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Chômage : la classe dirigeante à cours d’idées...

Publie le vendredi 15 octobre 2004 par Open-Publishing

Le 9 février 2004, Le Figaro publiait un dossier spécial intitulé pompeusement : 60 idées anti-chômage. Le quotidien se vantait alors de livrer « en exclusivité » les propositions de 40 personnalités (chefs d’entreprise, universitaires, hommes politiques) pour créer des emplois.

Si le casting semblait prometteur ­ Claude Bébéar (AXA), Maurice Lévy (PUBLICIS), Jacques Maillot (NOUVELLES FRONTIERES), Christian Sautter (ancien ministre de l’Économie), Jean-Martin Folz (PEUGEOT CITROEN), Jacques Barrot, Jack Lang, Paul Dubrule (fondateur d’ACCOR)... La boîte est restée vide d’idées innovantes.

Décryptage.

Au registre des « super bonnes » idées avancées par des personnalités qui n’ont rien compris à l’exercice consistant à imaginer de vraies mesures anti-chômage :

1) "En finir avec les emplois bidons" (Jacques Maillot).
Le fondateur de Nouvelles Frontières ajoute : « Lançons plutôt une consultation entre chefs d’entreprise et partenaires sociaux pour voir ensemble comment on peut assouplir notre législation pour faciliter les recrutements et les licenciements ».
Ça c’est une idée formidable ! Tout le monde sait qu’en France, c’est hyper compliqué de recruter et plus encore de licencier !

2) "Supprimer un des impôts sur le capital" (Clara Gaymard, présidente de l’Agence française pour les investissements internationaux).
La suppression des Droits de succession ou de l’impôt sur la fortune ou des impôts sur les plus-values serait de l’avis de cette experte une grande mesure anti-chômage. Avant de faire le bonheur des demandeurs d’emploi, elle ravira celles et ceux qui détiennent le capital. Une belle avancée sociale en perspective !

3) "Faciliter le recours à l’intérim" (Jean-Martin Folz, président de PSA Peugeot Citroën).
Mais « sans tomber dans l’excès, c’est-à-dire l’emploi jetable ». Trop aimable de le préciser !

4) "Alléger les charges sociales" (Thomas Piketty, économiste).
Les supprimer tout bonnement aurait un effet encore plus radical !

5) "Faire travailler les seniors plus longtemps" (Christian Boiron, PDG des laboratoires Boiron).
Les seniors veulent bien bosser plus longtemps... Mais leurs employeurs ne veulent pas. Allez comprendre !

6) "Faire baisser l’euro" (Guillaume Sarkozy, vice-président du Medef).
Revenir aux anciens francs et à leurs dévaluations successives serait une mesure encore plus profitable à la création d’emplois.

7) "Indemniser seulement les vrais chômeurs" (Claude Bébéar, fondateur d’AXA).
« La lutte contre le travail au noir effectué par des chômeurs est aussi une priorité », ajoute-t-il.
Et la lutte contre les patrons qui embauchent ces chômeurs, n’est-ce pas encore plus prioritaire ?

8) "Indemniser les chômeurs moins longtemps" (Pierre Martinet, PDG de Martinet Traiteur).
C’est déjà le cas. L’ARE (Allocation de retour à l’emploi) est passée de 30 mois à 23 mois, mais le chômage continue d’augmenter. Cherchez l’erreur !

9) "Mieux contrôler les chômeurs et les salariés en arrêt maladie" (Sophie de Menthon, PDG de Multilignes).
Et mieux contrôler les patrons voyous qui délocalisent secrètement leurs activités, ce n’est pas une vraie mesure anti-chômage, ça ?

10) "Créer une Fête de l’emploi" (Eric Carle, créateur de Style.com).
Alors là, c’est la cerise sur le gâteau !!!

Vous noterez que la boîte à idées « dans laquelle le ministre des Affaires sociales peut puiser », comme l’annonce sans modestie Le Figaro, recèlent quelques perles d’une rare niaiserie. Et ce n’est pas fini. Au registre des idées lumineuses on peut lire :

• Pourvoir les postes vacants (Jean-Claude Seys, président de la Maaf et de la MMA).
Tiens, ça, il fallait y penser.

• Faire travailler les chercheurs (Sylvain Breuzard, président du CJD).
C’est bien connu : des chercheurs qui cherchent, on en trouve. Mais des chercheurs qui trouvent, on en cherche.

• Analyser nos forces et nos faiblesses (Bertrand Kleinmann, vice-président du cabinet Booz Allen Hamilton).
Pourquoi, ce check-up n’a pas encore été fait par les donneurs de leçons de tout poil qui sévissent dans les médias et ailleurs ?

Émergent quand même de ces platitudes quelques mesures de bon sens qui n’ont rien de révolutionnaires. C’est-à-dire :

• Former aux métiers qui manquent de main d’œuvre (Yazid Sabeg, PDG de CS Communication &Systèmes).
• Attirer les sièges sociaux en France (Sébastien Huyghe, député UMP du Nord).
• Ouvrir des crèches (Martine Clément, PDG de la SGI).
• Sensibiliser les étudiants à la création d’entreprise (Benoît Genuini, président d’Accenture France).
• Aider les chômeurs à créer leur activité (Maria Nowak, présidente de l’Adie).
• Favoriser l’emploi des femmes (Danièle Rousseau).
• Éviter un apartheid social (Jean-Claude Ducatte). « N’oubliez pas qu’aujourd’hui on est vieux à 45 ans dans une entreprise », ajoute-t-il.
• Que chacun aide un chômeur (Sylvain Breuzard, président du Centre des jeunes dirigeants). « Cela ne coûte rien mais cela redonne confiance ».
• Intégrer des chômeurs de longue durée dans l’entreprise (Maurice Lévy, Publicis).
• Réunir recruteurs et demandeurs d’emploi (Christian Sautter, ancien ministre de l’Économie et des Finances, maire adjoint de Paris).

Voilà ce qui ressort des interventions d’une quarantaine de personnalités reconnues. Non seulement la plupart des 60 mesures anti-chômage avancées ne présentent aucun intérêt, mais certaines discréditent celles et ceux qui souffrent du chômage en laissant entendre qu’ils profitent du système, ne veulent pas travailler ou, pire encore, travaillent au noir. C’est vraiment affligeant ! Ah, bon, on peut écrire "dégueulasse" ?

Yves BARRAUD
www.actuchomage.fr