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LETTRE OUVERTE DU COMITE MAORE AU PRESIDENT DE L’UNION DES COMORES
COMITE MAORE
Maison des Droits de l’Homme
BP 1497 Moroni | Union des Comores
Moroni le 23 mai 2008
Objet : la question de l’Ile comorienne de MAYOTTE
Excellence, Monsieur le Président,
Intervenant après le triomphe de l’opération armée « démocratie à Anjouan », la mesure empêchant d’expulser de Mayotte des Comoriens avait suscité un vif enthousiasme. La flamme patriotique s’est ravivée dans le cœur et l’esprit des Comoriens. Les gens se congratulaient. Enfin le pays tournait la page de la couardise et de la veulerie. Enfin le pays avait des dirigeants dignes de ce nom.
La chute fut donc brutale. Comment le Président Sambi avait-il pu cautionner la levée en catimini de la fameuse mesure ? Les discours, les engagements n’étaient-ils que des belles paroles ? Non ce n’est pas possible ! Et chacun épiait les faits et gestes des autorités comoriennes lors de l’accueil de la mission ministérielle française aux Comores des 14 et 15 mai dernier. A un moment ou un autre quelqu’un remettra les pendules à l’heure en signifiant la position comorienne sur l’Ile comorienne de Mayotte, etc. Rien n’est venu lever les inquiétudes. Pire, on a eu droit aux sempiternelles formules diplomatiques sur des échanges sur la question de Mayotte sans en dévoiler les termes, sur la coopération, sur la circulation des personnes et des biens entre les Iles de l’Archipel, etc. Similitude frappante avec les pratiques de la présidence de Monsieur Azali. En somme des indices bien connus d’une capitulation comorienne qui rappellent des très mauvais souvenirs.
Dans l’impossibilité d’obtenir un rendez-vous et sans l’assurance qu’une lettre normale vous parvienne, le Comité Maore s’est résolu à s’adresser publiquement à vous pour vous faire part de ses sentiments et pour formuler le vœu de tous les Comoriens : un sursaut débouchant sur une rectification du tir.
Excellence,
La mesure interdisant que des comoriens soient expulsés de chez eux avait provoqué un choc en France et dans les milieux départementalistes à Mayotte. On avait même vu émerger de la contestation, certains français s’insurgeant contre le délabrement du centre de rétention de Mayotte qualifié d’indigne, d’autres dénonçant une vedette de la police française qui avait sciemment percuté un kwassa-kwassa, provoquant des dizaines de morts et de disparus, etc.
Le Gouvernement français paraissait désarmé comme l’indiquait la réponse du Secrétaire d’Etat à l’Outre Mer Jego, interpellé au Sénat sur le blocage de l’expulsion des « clandestins » de Mayotte. Pour lui, il n’y avait qu’une issue : trouver un terrain d’entente avec l’Union des Comores. Pour le Gouvernement français, il fallait donc contraindre le Gouvernement comorien à lever la mesure. Les moyens mis en œuvre : des déclarations agressives d’autorités françaises comme celle de Jégo demandant publiquement, comme s’il ne faisait pas partie du gouvernement français, des « mesures diplomatiques fermes contre les Comores » et bien évidemment cette propagande fut relayée astucieusement par les serviteurs zélés de la France au sein du Gouvernement comorien et du pays. Permettez-nous de reprendre un par un leurs principaux arguments basés sur ce qu’ils appellent les capacités de nuisance de la France.
• Suspension des aides de la France dont le pays a tant besoin. Aurions-nous obtenu la suppression de la dette auprès de la Banque Africaine de Développement sans la France, etc. Mais pour tout comorien qui a à cœur les intérêts bien compris du pays, il faut mettre en balance les apports français avec l’occupation d’une partie du pays et les milliers de perte en vies humaines. La France nous porte un préjudice incalculable et ce n’est pas le ridicule million d’euros qui pourrait faire pencher la balance. Qui plus est, de par ses clauses sur la destination de cette aide, nombre d’analystes avertis y voient une façon de raviver les sentiments séparatistes en Grande-Comore et à Mohéli.
• Menace de torpiller les négociations à venir avec le FMI autour de la suppression de la dette des Comores envers tous ses créanciers. Si la France est si puissante, si elle est capable d’imposer ses desiderata au Monde comme elle l’a fait jusqu’ici sur une question fondamentale de la Charte de l’ONU, soit. La question est de savoir quel est le prix que le pays est prêt à payer pour recouvrer son intégrité territoriale. Entre la suppression de la dette du pays et le retour de Mayotte, quel choix ferions-nous ?
• Menace de coup d’Etat et/ou d’assassinat. Eh oui, comme au bon vieux temps du mercenaire français Bob Denard ou bien assassinat en douce du Chef de l’Etat comme certains le supputent de feu le Président Taki. Il fallait faire peur pour obtenir la reddition. Et pourtant la situation est bien différente. Votre popularité change considérablement la donne. En vous appuyant sur le peuple, vous ne seriez pas une cible aussi facile comme la plupart de vos prédécesseurs. De ce point de vue, la capitulation sert deux fois les intérêts de la France : renforcer sa position sur la question de l’Ile comorienne de Mayotte et fragiliser votre pouvoir en suscitant le vif mécontentement qui gronde dans le pays contre ce que certains, et non des moindres, caractérisent de haute trahison nationale.
