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Chasse aux immigré(e)s : l’acharnement continue

Publie le lundi 23 juin 2008 par Open-Publishing

de solidaires

Un incendie a détruit ce dimanche à Vincennes les deux bâtiments du plus grand Centre de rétention administrative (CRA) de France, au lendemain de la mort d’un Tunisien retenu dans celui-ci. La responsabilité des autorités - qui avaient été alertées depuis plusieurs mois au plus haut niveau sur les risques d’explosion dans ce CRA surpeuplé non conforme à la réglementation - est directement engagée. Plus globalement, ce sont bel et bien les surenchères actuelles en matière de politique d’immigration qui engendrent de tels événements.

Il y a quelques jours, Brice Hortefeux, ministre de l’Immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, s’est félicité d’une augmentation de 80% des reconduites à la frontière d’étrangers en situation irrégulière pour les cinq premiers mois de 2008, par rapport à la même période de 2007. Derrière ces chiffres, c’est une descente dans l’ignominie qui chaque jour s’accélère avec la multiplication des contrôles au faciès, des convocations pièges en préfectures, des rafles, du non respect des voies et délais de recours...

Derrière cet acharnement répressif, ce sont des centaines de milliers de personnes, hommes, femmes et enfants, qui vivent dans la terreur d’une arrestation, ce sont des dizaines de milliers de vies individuelles qui sont ravagées du jour au lendemain et des familles entières qui se retrouvent cruellement séparées. Parfois cet acharnement va même jusqu’à entraîner la mort de celui ou de celle qui prend des risques désespérés pour tenter d’échapper aux expulsions.

Dans le même temps, le Parlement européen vient d’adopter une directive sur l’immigration qui instaure des règles communes en matière d’expulsion d’immigré-e-s en situation irrégulière. Ce texte prévoit notamment pour les personnes concernées, enfants comme adultes, valides comme malades : une prolongation de la durée de rétention pouvant aller jusqu’à 18 mois ; la possibilité d’un renvoi vers un pays de transit même si l’intéressé-e n’y a aucune attache ; une interdiction de séjour de cinq ans dans l’ensemble des pays de l’Union européenne... Même si cette directive se veut le fruit d’un compromis par rapport aux pratiques observées actuellement dans certains pays européens, où par exemple la durée de l’enfermement des sans-papiers est illimitée, l’esprit et les dispositions qui régissent ce nouveau texte sont disproportionnées et indignes.

Le gouvernement français n’entend pas en rester là et le thème des migrations sera l’une des priorités de la prochaine présidence française de l’Union Européenne. En cette occasion, N. Sarkozy veut notamment codifier les règles de sélection pour l’accueil des étrangers et empêcher toute future régularisation massive au sein d’un pays membre.

Toutes ces mesures témoignent une nouvelle fois d’une conception de l’immigration qui réduit l’immigré-e à une simple marchandise corvéable et jetable. Les lois se multiplient et chacune d’entre elles lamine encore plus le droit des étrangers. Celles-ci vont toujours dans le même sens : restreindre au maximum le regroupement familial et le droit d’asile ; limiter l’immigration à des quotas de travailleurs en fonction des besoins du marché du travail ; jeter ceux-ci dès lors qu’ils ne sont plus nécessaires. Dans le même temps, les étrangers sont stigmatisés et utilisés comme des boucs émissaires afin de détourner l’opinion des véritables problèmes actuels : emploi, précarité, pouvoir d’achat, protection sociale... Une telle approche de l’immigration et les discours qui l’accompagnent favorisent la montée de la xénophobie, du racisme, de l’exclusion, et par réaction, des communautarismes.

L’Europe se transforme en une véritable forteresse et met en oeuvre des moyens démesurés pour empêcher l’accès à son territoire et pour expulser les sans-papiers. Le caractère essentiellement sécuritaire du traitement des flux migratoires entraîne des milliers de morts, et les choix économiques mis en oeuvre maintiennent les pays d’origine en marge du développement. En France, comme dans toute l’Europe, des femmes, des hommes et des enfants vivent dans la peur quotidienne d’être arrêtés, puis enfermés dans un centre de rétention avant d’être expulsés simplement pour un défaut de papiers. Partout on criminalise des personnes dont le principal tort est de vouloir fuir la misère ou la situation politique de leur pays.

Cette politique est doublement hypocrite puisque les gouvernements occidentaux savent très bien que malgré cette fermeté le nombre global de personnes en situation irrégulière reste relativement constant années après années et que le maintien d’un « vivier » de sans-papiers est indispensable à la survie de pans entiers de leur économie. Les centaines de travailleuses et de travailleurs sans papiers qui ont entamé ces dernières semaines des mouvements de grèves dans diverses entreprises d’Ile-de- France sont là pour en témoigner publiquement. A travers la France, ils sont des centaines de milliers dans la restauration, l’hôtellerie, l’agriculture, le bâtiment, l’aide à la personne, le gardiennage... Leurs conditions d’exploitation tirent l’ensemble des salaires et des droits sociaux de ces secteurs vers le bas. Les autorisations de travail sont soumises au bon vouloir des préfets sur la base d’une liste de métiers très réduite et qui dépend de l’origine du demandeur. Travailleurs illégaux, dans une totale dépendance vis à vis de leurs patrons, ils sont confrontés à la précarité, la surexploitation et le non-droit.

La politique du gouvernement en matière d’immigration s’inscrit délibérément dans une perspective utilitariste. N’est acceptable que l’étranger perçu comme rentable pour l’économie française. Cette logique s’inscrit dans la logique libérale qui tend à imposer flexibilité et précarité à l’ensemble du salariat.

L’Union syndicale Solidaires dénonce les politiques indignes qui dominent aujourd’hui en matière d’immigration et exige la mise en oeuvre de mesures qui soient fondées sur des valeurs démocratiques et solidaires. Nous ne voulons pas d’une France et d’une Europe forteresses, liberticides et repliées sur elles-mêmes. Conformément aux décisions intervenues début juin lors de son 4ème Congrès, l’Union syndicale Solidaires entend renforcer son implication dans ce combat afin de construire, avec les différentes forces également engagées dans ces mêmes luttes, les conditions d’un indispensable sursaut citoyen sur ces questions.