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Chili : un peu de lumière sur les détenus-disparus (partie II)

Publie le jeudi 22 février 2007 par Open-Publishing
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LE NETTOYAGE

Une fois accomplie chaque mission de vol, les hélicoptères revenaient à Peldehue à l’endroit où étaient stationnées les « camionettes » C-10. C’est ici que descendaient les civils, montaient dans les « camionettes » et partaient.

L’hélicoptère repartait et retournait à sa base du CAE à Tobalaba. Une fois la machine vidée de son équipage, les mécaniciens réalisaient l’opération de nettoyage du sol, qui la plupart du temps restait imprégné de sang avec une odeur de viande décomposée pénétrante. Ils passaient le sol et l’intérieur au jet et laissaient l’hélicoptère se ventiler. Quand l’odeur et le sang avaient disparu, les mécaniciens réinstallaient les sièges et le réservoir secondaire, sans savoir que le lendemain, cet hélicoptère devait accomplir une tâche similaire. Normalement, ce nettoyage n’était pas réalisé par les mêmes mécaniciens qui avaient participé au vol. Parmi les nettoyeurs, a figuré plus d’une fois E.A.O., le mécanicien personnel du Puma nº256 du Commandant en chef de l’Armée de terre, le général Augusto Pinochet. Bien que celui-ci soutienne dans l’enquête que « jamais », il ne lui a été donné de réaliser ces vols pour la haute mer. Son chef a été pendant de nombreuses années, le brigadier Antonio Palomo, aujourd’hui à la retraite.

« Quand on discutait, entre mécaniciens, j’ai pu me rendre compte que beaucoup d’entre eux avaient réalisé ce type de voyages », à déclaré au procès un autre mécanicien qui a participé aux vols et que nous appellerons « Rotor 1 ».

Les identités des mécaniciens, qui ont finalement raconté au juge les ténébreuses histoires qui ont permis de connaître ces faits, LND les tient en réserve. Le fils de l’un d’entre eux a été séquestré pendant quelques heures, vendredi dernier, le jour même où le juge Guzmán a énoncé les premières accusations dans l’affaire Marta Ugarte avec cinq anciens pilotes des Puma, en plus de Contreras et López Tapia. Deux individus l’ont obligé à monter dans une auto, l’ont attaché, lui ont mis une cagoule sur la tête, l’ont battu, et lui ont dit qu’il dise à son père de « fermer sa gueule ». Puis ils l’ont jeté dans une rue de Santiago.

Un autre des mécaniciens, « Rotor 2 », à raconté pendant l’enquête, qu’à peine les vols avaient commencé, le commandant du CAE Carlos Mardonez a réuni les pilotes et les mécaniciens, et leur a déclaré : « Il s’agit de missions secrètes que vous ne devez commenter à personne d’autre que ceux qui y participent. Vous ne devez même pas en parler à vos familles ».

LE TRIBUNAL

Le commissaire en retraite Nibaldo Jiménez, ancien agent de la DINA en fonction à Villa Grimaldi et dans l’enceinte de José Domingo Cañas soutient que « Ceux qui envoyaient les individus à la mer étaient une assemblée qui se tenait avec les chefs de groupe de l’époque, les capitaines Miguel Krassnoff Marchenko, Maximiliano Ferrer Lima, et d’autres, parce qu’il y avait plusieurs casernes. Ils se réunissaient comme un tribunal, où ils décidaient quel détenu serait sauvé et quel autre irait à la mer, avec le code nommé « Puerto Montt ». Ces « autres » auxquels se réfère Jiménez son ceux de toujours, Marcelo Moren Brito et Pedro Espinoza Bravo, tous les deux chefs en alternance de différents centres clandestins de la DINA. Le résultat de chacune de ces réunions, continue Jiménez, « était envoyé au général Contreras, chef suprême de la DINA (...). Le général Contreras est celui qui vérifiait les listes et en définitive décidait du sort des détenus.

Une autre victime de la DINA a été le journaliste Máximo Gedda Ortiz, le frère des Gedda qui réalise l’émission « Au sud du Monde ». Détenu en juillet 1974, il a disparu dans l’immeuble au nº 38 de la rue Londres. Jiménez raconte l’état dans lequel il a vu son corps avant que, on le présume, il n’allonge la liste des jetés à la mer. « Un sujet nommé Gedda fût détenu. On lui avait enlevé au couteau la chair de la jambe et on voyait l’os. Cela pendait, ils l’avaient pendu. Ils l’avaient fouetté ».

Jiménez décrit une autre facette de l’horreur et de la brutalité contre un autre des disparus de la DINA. Il s’agit du photographe Teobaldo Tello Garrido, qui avait été fonctionnaire des Renseignements Généraux pendant le gouvernement de Salvador Allende. Il a été arrêté en août 1974 et a disparu. « Je suis allé le voir dans une cellule bondée de détenus, il a ouvert la bouche et j’ai vu qu’il saignait. Ses dents avaient été arrachées avec une pince par Monsieur Marcelo Moren(...). Le Colonel Moren était assez brutal ».

LES PILOTES DE LA CARAVANE

Parmi les cinq anciens pilotes d’hélicoptères Puma que le juge Guzmán a inculpé pour la séquestration et le meurtre de Marta Ugarte figurent ceux qui furent les pilotes de la Caravane de la Mort. Antonio Palomo a été le pilote sur le trajet sud de cette opération, et a agi comme son copilote Emilio de la Mahotiere González. Pour le trajet nord de la caravane, le pilote fût le même de la Mahotière et le copilote, Luis Felipe Polanco Gallardo. Le cinquième pilote détenu est le colonel en retraite Oscar Vicuña Hesse.

Une seconde phase de cette méthode de disparition de détenus jetés à la mer, a commencé après 1978 et a continué au moins jusque 1981-82, après qu’à la fin de 1978, on ait découvert les cadavres de 15 paysans dans un four de Lonquén et l’Armée de terre et Pinochet se sont inquiétés.

Cette seconde phase connue sous le nom de « remaniements » clandestins, fût admise, y compris par l’ancien directeur de la Centrale Nationale d’Informations (Renseignements Généraux), le général Odlanier Mena, et à son propos, ont déposé aussi quelques anciens agents qui ont participé à l’opération. A cette opération appartiennent, entre autres, les prisonniers de Chihuío dans la 10ème région, les exécutés de La Moneda détenus à Peldehue, et les 26 victimes de la Caravane de la Mort enterrées clandestinement dans le désert de Calama. Celles-ci ne furent pas victimes de la DINA.

Probablement, une fois l’expérience acquise, cette seconde phase a été réalisée par les mêmes pilotes et mécaniciens du Commando d’Aviation de l’Armée de terre. Cet épisode n’est pas totalement éclairé judiciairement. En tout cas, les commandants du CAE après Carlos Mardones ont été : le colonel Hernán Podestá Gómez, entre janvier et décembre 1978 ; le colonel Fernando Darrigandi Márquez entre janvier 1979 et juillet 1981 ; et le colonel Raúl Dirator Moreno, entre août 1981 et février 1982.

Pour lire l’article en espagnol

http://www.lanacion.cl/p4_lanacion/site/edic/2003_11_23_1/home/home.html

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