Excellence,
Pour nombre de Comoriens, le Ministre des Relations Extérieures ne sert pas les intérêts du pays.
Il est évident que notre diplomatie est amorphe et incompétente. Elle a été incapable de la moindre avancée, de la moindre proposition sur le règlement de la question anjouanaise, elle se contentait d’assister aux réunions internationales, elle fut parfois réduite à une position comparable à celle des rebelles Il a fallu que vous interveniez personnellement pour que l’Afrique nous comprenne et nous appuie.
Il est évident que notre diplomatie manque de cœur, Monsieur Ahmed Jaffar a opposé son impuissance à l’arrogance de Jégo. Quand ce dernier, indigné par l’audace comorienne qui refuse les expulsions de ses ressortissants « clandestins » à Mayotte, se lance dans des attaques outrancières contre le pays, notre Ministre riposte avec sa déclaration inqualifiable à la radio française selon laquelle « Mayotte est CONSIDEREE comme comorienne par la Constitution ».
Il est évident que notre diplomatie opte pour une position défensive face à la France, elle se préoccupe plus des positions françaises, elle disserte sur les capacités de nuisance de la France sans jamais avancer un argument pour défendre la position comorienne. A ses yeux, face à la puissante France, il n’y a que la capitulation qui est pragmatique, revendiquer conséquemment Mayotte, c’est de l’aventurisme à ses yeux. Alors elle s’attaque aux organisations comme le Comité Comores-MasiwaMane, le Comité Maore, etc.
Il est évident que durant le séjour de la mission française aux Comores, notre diplomatie s’est déjugée pour n’avoir pas évoqué publiquement le projet français d’organiser durant le premier trimestre 2009, une consultation à Mayotte pour faire de l’île comorienne un département français. Comment s’étonner si certains pays ne nous soutiennent plus sur la question de l’Ile comorienne de Mayotte.
Excellence,
Le formidable mouvement populaire que vous avez suscité est entrain de voler en éclats. Que l’Assemblée de l’Union décide pour la première fois dans son histoire de descendre dans la rue pour protester contre ce qu’elle considère comme une haute trahison nationale, ne peut être sous estimée. Car il s’agit d’une Institution fondamentale du pays que personne, pas même le Président, ne peut dédaigner. Notre vœu et notre espoir sont que ce fait, hautement symbolique, soit la sonnette d’alarme qui vous éveille sur les dangers que vous font courir ceux qui vous servent mal ou qui vous trahissent, suivant vos propres termes.
A la croisée des chemins, le pays s’interroge. Le Président Sambi va-t-il s’embourber dans les ornières de son prédécesseur, consacrer la partition du pays ou va-t-il réagir et renouer avec sa démarche patriotique ? Certains ont déjà perdu espoir d’autres persistent et puis il y a le plus grand nombre qui réclament que les engagements soient tenus. Avec ceux-là, nous demandons :
• Que dans les meilleurs délais, un plan de bataille nationale soit mis au point et appliqué pour faire échec à la consultation française à Mayotte et que ce plan intègre l’élaboration d’une proposition comorienne complète et concrète de résolution de la question de l’Ile comorienne de Mayotte sur le sillage de notre proposition « UN PAYS, DEUX ADMINISTRATIONS ».
• Que tout soit mis en œuvre pour que la question de l’Ile comorienne de Mayotte figure dans l’ordre du jour final de la prochaine Assemblée Générale de l’ONU
• Que le Comité dit de haut niveau soit ouvert aux parlementaires comoriens et aux associations de la société civile de l’intérieur et de l’extérieur et que ce Comité se penche principalement sur :
– La suppression du visa Balladur en tant que préalable aux échanges
– Une résolution judicieuse de la question de l’Ile comorienne de Mayotte sur la base des propositions que chaque partie peut soumettre
• Qu’un comorien originaire de Mayotte soit nommé dans le Gouvernement de l’Union
• Qu’une Institution soit créée pour s’occuper uniquement de la question de l’Ile comorienne Mayotte.
• Que les sièges destinés aux députés de Mayotte soient bien visibles dans l’hémicycle du Parlement
• Que la prochaine journée nationale MAORE, le 12 novembre 2008, soit organisée avec beaucoup d’éclats sur la base d’une véritable mobilisation nationale.
Excellence,
C’est avec la conviction que vous prêterez une oreille attentive à nos réflexions, c’est en comptant sur vos sentiments patriotiques et sur la sincérité de votre engagement sur le saint Coran à servir le pays, que nous vous prions, Monsieur le Président, d’agréer l’expression de notre profond respect.
Pour le Comité Maore
le Président par intérim
IDRISS MOHAMED CHANFI
F. NAIL