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Chagrin et fureur lors de la manifestation pour le relogement des Ivoiriens

Publie le lundi 5 septembre 2005 par Open-Publishing

« Expulser, c’est transformer les victimes en coupables »

Par Dominique SIMONNOT

Ce n’est pas une manifestation comme les autres. On y croise ceux qui ne défilent jamais. Les pancartes portent des slogans furieux : « Colère et résistance ! » « Incendiés, expulsés, exploités, c’est la guerre aux pauvres ! » « Qui a mis le feu ? Sarkozy ! » « Pouvoir assassin ! » Des femmes africaines brandissent des photos. Deux petits garçons y rient, enlacés : « Ce sont les enfants d’Aïcha, morts brûlés dans le XIIIe. » Samedi, à Paris, le cortège de soutien aux victimes des incendies du boulevard Vincent-Auriol et de la rue du Roi-Doré n’a cessé de gonfler depuis le quai de la Gare. Ils sont des milliers à marcher. C’est parfois très chaud, au bord de l’incident. Car aux images des morts dans des taudis répondent celles des deux squats, expulsés vendredi matin, jour de la rentrée des classes. Les enfants en pleurs, cartable au dos, des femmes désemparées sur le trottoir. Tous africains.

Défilé. « C’est un climat des années 30, s’emporte Christophe Girard, adjoint vert au maire de Paris. Qu’on enlève Egalité et Fraternité du fronton des édifices ! L’immigration c’est la vie, c’est l’avenir d’un pays ! » Dans le défilé, Marie-George Buffet (PCF), Arlette Laguiller (LO), l’humoriste Dieudonné, François Chérèque (CFDT), Martin Hirsch (Emmaüs), Mouloud Aounit (Mrap), la CNT et Anne Hidalgo, maire adjointe socialiste de Paris, étrangement seule pour représenter son parti . « La manif est un succès, commente Jean-Baptiste Eyraud pour Droit au logement, ils font tout pour alimenter la colère ! Envoyer des policiers armés de matraques expulser des familles, c’est cynique ! C’est même une manière d’accuser les victimes : "Vous êtes sans papiers, vous vivez sur notre dos." Alors que ce sont eux qui nettoient nos rues ! » Des journalistes africains filment, notent. Une voisine de la rue du Roi-Doré a rendu visite à l’Hôtel-Dieu à un Ivoirien qui a perdu sa femme et ses enfants dans l’incendie. « Il est en état de choc. Les médecins et psychologues supplient que l’on intervienne afin que son frère ait rapidement un visa pour venir ici chercher les corps... » Une responsable de Médecins du monde dénonce : « Il y a quinze jours, rue de la Tombe-Issoire, il n’y avait pas de danger, hormis la coupure d’électricité décidée par le préfet. Les travaux étaient en cours, le préfet a expulsé ! »

« Réquisition ». Déjà circulent les adresses des squats prochainement fermés sur ordre du ministre de l’Intérieur. Ce sera, croit-on, ce matin à l’aube. On promet de les défendre, comme Olivier Besancenot à la LCR : « Nous lançons un appel à tous pour que les gens empêchent de nouvelles expulsions. Expulser, c’est transformer les victimes en coupables, alors que les pouvoirs publics sont impuissants à faire appliquer la loi de réquisition. » A la CGT, les militants sont formels : « Cette loi, nous allons l’appliquer : on prendra des immeubles et on y installera des familles ! »

Nicolas Sarkozy persiste et signe. Hier soir, sur TF1, le ministre a déclaré : « J’ai décidé de faire évacuer ces squats, je ne le regrette pas. (...) Aux belles âmes qui me demandaient de ne pas le faire, je pose une question : devant la multiplication des incendies, qu’est-ce qu’il faut faire ? »

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