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Carrefour de Port-de-Bouc : face à un patronat de plomb
Publie le mercredi 13 avril 2005 par Open-Publishing5 commentaires
de Marc Leras
Les lettres de mise à pied conservatoire sont arrivées, remises par huissiers ou par courrier. Elles concernent une dizaine de salariés de l’hypermarché Carrefour de Port-de-Bouc, dans les Bouches-du-Rhône, sur les 70 en grève depuis le 25 mars dernier. Il faut dire que les revendications des travailleurs étaient aberrantes pour le groupe Carrefour, dont les ventes hors TVA ont atteint 72 668 millions d’euros en 2004 et dont le bénéfice par action a crû de 2,8 % : les grévistes demandent en effet des tickets restaurants pour améliorer leur pouvoir d’achat, ainsi que l’embauche des CDD et la fin des temps partiels non choisis. Pas du luxe, quand une grande partie des salariés gagne moins de 1 000 euros par mois, parfois malgré des décennies d’ancienneté.
Pourtant, dès le départ du conflit la direction de l’hyper a fait le choix de la tension et de l’affrontement : saisissant en référé le TGI d’Aix-en-Provence, elle a obtenu la levée des blocages sous astreinte de 800 euros par infraction constatée ; pas moins de 10 cars de CRS ont également escorté les semi-remorques de livraison le 4 avril ; Force ouvrière, souvent considéré comme le « syndicat maison », parle dans un communiqué de « grève dangereuse » et fait circuler une pétition chez les non-grévistes ; les horaires de travail des grévistes ont été morcelés encore plus qu’à l’habitude. Pour les syndicalistes, ce harcèlement porte la marque de Jean-Luc Vandevelde, nouveau PDG du groupe, bien connu pour avoir mené le plan social de Marks & Spencer.
Malgré toutes ces pressions, les salariés de Carrefour tiennent. Claudette Montoya, salariée de l’hyper à Port-de-Bouc, est également déléguée nationale CGT du groupe. Elle est à l’origine de la grève nationale du 25 mars dernier, où pour la première fois 134 magasins français sur 170 ont débrayé. D’où sans doute l’acharnement de la direction contre cet établissement.
« Je suis la seule à ne pas avoir reçu de mise à pied, explique la déléguée. La direction s’en prend une nouvelle fois aux grévistes, en essayant de les étouffer et en leur mettant une pression psychologique intense. Mais nous continuons à tenir bon. Désormais, le retrait des sanctions sera un préalable à la reprise des négociations menées sous l’égide de la DDTEFP. Le droit de grève est constitutionnel et personne ne nous l’enlèvera. »
La volonté de faire taire les grévistes
La direction du magasin parle de dégradations commises par les grévistes qui se relaient jour et nuit sur le parking du magasin, notamment la destruction de la station-service et des jets de clous sur le parcours des livraisons. Des arguments rejetés par les syndicalistes qui « ne s’en prendront jamais à l’outil de travail ».
Heureusement, les salariés ne sont pas seuls et bénéficient d’un extraordinaire mouvement de soutien et de sympathie de la population de cette ville ouvrière, située entre Fos et Martigues. Le mot d’ordre de boycottage, lancé par les salariés, a pris comme une traînée de poudre. Le Mouvement de défense des exploitants agricoles familiaux du département a vendu plusieurs tonnes de légumes à prix coûtant à l’entrée du supermarché, où la population s’est réunie plusieurs fois pour soutenir les grévistes. Des syndicalistes d’autres entreprises en lutte se relaient sur le parking. Le conseil municipal s’est réuni exceptionnellement sur cette question hier en fin d’après-midi. « Tout Port-de-Bouc est attaché à son magasin, lance Patricia Fernandez, conseillère municipale PCF. Nous ne laisserons pas passer ces pratiques de voyous. Ce manque de respect, cette volonté d’humilier des mamans qui demandent des tickets restaurant pour manger à midi n’est pas supportable. Il faut sortir de ce conflit pas le haut en négociant. »
« Nous vous exprimons toute notre solidarité pour la lutte que vous menez contre les géants de la grande distribution, écrit de son côté Jean-Marc Coppola, secrétaire fédéral du PCF. Nous sommes de tout coeur avec vous car Carrefour, numéro 2 mondial de la distribution, a annoncé des records faramineux pour l’année écoulée. Toute cette masse considérable d’argent (1,4 milliard d’euros) n’a été possible que grâce au travail de ses salariés. »
Soutien et solidarité de toute de la population
Hier, journée de négociation nationale dans la branche commerce et distribution. Évelyne Petit, secrétaire générale de la fédération CGT du commerce, est venue apporter son soutien aux grévistes : « Merci pour votre courage et votre dignité, leur a-t-elle lancé. Vous faites face à des méthodes d’un autre âge destinées à éradiquer la CGT. Si la situation ne se débloque pas, nous ferons bouger les Carrefour de toute la France et même l’ensemble de la filière de la grande distribution. »
Devant des tags « Carrefour menteur et licencieur », l’intervention syndicale s’est terminée par des « Tous ensemble ! » pendant que le stress et l’émotion faisaient monter quelques larmes aux yeux.
