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Chaque clandestin expulsée coûte 15 mille euros Voilà les chiffres du grand business Cpt

Publie le vendredi 30 juin 2006 par Open-Publishing

En 5 ans, on a dépensé un demi milliard d’euros et on a obtenu l’expulsion de 30 mille personnes. Dans certains Cpt, l’Etat paye 90 euros par jour pour chaque "détenu", qui reçoit pourtant un traitement qui en vaut 10. Qui y gagne ? Ceux qui ont la sous-traitance.

de Claudio Jampaglia Traduit de l’italien par karl&rosa

Le gîte et le couvert coûte soixante-douze euros, y compris la carte téléphonique et dix cigarettes. Cela vous semble-t-il un bon prix ? A Rimini on trouve mieux et à des coûts décidément plus bas et de même sur plusieurs belles côtes du Sud, ou si vous préférez dans des localités de montagne du Trentin Haut Adige. Avec 45 euros tu trouves une pension complète deux étoiles pas mal du tout. Sans le frisson des barreaux. Car ce dont nous sommes en train de parler ne sont pas les promotions des aubergistes italiques, mais les coûts pour les "hôtes" du Cpt de Turin. 72 euros par jour pour chaque hôte. Ce n’est pas un record, allons, il y en a qui dépensent plus et il y en a qui dépensent moins.

A Lampedusa, par exemple, les Miséricordes dépensent 38 euros par jour et par « hôte », la cantine et le nettoyage, qui sont en sous-traitance et sont comptabilisés à part, non compris. A Brindisi, la Croix Rouge Italienne (celle militaire) fait même mieux : 26,7 euros par jour, les repas compris. Alors que les plus dépensiers sont les Emiliens : 90 euros par jour à Bologne (CRI) et jusqu’à 99 à Modène, quand les clients sont peu nombreux (mais avec les meilleures structures, comme l’expliqua Daniele Giovanardi, président de la Confrérie des Miséricordes qui gère le centre et frère jumeau de Carlo, ex ministre de l’Udc [démocrates chrétiens alliés de Berlusconi, NdT]

L’économie des Cpt [qui correspondent en Italie aux Centres de rétention, NdT] n’est qu’un des aspects des galères, des camps pour « les autres », extracommunautaires, migrants, immigrés, nègres, arabes, slaves, femmes, hommes (et parfois même des mineurs) gérés par l’Etat italien. Peut-être le moins connu. A la différence des prisons « normales » et publiques, ici, outre les conditions, pires, il y a quelqu’un qui gère la patate bouillante en y gagnant de l’argent.

Allons donc, tout est marché et ce n’est même pas l’aspect le plus scandaleux de lieux de « détention administrative » où l’on enferme jusqu’à 60 jours des personnes sans permis de séjour ramassées dans la rue à l’occasion de coups de filet si rassurants ou prélevées de la prison à la fin de leur peine (plutôt les premiers que les deuxièmes, mais cela compte peu, parce que le délit commun à tout le monde est de papier). Le fait est que pour ces lieux, en six ans, de 1999 à 2004, on a dépensé un demi milliard d’euros, plus 300mille entre 2005 et 2006 pour des constructions, des conventions et la sécurité.

Tout cela pour arriver à retenir et expulser un peu plus de 30mille « étrangers » dans la même période. Cela fait plus que 15mille euros par clandestin expulsé. Plutôt qu’un gaspillage, une folie.

Ce n’est pas nous qui faisons le calcul mais l’unique source existante, la Cour des Comptes, dont les comptes-rendus ont été épluchés et recoupés par quelques associations antiracistes (Lunaria sur toutes). De la transparence administrative sur les Cpt il y en a très peu et même la Cour se plaint depuis leur naissance, en 1999, à cause « des difficultés rencontrées à vouloir identifier de façon achevée les ressources globales que le bilan de l’Etat consacre à la politique de l’immigration ».

