Accueil > Chantiers sociaux : Life is now

de Pierluigi Sullo
traduit de l’italien par Karl&Rosa
Vous souvenez-vous de la pub de Vodafone ? Elle apparait sans arrêt sur toutes les chaînes de télévision, avec les visages de Francesco Totti et de Gennaro Guttuso. Voila, imaginez que quand l’un des deux attaque "life is…" un chœur de 914 personnes d’âge juvénile, d’aspect sympathique, mais inexorablement peu enthousiastes, répond "now". Ces presque mille sont en train d’être transbordés de l’entreprise mère à une entreprise satellite appelée Comdata.
Ce sont tous des salariés à temps indéterminé et, au contraire, c’est leur avenir qui est devenu indéterminé : paradoxalement, ils pourraient même rester dans les bureaux qu’ils occupent maintenant, mais leurs contrats, on ne sait pas comment ils seront, c’est-à-dire si le nouveau patron puisera dans une des braderies offertes par la loi 30 et en tout cas ils ne feront plus partie d’une grande entreprise mais d’une entreprise qui – comme l’a fait savoir Vodafone – "est une réalité italienne de succès, avec 4 mille salariés, articulée en 18 sièges sur le territoire national".
Une carte de visite douteuse, si on pense à d’autres « entreprises de succès » telles qu’Atesia, un concentré de call center au style négrier. Le propriétaire de Comdata est Fiorenzo Codognotto, de Trévise, dont l’entreprise est présentée par « Il Giornale » comme « leader de l’outsourcing dans le marché italien des télécommunications » : en somme, quelqu’un qui est spécialisé dans la sous-traitance de parties d’autres entreprises dans un seul but : en réduire les coûts.
En effet, outre que peu enthousiastes, les 914 en cours d’ « externalisation » sont aussi en colère et samedi ils manifestent dans les rues de Rome.
Parce que – un autre paradoxe – la raison du transbordement d’autant de salariés n’est pas due aux difficultés de Vodafone, mais au contraire à ce qui est présenté comme « un ambitieux programme d’investissements et d’initiatives commerciales innovatrices ». Par conséquent, les 914 devraient être heureux de contribuer au succès de leur (ancienne) entreprise. Et d’ailleurs en Italie sont actifs plus de 60 millions de portables (en gros, presque deux par personne adulte) et l’offre s’enrichit tous les jours : d’ici peu les portables communiqueront entre eux sans besoin d’interventions humaines. De telles merveilles, que personne ne pourra s’en passer. C’est une mine d’or, la téléphonie mobile.
Bien, cette histoire a-t-elle quelque chose à voir avec les crampes à l’estomac de la CGIL, quand il a été question de signer les accords avec le gouvernement sur la solidarité sociale, les retraites et, justement, la loi 30 sur la « flexibilité » du travail ? Et a-t-elle quelque chose à voir avec le vote par lequel le comité central de la FIOM a dit NON, a dit que selon le plus grand syndicat des métallurgistes cet accord ne va pas ? Voyez-vous, Carta est un magazine très petit, déjà très précaire par sa nature même.
Et pourtant nous recevons une moyenne de deux demandes par jour d’embauche ou de stage gratuits, de la part de jeunes en général diplômes, même avec un ou plusieurs master dans leur curriculum vitae (familièrement CV) et des expériences de travail occasionnel, transitoire et non rémunéré. C’est un petit indice de l’authentique désespoir qui est en train d’éroder une génération entière. Mais les presque cinquantenaires, comme nous le savons, sont « obsolètes » et même les salariés de Vodafone, dans la force de l’âge de travail et en possession de précieux contrats à temps indéterminé, sont au bord du gouffre.
Et qui s’occupe de ces gens ? Quelques syndicats, les réseaux auto organisés des précaires, quelques journaux aventuriers et peu de personnes qui ont même l’idée bizarre d’appeler à une manif – celle du 20 octobre – pour protester contre la précarité et contre beaucoup d’autre choses. Parce que c’est exactement ça : life is now.