des ligues corporatistes, alors pourquoi se syndiquer.... On utilise le syndicat comme on va au supermarché, puis on le jette (service, service...). Les luttes c’est pareil, le plus souvent défensives... Dés que ça se complique un peu, on rentre à la maison pour pas louper star ac. Et c’est pas la pseudo contestation d’un Thibault qui va changer la donne..... Le syndicalisme aujourd’hui est à la traîne du politique... Un politique sans idées et surtout sans imaginaire social à proposer aux travailleurs.
5. > Essayer de se syndiquer quand même..., 18 juillet 2004, 11:11
– À propos de l’auto-organisation des luttes (syndicales) :
Je le répète : l’organisation de la lutte en inter-syndicale, comité de lutte, coordination avec des non-syndiqué-e-s ne peut par nature, qu’avoir une durée de vie éphémère. Néanmoins, elle peut être nécessaire sur une lutte particulière, dans l’entreprise, ou débordant le cadre de l’entreprise, voire être nationale.
La coordination des infirmières est l’exemple type d’un mouvement éphémère, qui aura connu toutes les dérives de ce type de mouvement : purement catégoriel, assemblées générales des personnels avec des délégués auto-proclamés, revendications non construites, déliquescence des revendications. Au bout du compte, la stabilité et la continuité du mouvement se sont construites autour du syndicalisme traditionnel.
La coordination des intermittents est un exemple beaucoup plus intéressant : non seulement elle dure, mais sa production est impressionnante (contre-projet de réforme du régime, analyse d’impact, contacts politiques, organisation de manifestations…). A ma connaissance, les relations avec les syndicats (CGT spectacle essentiellement, SUD culture…) sont étroites, le relais syndical se fait correctement avec l’inter-professionnel. C’est très certainement (à mon avis naturellement) la raison du succès dans le temps.
– A propos de l’organisation dans le syndicat :
Je n’ai pas de réponse toute faite, tout ce que je peux décrire succinctement, ce sont les pratiques à l’intérieur de mon syndicat Ufict-CGT d’entreprise (syndicat d’ingénieurs, cadres et techniciens supérieurs CGT).
Qu’on le veuille ou non, le nombre et la modalité de désignation des mandatés officiels du syndicat sont définis par le code du travail, de même la composition des délégations lors de « négociations ». A quelques exceptions près, ce sont aussi les seuls qui bénéficient d’une « protection légale » (relative).
Les mandats –désignatifs ou électifs- à quelque titre que ce soit, sont partagés. Personne ne doit détenir plus d’un mandat. Le choix des mandatés est effectués par l’assemblée des syndiqué-e-s. Tous les mandats désignatifs sont remis en cause périodiquement.
Chacun-e est incité-e à se former, de plus nos réunions syndicales abordent régulièrement des points particuliers souhaités par les syndiqué-e-s, pour approfondir une question particulière, discutée en commun.
L’ordre du jour des réunions (amendable) est communiqué plusieurs jours à l’avance, avec les documents afférents. Lors des réunions syndicales, la parole est totalement libre, sans prépondérance particulière.
Chaque syndiqué-e participant aux réunions prend la place, la charge qu’il souhaite, suivant les besoins du groupe et ses disponibilités. Le respect total des opinions exprimées est la règle de base, que chacun-e est invité à respecter (et à faire…).
Les décisions sont prises en commun, discutées jusqu’à trouver un point d’accord.
– Lors d’une lutte particulière (syndicale) :
Il est évident que le « poids » du syndicat se ressent, ne serait-ce que parce les syndiqué-e-s ont plus d’informations (ou de formation).
Nous avons toujours tenté d’associer tous les volontaires, de prendre les décisions, de faire les actions ensemble. Mais là encore, la réflexion commune est de rigueur, de même les tâches sont partagées entre tous les volontaires.
Les relations avec les autres syndicats de l’entreprise (9 au total !) compliquent la réalisation d’une plate-forme commune. Nous avons toujours considéré que la participation des salarié-e-s, syndiqué-e-s ou non était essentielle pour éviter les « embrouilles » des « ententes au sommet ». De même, des comptes-rendus de réunions, des relevés de décision sont rendus publics.
Pour prendre un exemple précis, en 1992, le schéma directeur de la CNAVTS (président : CFDT Jean-Marie Spaeth, déjà !) prévoyait la suppression de 8 centres informatiques sur 16. A cette époque, je n’étais plus syndiqué (pour cause de divergences profondes sur l’absence de démocratie syndicale dans le syndicat CGT de la CRAM ) , aucun des informaticiens de mon centre (près de 50 personnes) ne l’était non plus. J’ai fait partie de ceux qui ont lancé le mouvement au niveau national, avec quelques collègues d’autres villes (non syndiqués eux aussi). Très vite, nous nous sommes appuyés sur les syndicats locaux (CGT locale bien obligée de suivre et CFDT en opposition avec leur fédération et confédération) qui tout en nous laissant l’autonomie du mouvement, nous ont aidé financièrement pour la logistique.
Toute décision était discutée et adoptée en AG locale.
J’ai été intégré dans la délégation de la fédération CGT qui négociait, d’autres camarades ont intégré la délégation FO.
Résultat, 12 ans plus tard, tous les centres informatiques sont encore là. La grande déception, c’est que très peu de collègues se sont syndiqués (2 en fait) : ils se sont servis du syndicat comme d’un « service jetable », incapables de dépasser leur lutte catégorielle et de solidarité avec d’autres catégories.
Cette année, la disparition des centres de production est à nouveau programmée. Mais je ne pense pas que le syndicat Ufict-CGT (que j’anime) acceptera une fois de plus de financer une lutte éventuelle sans engagement…
La lutte interne solidaire que nous menons actuellement se joue autour des jeunes embauchés, des handicapés, des précaires : celle là, je veux bien que ma cotisation syndicale finance la solidarité, même à sens unique, puisqu’on défend des principes.
