Accueil > "Cher bébé..." Et Silvio se trompe dans les adresses
"Cher bébé..." Et Silvio se trompe dans les adresses
Publie le mardi 7 février 2006 par Open-Publishing
Berlusconi inonde de lettres tous les nouveaux-nés en magnifiant les mille euros de bonus mis dans la loi des finances. Mais il y a des adresses en trop : 50.000 lettres envoyées à des enfants qui n’y ont pas droit. Comme les enfants des immigrés.
Le premier écrit : "Sais-tu que la loi des finances t’assigne un bonus de mille euros ? Tes parents pourront le retirer dans ce bureau de poste". Suivent l’adresse et "un gros bisou", signé Silvio Berlusconi.
de PAOLO ANDRUCCIOLI traduit de l’italien par karl&rosa
Arnaque bébé. Le président du conseil, pourvu qu’il se fasse l’énième publicité électorale, exploite la loi des finances qui concède un bonus bébé de 1000 euros pour tous les enfants nés en 2005 et 2006 et envoie, aux frais des contribuables, des milliers de lettres signées Silvio Berlusconi (chose interdite, entre autre, par la même loi des finances, qui prévoit des communications administratives anonymes). Une gaffe et un usage impropre de la communication publique.
Le premier fait aussi comme cela sa campagne électorale : avec l’argent des contribuables, des mêmes auxquels il a promis de baisser les taxes. Mais il se trompe aussi dans les adresses. En effet, cette fois l’affaire médiatique ne marche pas et, au contraire, elle pourrait déterminer quelques sérieux problèmes pour le gouvernement, qui trébuche donc aussi sur le bonus, après avoir trébuché - sans jamais l’admettre - sur l’augmentation des retraites les plus basses. Le bonus bébé est une norme contenue dans la loi des finances et a été le fruit - entre autres - d’un long bras de fer politique entre l’Alliance nationale et l’Union démocrate chrétienne, Forza Italia et le ministre Tremonti, qui n’en voulait pas, à cause des coûts.
Mais maintenant le compromis politico électoral risque de sauter à cause de l’énorme gaffe procédurale de Berlusconi lui-même. En effet, les lettres pour retirer le bonus bébé ont aussi été expédiées à des personnes qui (sur la base du dispositif de la loi des finances) n’y ont pas droit, parce qu’elles n’ont pas la citoyenneté italienne ou communautaire. Des milliers de lettres qui ne seront donc que de la paperasse. Des milliers de parents qui vont se pointer aux bureaux de poste de toutes les villes italiennes pour retirer l’argent et se opposer un refus embarrassé.
Voilà de quoi il retourne. Sur la base de la loi des finances 2006, le gouvernement avait établi la concession d’un bonus pour chaque enfant né en Italie ou adopté au cours de l’année 2005, un bonus qui a ensuite - à cause des pressions politiques des alliés en vue des élections législatives - été aussi étendu à l’année 2006. Mais à qui revient ce bonus ? A qui devons-nous envoyer la lettre ? Le gouvernement Berlusconi, conseillé probablement par ses influents experts de communication politique mass médiatique, a cherché la voie plus courte, également pour ne pas superposer l’initiative à la campagne électorale. Un euphémisme, car la campagne électorale a déjà commencé depuis plusieurs jours.
La voie administrative la plus courte, pour Palazzo Chigi [siège du gouvernement, ndt], était de s’adresser à la Sogei [Sociétà generale d’informatica, ndt] (chose prévue, entre autre, même par la loi des finances), qui a le tableau général de tous les enfants nés en Italie au cours de l’année, parce qu’elle envoie les codes fiscaux peu de jours après le premier vagissement. Palazzo Chigi a donc demandé à la Sogei la liste complète de tous les nouveaux-nés de 2005. Et la société, diligemment, l’a passée au gouvernement. Une fois reçus les noms et les adresses, Silvio Berlusconi a pensé écrire lui-même la lettre qui annonce la bonne nouvelle (nous en publions un exemplaire original à côté de cet article). Toutes les lettres commencent ainsi : "Cher Mario Rossi... cher Paolo Bianchi... cher Mohamed...". En effet, les lettres ont été expédiées à tous les nouveaux-nés et donc aussi aux petits et aux petites des immigrés régulièrement enregistrés en Italie, mais sans la nationalité, qui comme on le sait bien est un "certificat" très complexe auquel les immigrés réguliers présents dans notre pays n’arrivent pas tous à accéder. Voila donc la gaffe, voir la grande escroquerie.
Berlusconi a fait dire à des milliers de personnes (on compte au moins 50.000 lettres erronées) qu’elles ont un droit prescrit par la norme qu’en réalité elles ne possèdent pas. La loi des finances - comme l’expliquent bien les paragraphes du 311 au 313 - n’établit l’attribution du droit au bonus qu’aux Italiens ayant la nationalité et à tous les citoyens Ue. Des milliers d’immigrés ne sont pas compris dans cette loi des finances, aussi parce que la Ligue de Bossi a voulu ainsi. En effet, les députés de la Ligue ont insisté sur les limites de la nationalité. On ne pouvait pas donner à tout le monde le bonus bébé.
La Cgil et la Cisl [grandes centrales syndicales, ndt] demandent des explications urgentes. Le responsable économique de la Cgil, Beniamino Lapadula, va encore plus loin et demande l’intervention du Conseil de surveillance des communications et de la Cour des Comptes. "Il est opportun qu’intervienne non seulement le Conseil de surveillance mais aussi la Cour des Comptes pour le préjudice causé aux contribuables par l’expédition de plus de 50.000 lettres erronées qui n’auraient pas dû partir". La Cisl intervient aussi. La lettre autographe du président du conseil - souligne une note de l’Inas-Cisl - a été aussi envoyée à des milliers d’étrangers qui ont eu des enfants en 2005 mais qui, selon la loi, n’auraient pas le droit au bonus, même s’ils sont en possession de la carte de séjour.
http://www.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/01-Febbraio-2006/art52.html