Accueil > Colonisation, résistance et processus de paix
Colonisation, résistance et processus de paix
Publie le lundi 6 septembre 2010 par Open-Publishing3 commentaires
L’ « opération meurtrière » des « terroristes islamistes du Hamas » qui a tué à Hébron « quatre civils » d’une « implantation juive » est sans nul doute en rapport avec l’ouverture des négociations, vouées à l’échec selon la majorité des palestiniens. Mais son traitement médiatique l’est tout autant …
En tant que membre de Sud-Etudiant, j’ai pu me rendre au mois d’avril, avec trois camarades, dans les territoires occupés de Cisjordanie. Au cours de ce voyage, nous nous étions rendus dans le centre d’Hébron, ainsi qu’à Tel Rumeida, quartier de la ville où s’opère la colonisation la plus violente de toute la Palestine.
A notre arrivée dans le centre d’Hébron, le premier choc fut la vue d’un toit grillagé recouvrant la rue piétonne, et des barbelés qui protègent les fenêtres. Les colons, installés à l’étage, ont l’habitude de jeter pierres et ordures sur les palestiniens. Chez un des habitants de la rue, nous constations que ses "voisins" avaient condamné ses fenêtres pour le pousser à partir. Cette méthode n est pas la pire : En plus de jets de pierre et de détritus quotidiens, ces Hébronites ont subi plusieurs agressions, et leur fils est malvoyant depuis que des colons l’ont agressé à l’eau de javel … Comme beaucoup, notre hôte avait du fermer son magasin à cause des agressions permanentes ...
Nous avions deviné, dans des citernes aux couleurs du drapeau israélien, quelques litres des 85% de l’eau palestinienne spoliée. Ou encore, les troupes de l’armée d’occupation se promener jusque dans la Mosquée, dont une partie a d’ailleurs été détruite pour être remplacée par une Synagogue. Après nous avoir demandé si c’était notre premier séjour en Israël ( !), et s’être assurés que nous n’étions pas musulmans, les troupes d’occupation nous avaient souhaité la bienvenue. Quant à elle, une amie, professeur de français à l’Université d’Hébron, avait été menacée pendant plusieurs minutes. Son tort : avoir un passeport palestinien.
Le lendemain, nous avions tenu à nous rendre dans le quartier colonial de Tel Rumeida. C’est dans ce quartier qu’a eu lieu l’opération de la résistance palestinienne, donnant lieu à nombre de reportages où l’occupant a pris le rôle de la victime. Dans la rue, on pouvait voir plusieurs panneaux présentant cette « terre volée par les Arabes » « appartenant au peuple juif ». Le dernier panneau titrait sur la « libération de 1967 ». Dans la même rue, une affiche en hébreu appelait à tuer les palestiniens, ou à agresser les femmes enceintes pour empêcher des Arabes de naître.
Et notre rencontre avec Hashem, voisin d’un des leaders de la Ligue de Défense Juive (JDL), fut la preuve que l’action suit souvent la parole. Nisreen, sa femme fut à plusieurs reprises agressée lorsqu’elle était enceinte, ce qui a entraîné deux fausses couches. Hashem nous a raconté les tags haineux et racistes sur sa porte, les agressions physiques sur lui et ses enfants, les menaces de mort, le couvre-feu imposé de 2000 à 2003 qui l’a plongé dans le chômage et la pauvreté, et a fait fuir la majorité des palestiniens du quartier. Sur une vidéo réalisée par Hashem, on voit clairement les colons saccager des appartements, et agresser physiquement des enfants palestiniens sur le chemin de l’école. Ces images n’ont pas été considérées comme des preuves suffisantes lorsqu’il a porté plainte …
Contrairement aux observateurs de l’ONU, les colons d’Hébron ont le droit d’être armés. Une large majorité d’entre eux se reconnaît dans Shas, parti ultra orthodoxe au gouvernement, dont le « leader spirituel » a déclaré le samedi 29 août « Que tous ces méchants qui haïssent Israël, comme Abou Mazen (nom de militant de Mahmoud Abbas), disparaissent de notre monde ! (…) Que Dieu les frappe de la peste ainsi que ces Palestiniens méchants et persécuteurs d’Israël ! »
Aussi, il est avéré que l’attaque du Hamas était une représailles au mitraillage par des colons d’une dizaine de Palestiniens travaillant dans leurs champs. Si nombre de média ont cité le communiqué du Hamas, (quitte à, comme lexpress.fr, qualifier le communiqué de « lapidaire » …), la majorité des média occidentaux a volontairement omis ce fait et préféré donné la parole aux colons. On a ainsi entendu l’un d’eux affirmer au journal de France Culture que « [leurs] voisins, puisqu’ils ne veulent pas la paix, doivent aller vivre ailleurs. »
S’il est évident que des milices armées terrorisant la population ne sont pas de simples « civils », nous devons aussi rappeler que plusieurs résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale des Nations Unies recommandent à l’Etat israélien de se retirer des territoires occupés en 1967, y compris Jérusalem, et que le droit international public accorde aux peuples colonisés le droit de résister à l’occupation militaire, pour réaliser leur droit légitime à l’autodétermination … Comme l’avait écrit il y a quelques années le militant israélien Michel Warschawski, « le terrorisme, c’est à dire prendre des civils comme cible, est inacceptable, éthiquement et politiquement, et doit être condamné sans aucune ambiguïté », alors que « La résistance contre l’occupation, y compris par des actions militaires ciblant des objectifs militaires et des institutions de l’occupant, n’est pas seulement légitime mais, comme le dit, entre autre, la constitution américaine, “le plus sacré des devoirs”. (…) Et si les Palestiniens n’ont pas “le droit légitime de résister” à l’occupation, que doivent-ils faire ? Se soumettre à la politique de colonisation d’Ariel Sharon ? »
Une fois le terrorisme écarté, si les modalités de la résistance sont discutables, c’est donc plus d’un point de vue stratégique que morale. Et l’on ne peut se permettre de discuter les stratégies de l’opprimé qu’après l’avoir assuré de son soutien inconditionnel. Ce fut, par exemple, le principe des « porteurs de valise », ou des soutiens au Che, aux sandinistes, aux guérilleros du Chiapas, etc. Et c’est le fondement de l’action de nos camarades israéliens, fédérés au sein du collectif « Boycott from Within » (Boycott de l’intérieur).