Messages
1. > Carrefour de Port-de-Bouc : face à un patronat de plomb, 13 avril 2005, 13:42
Etonnant qu’on n’entende pas parler de ces actions de revendications – bien légitimes – et de la solidarité et de la générosité qui les soutiennent ! des fois que ça donnerait des idées !
2. > Carrefour de Port-de-Bouc : face à un patronat de plomb, 13 avril 2005, 15:11
vous oubliez de parler des tentatives d’intidimations sur le personnel non gréviste de la part d’individus cagoulés !!
des attaques répétées des grèvistes contre un autre magasin Carrefour, où le personnel n’a pas suivi le mouvement de grêve . Avec là encore des dégradations des outils de travail et même jet d’un cocktail molotov en pleine nuit dans la cour du magasin avec début d’incendie . Sans doute dans l’intention de détruire ce magasin et de mettre par la même occasion plus de 200 salariés ( non grévistes) au chomage !!
1. Tiens un flic !, 13 avril 2005, 15:58
VIVE LES PIQUETS DE GRÈVE DURS !
A bas les mensonges policiers !
A bas l’intimidation policière !
2. > Carrefour de Port-de-Bouc : face à un patronat de plomb, 13 avril 2005, 22:08
en reponse au message injurieux
Des salariés qui se battent pour retrouver leur dignité n’on pas le droit d’etre traité de la sorte .Aucune menace n’a eté faites à quiquonques et beaucoup de non grevistes peuvent en temoigner venant meme nous voir regulierement sur le parking discretement ;par peur de represailles ,et pression exercé par la direction ;ils sont meme interdit de nous dire bonjour !quand au coktail molotov ou je ne sais quoi ;il faut arretter de fabuler ;bientot on va nous accuser ;si on retrouve je ne sais quoi dans un autre carrefour .je suis greviste et je suis fiere de me battre pour l’amelioration de mon pouvoir d’achat ;grace au ticket restaurant je pourrais vivre mieux c tout ..............
alors que le groupe affiche aujourd’hui meme une enorme progression en bourse ;il nous refuse 1 euros 50 par jour ;et fait durer une greve pendant 23j .
REFLECHISSEZ AVANT DE PARLER !
3. > Carrefour de Port-de-Bouc : face à un patronat de plomb, 18 avril 2005, 17:22
Début avril, la direction du Carrefour de Port-de-Bouc (Bouches-du-Rhône) a appelé au secours les autres supermarchés du groupe implantés dans le secteur : vite, envoyez-nous vos vigiles, on a besoin de renforts pour mater nos grévistes ! Bouleversés, plusieurs patrons de Carrefour marseillais ont répondu sans attendre à cet appel à solidarité en missionnant leurs gros bras chez le collègue en détresse. Leur boulot, comme dit la direction, consisterait à « protéger les consommateurs ». La protection du consommateur a toujours été un impératif éthique chez Carrefour, partisan du développement durable et des rayons bio, approvisionnés par des manutentionnaires à temps partiel payés 700 euros par mois. Mais à Port-de-Bouc, justement, les salariés manquent à leur devoir protecteur. Depuis le 25 mars, une soixantaine d’entre eux sont en grève pour réclamer ce privilège insensé : des chèques-déjeuner ! Comme si les caissières avaient du temps à perdre en repas de midi... Le groupe Carrefour, qui n’a engrangé que trois petits milliards d’euros de profits en 2004, ne pouvait accéder à cette demande sans risquer la faillite. La direction a tenu bon, les grévistes aussi : piquet de grève sur le parking, appel au boycott, invitation aux clients à manifester devant l’entrée... Le 4 avril, patron et préfecture ont riposté solidairement en envoyant les CRS « accompagner » les camions de livraison. À l’heure où nous mettons sous presse, ni la force publique ni les huissiers n’ont eu raison de ce foyer d’agitation. Plus incroyable encore : les consommateurs, au lieu de quérir la protection des vigiles, ont pris massivement fait et cause pour les grévistes. Les gens sont bizarres.
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