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Communiqué des enseignants désobéisseurs de Paris
Publie le mardi 15 septembre 2009 par Open-Publishing2 commentaires
Communiqué des enseignants parisiens sanctionnés pour « abus de
liberté pédagogique » (15 septembre 2009)
Pour les 13 enseignants ayant refusé publiquement de mettre en place
l’arnaque de la pseudo « aide personnalisée », le rectorat de paris a
procédé à de nouveaux retraits de salaire jusqu’à juin, malgré toutes
les irrégularités de la procédure reconnue désormais par les tribunaux
administratifs.
A Montpellier comme à Marseille, le juge a ordonné la suspension des
retraits de salaire décidés par les IA, retenant comme motif «
lorsque l’agent, bien qu’effectuant ses heures de service, n’exécute
pas tout ou partie des obligations de service qui s’attachent à sa
fonction telles qu’elles sont définies dans leur nature et leurs
modalités par l’autorité compétente dans le cadre des lois et
règlements ; qu’en l’état de l’instruction, le moyen tiré de ce que
les modalités des obligations de service ... n’ont pas été précisées
est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de
la décision attaquée ».
C’est aussi tout un ensemble d’abus illégaux, illégitimes que nous
souhaitons soulever par le recours que nous avons déposé au Tribunal
Administratif de Paris, et, sur le fond, d’atteintes à la liberté
d’opinion inadmissibles, puisque nous l’avons constaté à plusieurs
reprises, c’est la liberté de critique de la politique gouvernementale
qui devient tout simplement intolérable pour le pouvoir.
Nous ne manquerons pas d’attaquer la confusion entre « service
non-fait » et « désobéissance hiérarchique » qui permet à l’IA de
sanctionner financièrement le fait d’organiser autrement les 60
heures.
Ainsi que l’a déjà jugé le Conseil Constitutionnel, une sanction
disciplinaire ne saurait être assimilée à une sanction financière.
Mais pour engager une procédure disciplinaire il faut un constat. Et
un constat qui atteste d’un manquement par rapport à la définition de
l’aide personnalisée, et de la non exécution d’un service défini. Or
le problème c’est que justement l’aide personnalisée n’a pas de
définition précise et que son cadre est l’objet de caractérisations
les plus floues et contradictoires ! C’est d’un côté du « temps
d’enseignement » et d’un autre côté ça n’est pas compris dans les 24
heures « d’enseignement » !
C’est du « temps scolaire » et à la fois « périscolaire » ! Est-ce du
« soutien », de l’aide, de l’aide « spécialisée », du renforcement,
de l’étayage…Et de quelle « difficulté » parle t-on ? Puisque c’est
bien là le cœur de l’amalgame et de la confusion qui vise à réduire la
complexité d’un problème qui dépasse l’école à la « solution »
simpliste énoncée par Darcos : « …nous voulons que les professeurs
consacrent deux heures aux élèves en grande difficulté, repérés grâce
aux évaluations. Ces enfants …..on va les aider à faire leurs
exercices. Pour ceux-là, le fait de réussir les exercices mécaniques
est beaucoup plus rassurant que toute autre méthode. "(débat avec
J.Lang)
D’où découle ce qu’annonçait Luc Ferry : "Les deux heures pour les
élèves en difficulté… les deux heures de soutien cela permet de
supprimer ce que l’on appelle les RASED, c’est-à-dire les réseaux
d’aide, de soutien dans les départements et cela fait économiser 8 000
postes."
Quand on parle de "difficulté", on renvoie à l’élève ce qui relève
d’une inadéquation ,on attribue à l’élève ce qui tient à la nature de
la relation ! mais désormais, la difficulté relève d’un traitement
unique. La question de la recherche de la modalité de l’aide disparaît
pour celle de simple reprise de ce qui est déjà fait. Bien plus, elle
signifie directement aux enseignants qu’ils seront de désormais seuls
face aux difficultés, là où justement ils réclament de l’aide et du
soutien pour des actions de prévention, médiation. Ne reste plus que
la perspective du "renforcement" pour ceux qui n’obtiennent pas "les
bons résultats", c’est-à-dire au fond en exerçant une violence
inutile, on produit très exactement l’inverse du résultat escompté.
