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CHIRAC : l’ordre public .... mais lequel ?

Publie le lundi 7 novembre 2005 par Open-Publishing
6 commentaires

de Bernard Lallement

1259 véhicules brûlés la nuit dernière et un mouvement qui gagne Paris et la province. Nous serions bien inspirés de lire la presse étrangère relatant l’embrasement de nos banlieues. Du New York Times qui souligne "notre incapacité à intégrer (nos) migrants" à la Frankurter Allgemeine Zeitung pour laquelle notre réponse à la violence récurrente est "le désarroi" en passant par "Une France sans fraternité" du quotidien Berliner Zeitung, tout y est dit, sans fioriture, des maux de nos cités.

Car, ne nous y trompons pas, même si nous faisons crédit au ministre de l’Intérieur d’une présence de casseurs irréductibles, il serait irresponsable de ne pas reconnaître l’évidence : ceux-ci n’auraient jamais pu prospérer sans un environnement fait d’absence de travail, de déshérence, de ghetto, d’urbanisation absurde et d’abandon des pouvoirs publics. Ce n’est pas un hasard si le chômage dans ces zones défavorisées atteint les 30 %, ni une fatalité si l’immigration en constitue les ¾.

Les jeunes de ces quartiers sont, pour la plupart, aussi français que Nicolas Sarkozy, et les petits enfants des immigrés que nous avons fait venir durant les trente glorieuses afin de soutenir notre industrie, à l’époque, en plein essor. Depuis le premier choc pétrolier le plein emploi est devenu une illusion. Au fil du temps, nous avons laissé se paupériser toute une population investissant toute notre réflexion dans une hypothétique et aléatoire croissance.

Je me souviens de 1986. J’animais un groupe de réflexion sur la répartition des ressources entre communes riches et communes pauvres de la région parisienne. Tous les participants étaient d’accord sur les constats. Les propositions ne manquaient pas. Sur le plan urbanistique des architectes comme Roland Castro et Michel Cantal Dupart avançaient des solutions novatrices et pertinentes. Mais les réformes proposées n’ont jamais abouti faute de moyens et de volonté, certes, mais aussi à cause de l’ostracisme de nombre d’acteurs politiques, y compris au niveau local. Ainsi, François Mitterrand avait souhaité, à l’origine, que la Bibliothèque nationale de France soit construite en Seine Saint Denis qui, à l’époque, constituait la plus grande friche industrielle d’Europe. Dans son esprit, une telle réalisation de prestige internationale aurait permis une modification substantielle de l’urbanisation et une meilleure intégration des populations concernées. Pour des raisons, il faut l’avouer, essentiellement électoraliste le projet n’a pu être finalisée dans ce département. Jacques Chirac, à l’époque maire de Paris, a proposé l’attribution gratuite du terrain et c’est la ZAC de Tolbiac qui en profite actuellement.

Il y a des responsabilités et elles ne sont pas que structurelles. Un des rôles essentiels des dirigeants politiques n’est pas de simplement gérer l’existant le mieux possible mais aussi de prévoir à long terme, de susciter l’espoir et d’impulser les réformes nécessaires sans jamais se départir d’un idéal de justice sociale, fondement de toute démocratie. Cela suppose des plans innovants qui soient soumis au débat et non élaborés sous la contrainte d’une situation qu’on ne maîtrise déjà plus. Il y a plus de 13 ans que la Suède avait envisagé la modification de son régime de retraite, en concertation avec tous les partenaires sociaux.

MIEUX REPARTIR ET S’ENGAGER

« La violence est toujours la manifestation d’un échec » disait Sartre. Celle qui s’étale sous nos yeux est l’échec d’une pensée politique pour laquelle l’opinion publique est brandie tel le Saint Sacrement et dans l’appréhension de laquelle les médias ont, aussi, leur part de responsabilité et de connivence. Nous avons tous vu les images des JT montrant Nicolas Sarkozy en visite à Argenteuil sous les jets de pierre et prononçant le fameux « racaille. » Mais, comme l’a montré l’émission « Arrêt sur images » aucune chaîne de télévision n’a cru devoir relater la longue entrevue que le ministre de l’Intérieur avait eu avec les jeunes de ce quartier dont certains d’entre eux ont été invités à le rencontrer place Beauvau.

Et tapez sur le moteur de recherche « google.fr » les termes banlieue ou émeute et vous aurez la surprise de voir apparaître sur la droite de votre écran, dans les liens commerciaux, un espace publicitaire acheté par l’UMP appelant à soutenir Nicolas Sarkozy dans sa politique en faveur des banlieues. (Du moins il y figurait encore à l’heure de rédaction de ce post : 12 heures 45)

Ce n’est pas ainsi que l’on fait de la politique pour être en mesure de pallier l’atomisation des consciences et de redonner du corps à un tissu social en totale déliquescence.

