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Au conseil national des Verts, samedi, les ténors du oui ont fait entendre leur colère aux nonistes.
Par Alain AUFFRAY
Des vainqueurs discrets, comme embarrassés par leur succès. Et des vaincus offensifs, impatients de vider leur sac. Ce week-end, entre nonistes et ouistes, c’était, chez les Verts, l’heure du règlement de comptes. Dans une ambiance chargée de rancune, le conseil national interrégional du parti écologiste (le Cnir) a débattu, samedi, du « bilan » et des « perspectives » de l’après-29 mai. Paradoxalement, l’éloquence avait changé de camp. Frustrés par une campagne laborieuse, les partisans du oui ont fait entendre leur colère sous les applaudissements nourris de militants manifestement soulagés par la combativité des principaux ténors du parti, notamment de Dominique Voynet qui, après trois années de réserve, a manifestement décidé de s’intéresser de plus près aux Verts.
En face, les porte-parole du non ont paru moins inspirés que lors de la campagne. Ils ont laissé passer l’orage, tout en saluant la force du « message antilibéral » des électeurs verts qui, comme le confirment les enquêtes post-électorales, ont majoritairement dit non. Mais les débats de ce week-end ont démontré que le parti, représenté par son Cnir (le parlement des Verts), restait sur son oui. Si les Verts surmontent la fracture du 29 mai, ce ne sera donc pas sur la base d’un rapprochement avec la gauche du non, fût-ce sous la bannière de José Bové. Selon son habitude, le très consensuel secrétaire national, Yann Wehrling, a tenté de minimiser : pour lui, les Verts seraient « dans une logique de dialogue » avec les deux camps et sauront se rassembler derrière un projet d’alternative pour 2007.
Détricotage. Mais, samedi, l’humeur n’était pas au rassemblement. En tout cas pas pour les eurodéputés verts (Gérard Onesta, Alain Lipietz, Marie-Hélène Aubert et Jean-Luc Bennahmias), venus tout droit de Bruxelles où ils avaient assisté, consternés, au naufrage du Conseil européen. « Tout est enterré, on est dans le détricotage, se désolait Lipietz, l’Europe du "non", nous y sommes. Où est le grand mouvement social qu’on nous promettait, le plus grand depuis 1968 ? Ce sont les 3 500 manifestants du 16 juin (manifestation parisienne pour le respect du non, ndlr) ? » Minoritaire dans son propre courant, à l’aile gauche du parti, le député européen n’a pas eu de mots assez durs pour dénoncer ce « vote tragique » qui, en « réveillant le souverainisme », prive l’UE des « moyens d’imposer des règles aux marchés ». Selon lui, « la colère de ceux qui ont cru Fabius se retournera contre tous les politiques ». « Attention ! Il est beaucoup plus tard que nous le croyons : les Verts risquent de passer d’une relative inefficacité à une totale inutilité ! », s’est désolé Gérard Onesta, qui ne digère pas ce non dopé à « la démagogie » et qui a « libéré deux diables : le nationalisme et le libéralisme ».
Le mur. Sous un concert de huées, le leader du non au sein du collège exécutif, Patrick Farbiaz, a célébré le 29 mai, « un vote de gauche, proeuropéen », un vote dirigé selon lui contre les politiques communautaires « qui, depuis 1957, nous conduisent droit dans le mur du libéralisme ». Le même accueil a été réservé à Francine Bavay, élue d’Ile-de-France, quand elle a invité, « tous ensemble ! », ses camarades écolos à rejoindre ceux qui veulent « rompre avec les politiques libérales productivistes ». Elle s’est réjouie qu’un premier pas ait été fait en ce sens par la direction des Verts qui « a appelé » à la manifestation du 16 juin pour le respect du non. Yann Wehrling s’est empressé de corriger : « Non, Francine, nous n’avons pas appelé à manifester, nous avons simplement participé à la manifestation. » Nuance.
Pour Dominique Voynet, les partisans du non « auront à se justifier ». Elle reproche à Francine Bavay, alliée de campagne des communistes et des chevènementiste, d’« avoir donné une bouffée d’air à la première gauche, la vieille gauche souverainiste et écolo-incompatible, au détriment de la deuxième gauche ». Pour l’ex-ministre de l’Environnement, l’identité des Verts serait aujourd’hui bien moins menacée par des alliances avec le PS que « par ceux qui, par exemple, s’alignent sur les positions de la CGT sur la question de la privatisation d’EDF ». Ceux-là mêmes qui ont dit non avec Marie-George Buffet.