– J’en viens maintenant aux « précaires » ;
il est compréhensible qu’ils aient de grandes difficultés à se syndiquer dans une entreprise quelconque : ce sont les salariés « jetables », ceux à qui l’on peut tout demander, qui ne peuvent rien refuser puisqu’ils espèrent à la fin un emploi stable, qui n’osent même pas aller voir le syndicat ... De même, il est presque impossible de les intégrer dans les postes de délégué (pas assez d’ancienneté pour être candidat aux élections, ni obtenir un mandat de délégué syndical).
Néanmoins, se syndiquer dans la boite est encore je pense le seul moyen pour que le syndicat local connaisse leurs problèmes concrets, organise la lutte commune, précaires et CDI ensemble.
Il reste celles et ceux qui travaillent dans des entreprises sans syndicat ou sans droit syndical.
L’organisation devrait pouvoir se faire autour de l’union locale : elle sert aussi à cela, des réflexions sont menées à la CGT en ce sens, même si ça paraît très compliqué à mettre en œuvre.
– Pour ce qui est des luttes dépassant le cadre syndical (par exemple les chômeurs inorganisés) :
En préambule, je remarquerai que si les privés d’emploi font partie des travailleurs ; je constate que seule la CGT tente de les organiser syndicalement avec les Comités de Privés d’Emploi, les autres centrales syndicales les abandonnant aux « associations ».
Là encore, la difficulté est toujours de s’organiser collectivement !
En 1994, la création d’ AC ! à Lille s’est faite grâce à des militants CFDT (dissidents de leur confédé), des militants CGT (dont j’étais), et politiques (PC, LCR, anars). Très rapidement, sont venues des questions comme le logement, les expulsions locatives, le transport, le droit à la culture, les sans-papiers, etc…
L’association n’a malheureusement jamais dépassé 150 adhérents, alors qu’il y a des milliers de chômeurs à Lille ! Elle périclite justement parce que la fraction qui a pris le « pouvoir » (avec l’aide de l’UL CFDT) se cantonne essentiellement sur le caritatif, est inféodée au pouvoir politique ( le « prix à payer » pour avoir des subventions est exorbitant )
Depuis, la plupart des militant-e-s d’origine se sont syndiqués à la CGT, à SUD, à la CNT et pour une part, sont militant-e-s politiques.
Nous restons en « réseau informel » pour nous retrouver sur les luttes inter-professionnelles, notamment avec les chom’du, les intermittents, et les sans-pap’.
– Si l’on en vient maintenant au militantisme, au delà d’un engagement personnel et ponctuel, je suis convaincu de la nécessité de la culture ouvrière, par là de la formation émancipatrice.
– Quand au rapport à la politique, le syndicat n’est pas un parti politique, mais le syndicalisme s’occupe aussi de politique au sens du vivre ensemble dans la cité, de l’émancipation des travailleurs. Pour la CGT, on peut se référer à la Charte d’Amiens (1906), toujours d’actualité.
– Voir par exemple quelques sites militants que pense intéressants, avec des articles théoriques :
Continuer la CGT http://assoc.wanadoo.fr/continuer.la.cgt/
collectif « La Riposte » www.lariposte.com
Alternative Libertaire http://alternativelibertaire.org/
Marxistes http://www.marxists.org/francais/
Temps Critiques http://membres.lycos.fr/tempscritiques/
A Contre Courant http://www.acontrecourant.org/
Harribey http://harribey.montesquieu.u-bordeaux.fr/
– En guise de conclusion provisoire, j’ai choisi le syndicat pour me battre dans et hors de l’entreprise sur les questions de « lutte de classe », le milieu associatif pour les questions « sociétales ». Ce qui n’empêche pas que la séparation n’est pas évidente, l’engagement personnel ne pouvant être découpé en tranches.
Je n’ai pas la prétention de donner de leçon à qui que ce soit, aucune volonté d’être « chef », mais la volonté ferme de construire notre avenir en commun : c’est le sens de mon engagement.
Je n’ai pas non plus la prétention d’avoir ni toutes les réponses, ni ne dicter à quiconque sa conduite...mais j’essaie de construire ensemble , pas de décourager
Bien fraternellement
Patrice BARDET
Si tu veux poursuivre ce débat, voici mon adresse e-mail : patrice_bardet@yahoo.fr
( je serai en absent à compter de jeudi jusqu’au 17 août )
6. Réponse au camarade Patrice Bardet, 18 juillet 2004, 12:47
Félicitations à Patrice Bardet !
7. > Essayer de se syndiquer quand même..., 19 juillet 2004, 00:00
Ok, je te recontacte à la rentrée sur ton mail, c’est avec plaisir que je continuerai ce débat, sur le plan théorique je suis d’accord sur beaucoup de choses avec toi, mais la pratique m’est apparue différente. Donc il y a des choses à interroger.
Je te souhaite de bonnes vacances, profites-en, la rentrée sera rude, encore un fois !
2. > Le travailleur syndiqué délégué et le petit naïf, 17 juillet 2004, 19:17
Le petit naïf : Chef, chef, mais pourquoi, pourquoi se syndiquer ???
Le travailleur syndiqué délégué : Le travailleur a besoin du syndicat comme la terre a besoin de l’eau....
Le petit naïf : Mais chef, pourquoi les gens ils veulent pas venir dans ton syndicat ??? y’a que moi qui te cause...
Le travailleur syndiqué délégué : Le syndicalisme est l’avenir de prolétariat.
Le petit naïf : Et... c’est quoi notre avenir chef ???
Le travailleur syndiqué délégué : Prends ta carte et arrête avec tes questions à la con....