Nous sommes, encore une fois, dans la précipitation et l’affollement, faute de prévoyance et de volonté politique. Le malaise des cités n’est que le reflet d’une crise planétaire dans laquelle les inégalités et les disparités ne cessent de croître. Même si force doit rester à l’ordre républicain, la répression ne peut être l’unique réponse.

Il me faut, de nouveau, rappeler que 40 % de la population mondiale vit en dessous du seuil de pauvreté et que, si rien n’est entrepris, ce sera la moitié des êtres humains qui sera dans une extrême précarité dans un demi siècle. Face à ce constat dramatique, le secrétaire général des Nations Unies avait sollicité les pays riches afin qu’ils consacrent 0,75 % de leur PIB aux plus déshérités, une misère. Mais les sociétés occidentales n’y ont répondu que par une aumône : 0,25 %.

Ce qui se passe en France, pays des droits de l’homme et des Lumières, participe de la même logique.

Nous en appelons à la croissance afin de donner un peu plus à ceux qui travaillent sans, pour autant, modifier l’ordonnancement actuel des choses. Nous vénérons le culte de l’argent facile, spéculatif, qui ne produit absolument rien si ce n’est de l’éphémère et de l’illusoire. Or, non seulement la croissance se fait attendre mais elle n’a jamais été, à elle seule, un facteur de réduction des inégalités. Il suffit de regarder le phénomène de tiers mondialisation de toute une population d’origine latino africaine aux Etats Unis que le cyclone Kristina a mis en relief.

C’est à la répartition des richesses qu’il faut s’atteler.

Depuis des années nous parlons d’un « plan Marshall » des banlieues. Pour celui de l’Europe, après guerre, les USA ont investi plus de 100 millions de dollars. Nous ne pouvons plus attendre, c’est l’heure de régler les comptes. Il ne s’agit plus d’invoquer « une grande politique de prévention précoce », comme le propose le parti socialiste, dont les termes employés indiquent qu’elle est vide de sens. Il faut payer. Les riches doivent donner pour ceux qui ont le moins. Qu’ils le fassent par charité, calcul ou simplement peur, il devient indispensable que ceux qui ont le plus abandonnent une partie de leurs privilèges. Faute de quoi un jour, « les éléphants viendront dans nos billards reprendre leurs ivoires » Cette belle métaphore de Prévert risque de devenir une dure réalité et avec elle le chaos, ou... la révolution.

Photo : AFP et Candida Höfer

Bernard Lallement

Artcle paru le 6 novembre 05 sur le blog SARTRE de Bernard Lallement

 http://sartre.blogspirit.com

Messages

  • qui a peur de la révolution ? et au fait Marx il disait quoi sur l’ expansion de capitalisme ?
    tout le monde a oublié ?
    prendre aux riches pour donner aux pauvres : est ce la révolution ? est ce que il faut demander gentiement aux riches de lacher un peu de tunes juste pour qu’on la ferme ?
    qui disait "pas de démocratie sans fraternité" ? l’ abbé Pierre eh oui !
    que de frilosités à mon avis alors qu’il est temps d’innover ? et écouter les novateurs rares certes mais qui pourraient créer une émulation par exemple des profs formidables, des gens qui aident auxdevoirs,etc...mais tous , si isolés et critiqués souvent ! qui va les écouter ces gens là ?
    allez les jeunes rentrez chez vous va faire froid et puis soyez sages on va demander aux riches ,à l’état : oui mais les riches ils ne veulent plus d’ état ni payer d’impôts !
    je m’inquiète parce je ne vois rien se dessiner de sérieux ,

  • LA PHOTO EST PLUS PARLANTE QUE L’ARTICLE !

    En effet, pourquoi "tolérance zéro" et pas "pauvreté zéro" ? !
    Il y a eu la journée du "refus de la misère" et, en admettant qu’elle ait servi à quelquechose, on attend l’année prochaine pour remettre çà ?
    Tandisque que la "tolérance zéro" c’est tous les jours, ou plutot toutes les nuits depuis 11 jours !
    Tolérance zéro c’est effectivement le racisme maximum, le cynisme total du/des nanti/s des beaux quartiers, l’âpreté aux gains de l’actionnaire le plus goulu... l’intolérance absolue de celui qui veut continuer à "faire suer le burnous" à la grande et hétéroclite cohorte des exploités.
    Mais si on renverse le slogan et qu’à "tolérance zéro" on oppose "pauvreté zéro", çà change les perspectives...!

    Et c’est une belle réponse au premier mafioso qui nous gouverne et qui nous a fait les gros yeux hier soir et qui croit (peut-être) que de rétablir "l’autorité" çà suffit pour ceux qui veulent à manger !