Tant de sujets et de chapitres de bilan mélangés. Depuis quelques année, dans la Loi des finances ont été introduites des chapitres de dépense (2356 et 7352) respectivement pour « l’identification, l’activation, l’acquisition et la gestion des centres de permanence et d’accueil pour des étrangers irréguliers » (y comprise l’assistance) et pour « la construction, l’acquisition, le complètement et l’adaptation d’immeubles ».

En 2004, il y avait respectivement 49,7 millions, « dont 40,8 millions environ pour la gestion » et 45 millions pour les « investissements » en nouvelles structures. Dans les deux dernières lois de finances du gouvernement Berlusconi, pour ces deux chapitres ont été affectés 111 millions d’euros pour 2005 et 122 millions pour 2006.

Jusqu’ici les grands chiffres, mais d’autres sommes d’argent manquent à l’appel et le tableau devient encore plus difficile quand on veut voir les conventions des 14 centres en fonction, établies par des accords privés entre les Préfectures et les gérants (outre à la CRI et aux Miséricordes, qui font la part du lion, des ONG locales en tout genre, laïques et religieuses et même une Commune, celle de Otranto). En avoir une copie est presque toujours impossible, même pour ceux qui ont une charge institutionnelle. Luciano Muhlbauer, conseiller régional du PRC lombard, par exemple, demande depuis un an à connaître les coûts du Cpt de Via Corelli à Milan et les conventions avec la Croix Rouge. On lui a répondu « il n’en est pas question » - des dispositions qui viennent d’en haut.

Cela va mieux pour les données des Préfectures de Police sur les flux. Marilde Provera, députée du PRC, après un an et demi de confrontation avec les responsables du Bureau immigration de Turin, est arrivée à obtenir de la collaboration et des chiffres. Mais revenons aux conventions pour lesquelles la Cour des Comptes, outre qu’elle signale la confusion des tâches et de la coordination entre les départements du Ministère et les Préfectures, relève « un manque extrême d’homogénéité des coûts de gestion malgré le fait que la tâche soit très souvent confiée au même sujet (Croix Rouge Italienne) », « le manque d’établissement de niveaux minimum des prestations » et « les difficultés à reconstruire la dépense réellement soutenue à travers les dites comptabilités spéciales ». En somme, un bâclage. Quelque chose se sera amélioré pendant ces années, mais demeure la sensation d’un marché opaque des miséricordes et des croix rouges.

Si ensuite vous voulez vous rassurer à propos de la dépense publique soutenue par rapport aux objectifs répressifs fixés, on passe au désastre. La Cour des Comptes écrivait : « Face à ces coûts économiques remarquables et à un très fort impact social, les étrangers réellement éloignés ne dépassent pas 30% des ceux qui sont retenus. Un peu plus en arrivant jusqu’à 2004 : en six ans, sur 82 000 personnes passées par les Cpt, 32 000 ont été expulsées. Si la finalité de la rétention est d’« assurer l’efficacité des mesures d’expulsion » les Cpt ont déjà échoué. Aussi parce que les personnes repoussées à la frontière sont trois ou quatre fois plus nombreuses. Mais il y a plus. Pendant la période 2002-2004 (trois ans) le Ministère de l’Intérieur déclare 350 000 étrangers trouvés en position irrégulière. Presque dix fois ceux qui ont été amenés dans les Cpt. Donc, ou bien nous nous préparons à construire une autre centaine de prisons spéciales pour migrants, coupables de délits administratifs, avec des coûts, des gaspillages, la suspension des droits constitutionnels et les souffrances qui vont avec, « ou bien nous renversons la politique de l’immigration de la répression à l’intégration », comme le dit le ministre de la Solidarité sociale, Paolo Ferrero.

Ce qui veut dire que « l’engagement du gouvernement au-delà des premières mesures tampon, devrait être celui de réécrire complètement la législation sur l’immigration ». C’est ça le dépassement de ces instruments scéniques d’avertissement et de torture, inutiles et coûteux pour les objectifs mêmes qu’ils veulent atteindre, qui s’appellent Cpt.

http://www.liberazione.it/giornale/060624/LB12D6C1.asp