Ces travailleurs qui vont toucher leur paie au distributeur

Jeudi 5 mars, à 5 h 15, une quarantaine de travailleurs sans papiers ont investi le centre de tri de Montlignon, dans le Val-d’Oise. Las de se faire exploiter, ils ont décidé de se mettre en grève pour obtenir leur régularisation. "Insupportable", c’est le mot qui revient sans cesse dans la bouche de Birante, jeune Mauritanien de 25 ans, lorsqu’il parle de ses conditions de travail. Mis à disposition de la société de collecte de déchets Val d’Horizon, filiale de Sita, par l’entreprise de travail temporaire Man BTP, Birante, comme ses collègues, se lève tous les matins à 4 heures pour rejoindre l’arrêt de bus situé au rond-point à côté de la gare du champ de courses de Soisy-sous-Montmorency. Là, un responsable de Val d’Horizon leur désigne, ou non, un camion-benne avec lequel partir faire une tournée jusqu’à 12 heures, 13 heures ou 14 heures. "Il prend trois, quatre personnes, parfois 10, parfois 30. Si tu n’as pas de mission, tu
rentres chez toi", raconte Birante, qui, comme tous ses collègues, travaille sans contrat. Leur contrat, ils ne se le voient remettre qu’en fin de mois par Man BTP, le jour où ils vont chercher leur paie.

Selon les mois, leur salaire oscille entre 500, 600 et 1 200 euros. Il leur est versé par un chèque... sans nom. Pour la plupart, ils travaillent avec le titre de séjour d’un cousin, d’un frère, d’un ami. "Et ils le savent", relève Birante qui, lui, a changé déjà trois fois d’identité en cinq ans. Quand ce n’est pas par chèque, c’est au moyen d’une carte de retrait qu’ils vont toucher leur paie à un distributeur, sur un compte ouvert par Man BTP au Crédit mutuel-CIC.

Dans sa vie de militant CGT, Raymond Chauveau dit n’avoir encore jamais rencontré de salarié payé avec la carte d’un compte ouvert par son patron. Pour le syndicaliste, cet exemple montre bien que l’emploi de travailleurs sans papiers est érigé en système.

Laetitia Van Eeckhout

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