    NOSE

  • Quels sont les freins à l’expansion économique de la france ? Expansion économique qui soit dit en passant fournit des emplois ?
    Les syndicats ! hostile à toute réforme !! soutenu par l’extreme gauche, totalement non representatif des vrais travailleurs.. La poignée de fonctionaire qui sont les vrais privilegiés de ce pays, privileges qu’ils entendent défendre jusqu’au bout... Les corporatismes...qui mobilisent les sommes astronomiques de l’état qui à la place pourrait être reversé à des plans de grandes envergures pour relancer l’économie et redessiner un nouveau visage dans nos banlieues...

    Vous nous parlez de la réforme des retraites des pays nordiques... Et oui, il est impossible de réformer dans notre pays... Tout simplement parce qu’un noyau dur d’extreme gauche fige le pays en se plaçant dans la contestation...

    Avant d’apporter un jugement sur ce qu’il se passe dans ces citées envahies par la misère... balayez devant votre porte !

    bob

    • Ce cher bob :

      La poignée de fonctionaire qui sont les vrais privilegiés de ce pays, privileges

      Quel courage ce bon Bob... Sais-tu mon ami que les travailleurs des hopitaux, infirmières, aide-soignantes, agents des services hospitaliers, docteurs, sont des fonctionnaires par exemple ?

      Qu’ils travaillent jours et nuits, mon petit privilégié, pour ta quitéude avec d’énormes cernes sous les yeux quand tu glapis de douleur aux urgences avant que ces gros privilégiés de focntionnaires veuillent bien s’occupper de ton cas...

      Résumons mon petit lapin :
      Tu roules comme un fou avec ta grosse cylindrée de non-privilégié de fonctionnaire (après des études, payées par ce putain d’état, à ecouter ces saletés de fonctionnaires enseignants privilégiés) et tu glisses et te prends deux rembardes, trois tonneaux...

      T’es dans un sale état et répandu en morceaux dont tu n’es pas sûr du compte...

      Les pompiers arrivent (salauds de fonctionnaires privilégiés....) car quand tu te décontractes le soir ils sont là prèts à intervenir... Ils te transportent à l’hosto en te prodiguant les premiers soins....

      Lors de l’accident, comme tu as tout fracassé et que tu es sur le toit et afin d’éviter que d’autres voitures viennent s’empiler sur ton ventre et te découpent en viande à fondue, des flics bloquent la circulation et des gens s’occuppent de la voirie (t’as tout pété, bravo !), saletés de fonctionnaires privilégiés !

      Ensuite tu passes avce forces glapissements dans les mains de ces méchantes infirmières (saletés de fonctionnaires privilégiés qui veillent sur tes nuits et tes jours) qui vont essayer de te panser, dans les mains de medecins urgentistes qui vont essayer de sauver ta petite peau, il y aura même cette femme poussant le voile pare-terre et nettoyant ta piste d’atterissage dans l’hopital, cette odieuse fonctionnaire un peu boulotte qui va mettre au propre tes dejections....

      Privilégiés !

      Saletés de fonctionnaires !
      Il y aura ensuite cette horrible dame de la sécu qui fera que quand tu files 100 euros à la sécu elle ne t’en coûte que 5 euros là où tes boites d’assurances privées palperont leurs 15 euros...

      Saletés de fonctionnaires privilégiés ...

      Peut-être devrais-tu retourner à l’école maternelle (saleté de fonctionnaires privilégiés) afin qu’on re réexpliques que les mensonges c’est pas bien et que l’amour du prochain c’est mieux..

      C’est bien, continues Bob, tu vas prendre du galon ...

      Copas

    • CHER BOB !

       Certains ont "leurs juifs" ;
       d’autres ont "leurs arabes" ;
       d’autres encore ont "leurs romanichels", etc.
       Toi tu as "tes fonctionnaires"...

      Tu éructes sur les privilèges des fonctionnaires, qui ont servi d’exemples revendicatifs durant des années en matières de droits sociaux pour le privé, mais tu te gardes bien de faire une analyse rigoureuse de la réalité de ces droits aujourd’hui, et non de ces privilèges, comme les appelle cette droite pour qui tout ce qui s’oppose à ses profits maximum est privilège et obstacle à faire tomber.

      Tu as "tes fonctionnaires" parce que tu es si faible et tu as si peur de tes semblables qu’au lieu de les regarder et de travailler aux solidarités et à renforcer les valeurs humaines, tu préfères sombrer dans la démagogie du bouc émissaire...

      Méfie-toi de ne pas donner trop de bâton pour te faire battre au bout du compte par ceux qui une fois qu’ils en auront fini avec les "privilèges des fonctionnaires", s’attaqueront à "tes privilèges" pour finir de grapiller tout ce qu’il y a à grapiller pour améliorer le CAC40...

      C’est le conseil d’un fonctionnaire retraité.

      NOSE