On voit très clairement que ce dispositif est le pendant de la refonte
d’un programme scolaire redéfini par l’extension hégémonique et
contraignante de l’évaluation.
Ce choix des deux heures de soutien est aussi la conséquence logique
de la mise en place des "nouveaux programmes" et la façon dont ils
définissent de manière caricaturale la transmission et les contenus,
le modèle mythique du maître qui dispense un savoir et de l’élève qui
reçoit, déjà dénoncé en son temps par Montaigne dans ces mêmes termes.
Les "nouveaux programmes"imposés par le ministre sont fondés sur un
retour à ce schéma simple (excluant la réalité de l’apprentissage
comme expérience existentielle, activité de construction,
d’élaboration, de mise en relation, de confrontation, de changement de
soi, de transformation globale de celui qui le mène) qui pour être
vérifié doit opérer un ensemble de restrictions, de simplifications,
des contenus et des méthodes. L’essentiel se résumerait à : la norme,
la règle déterminent et permettent l’usage et il suffit de commencer
par les plus simples pour aller ensuite au complexe !
D’où la confusion entre enseigner et apprendre, qui va permettre à la
fois de sélectionner ceux qui sont en adéquation et les inadaptés, et
induit un rapport de pouvoir où se transmettent des contenus
fragmentés dont il suffit de contrôler la bonne acquisition, de
mesurer le résultat, pour juger de la réussite ou de l’échec.
Le slogan "retour aux fondamentaux" opère une confusion entre ce qui
est fondamental dans un apprentissage et cette vieille croyance qu’il
y aurait des composants élémentaires de la connaissance, qui de plus
constitueraient des préalables à maitriser, à connaitre, avant de
savoir !
Et c’est bien sûr tout autre chose que cette mécanique simpliste qui
vise à réduire les dimensions relationnelles constituantes du sujet en
apprentissage, à isoler ce qui constituerait un processus endogène
d’acquisition, de ses conditions, contraintes, de ses liaisons,
contextualisations sociales, subjectives que nous tentons de mettre en
œuvre dans nos pratiques.
Cela étant dit, le caractère politique de la répression des «
désobéisseurs » n’aura échappé à personne. Au moment même où les
opposants aux contre-réformes sont sanctionnés, d’autres sinistres
réactionnaires attachés aux méthodes archaïques simplistes et
indigentes, des adeptes de cette "pédagogie de l’abrutissement" dont
nous parle J.Rancière dans son ouvrage sur Jacotot, le maître
émancipateur, sont récompensés de la Légion d’honneur ! Alors que eux
sont des « désobéisseurs » notoires qui se sont vantés de ne pas
appliquer les programmes officiels sans jamais être inquiétés !
Notre opposition aux contre-réformes Darcos sur la question des
programmes, des évaluations, de base-élève, des EPEP doit emprunter de
nouveaux chemins collectifs qui puissent rassembler tous les collègues
qui se sont retrouvés sur la plate forme de l’AG nationale.
Nous appelons nos collègues à se retrouver en AG locales pour repenser
les modalités de la lutte.
Premier rendez-vous, le 17 septembre en soutien à Erwan Redon !
Messages
1. Communiqué des enseignants désobéisseurs de Paris, 15 septembre 2009, 19:13, par Nemo3637
Pour info, ci-dessous les rdv de rassemblements pour Erwan dans d’autres
villes, ce jeudi 17 septembre :
- Paris : rue de Grenelle près du ministère. A partir de 17h. A l’appel
des syndicats CNT (75, 78, 91 et 93) et Sud Paris.
- Lyon : 18h devant l’IA. A l’appel de SUD, CGT, CNT.
- Toulouse : 17h devant l’inspection académique. A l’appel de CNT 31.
2. Communiqué des enseignants désobéisseurs de Paris, 17 septembre 2009, 17:28
Il est révélateur de l’état d’esprit de l’administration que celle-ci méprise tant les décisions des tribunaux que les personnels.
Mais par ailleurs, le pourcentage des enfants de classes sociales défavorisées réussissant des études supérieures est faible. Plus faible qu’à l’époque où l’élève n’avait pas été placé au "centre du système scolaire"...