Dans la réflexion sur la résistance palestinienne, la principale donnée à prendre en compte est l’accroissement de la division de la société palestinienne, instrumentalisée à merveille par Israël.
D’une part, l’Autorité palestinienne, composée du Fatah, de notables et d’intellectuels palestiniens, a pour but d’aboutir à la création d’un Etat palestinien par un processus politique de négociation. Sa volonté de mobiliser l’opinion publique internationale et sa recherche du compromis, et à la condamnation des opérations armées, qu’elle considère comme « contraire aux intérêts palestiniens ». Parmi ses compromis les plus décriés, on peut citer, depuis les accords d’Oslo, la coopération avec la police israélienne et la CIA pour endiguer la résistance armée, et le protocole d’Hébron, qui a entériné en 1997 l’existence des colonies.
D’autre part, le mouvement révolutionnaire palestinien (essentiellement composé du Front Populaire de Libération de la Palestine, du Front Démocratique de Libération de la Palestine, du Parti du Peuple Palestinien, et de l’aile militaire du Fatah) et les partis nationalistes religieux (Djihad islamique et Hamas) fustigent ce qu’ils qualifient de « trahisons » et de « collaboration ». C’est ainsi que le lendemain de l’opération d’Hébron, des colons ont été attaqués à l’est de Ramallah, le communiqué de la branche armée du Hamas qualifiant cette opération de « message à l’adresse de ceux qui ont promis aux sionistes que l’opération de Hébron ne se répèterait pas ». Plusieurs centaines de leurs militants et sympathisants venaient d’être arrêtés par la police palestinienne …
Et le fossé se creuse. Au moment de la reprise de la construction des « implantations » par l’association coloniale Yesha, les branches militaires de tous les partis ont annoncé la reprise conjointe de la lutte armée, pendant que l’Autorité Palestinienne annonçait un calendrier de négociation avec l’Etat d’Israël.
Par delà le « conflit israélo-palestinien », et le « processus de paix », c’est une bataille de l‘opinion qui se joue, au dessus de laquelle plane l’ombre de Camp David. Il y a dix ans, après avoir refusé un « plan de paix » qui ne disait rien du statut de Jérusalem, ni du droit au retour des réfugiés, et qui prévoyait de couper la Cisjordanie en trois, Yasser Arafat avait été accusé par Ehud Barak de « vouloir jeter les Juifs à la mer ». La version israélienne des négociations avait été relayée par les média du monde entier.
C’est pour cela qu’Hanane Achraoui, membre du Comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine, déclare à propos des négociations, « Je suis inquiète que cette décision ait été prise à contre-courant de l’opinion publique palestinienne (…) C’est la dernière chance, il n’y aura pas de direction palestinienne aussi souple que celle-ci (…) En tant que partie la plus faible, ce sont les Palestiniens qui seront accusés en cas d’échec. ».
Au-delà de la disproportion du rapport de force, l’incapacité des palestiniens à s’unir et à parler d’une seule voix risque d’être très préjudiciable …
Vivian Petit, le 06 septembre 2010
Messages
1. Colonisation, résistance et processus de paix, 6 septembre 2010, 19:25, par frank
Tout ce que vous écrivez est surement vrai, mais toutes les formes de terrorisme, fussent-elles d’état son condamnables et ces attentats, précisément sont destinés à tuer toute tentative de paix car le hamas N’EN VEUT PAS.
1. Colonisation, résistance et processus de paix, 6 septembre 2010, 19:31, par Vivian Petit
Quelle caricature ...
Voici un article intéressant sur le Hamas :
http://www.monde-diplomatique.fr/2007/01/DELMOTTE/14329
2. Belle plume !, 8 septembre 2010, 07:42, par Clem
Merci infiniment pour cet article de qualité !
Le terrorisme israélien et ses crimes de guerre ne seront pas indéfiniment dans l ombre.