Accueil > D’ou vient le RSA ?
Le revenu, dit « de Solidarité active » est un projet de loi encore en devenir, censé entrer en application le 1er juin 2009 en métropole et le 1er janvier 2011 dans les DOM.
Il a été proposé en 2005 et porté notamment par Martin Hirsch, à l’époque président d’Emmaüs France. Il a été repris, en particulier, par le Parti socialiste et par Nicolas Sarkozy. Des expérimentations dans 34 départements et un dispositif d’évaluation ont été mis en place puis discutés dans le cadre du « Grenelle de l’insertion ».
Un « rapport d’étape » de cette évaluation a été publié : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/084000607/index.shtml ?xtor=EPR-526
Le rSa fait l’objet d’un projet de loi déposé le 3 septembre 2008 :
http://www.assemblee-nationale.fr/13/projets/pl1100.asp
Déclaré en urgence, il est débattu au Parlement depuis le 22 septembre.
Pour avoir des détails sur son parcours :
http://www.toutsurlersa.fr/documents/presentationrsa.pdf
Présentation par le gouvernement
Le revenu de solidarité active (RSA) est une allocation qui vise à remplacer des minima sociaux existants (principalement le RMI et l’API) et à se substituer à des dispositifs d’intéressement de retour à l’emploi comme la prime de retour à l’emploi (PRE) et la prime forfaitaire de retour à l’emploi.
C’est pour ceux qui ne travaillent pas un revenu minimum et pour ceux qui travaillent un complément de revenu.
Il serait surtout un moyen de garantir que le retour au travail procure des revenus supplémentaires.
Concrètement : une personne qui n’a pas de revenu du travail continuera de toucher comme actuellement l’équivalent du RMI. C’est le RSA à taux plein, parce qu’il n’y a pas d’autres revenus.
Une personne qui a de faibles revenus du travail, qu’elle soit ou non passée par le RMI, bénéficiera également du RSA, comme complément de revenu, dégressif au fur et à mesure que ses revenus du travail augmentent. Le montant qui lui est versé au titre du RSA est calculé pour que 62 % des revenus du travail qu’elle gagne restent dans sa poche.
Exemple
Laurent est célibataire et sans enfant : il travaille à trois quarts temps dans le bâtiment. Son salaire mensuel est de 771 euros. Il est éligible à la prime pour l’emploi pour un montant annuel de 876 euros. Il ne la percevra, au titre de 2007, qu’en 2008, sous forme d’un chèque du Trésor public. Avec le RSA, il percevra tous les mois 101 euros supplémentaires, il ne percevra donc pas de PPE en 2011 puisque le RSA est plus favorable. 101*12 – 876 = 336 euros par an.
Pour être équitable, le montant de RSA versé prend, en effet, en compte la situation familiale et l’ensemble des revenus de la famille. C’est une différence notable avec la PPE. Le revenu garanti, à revenu du travail équivalent, est donc d’autant plus élevé que les charges de famille sont fortes.
Il est beaucoup plus lisible que le système actuel, car il rend les revenus plus prévisibles. Il sera conçu de telle sorte que toute personne sache que quand elle gagne 1 000 euros de plus, il y a 620 euros qui restent dans sa poche, les aides qu’elle recevait ne pouvant alors pas diminuer de plus de 380 euros. Alors qu’aujourd’hui, une personne qui gagne 1 000 euros de plus peut voir ses aides diminuer de 1 000 euros.
Son coût a été évalué par Martin Hirsch à 2 ou 3 milliards d’euros. Le milliard que lui concédait le chef du gouvernement il y a quelques mois aurait constitué, selon lui, des « clopinettes ». Actuellement on serait un peu au-dessus de ce seuil, soit 1,5 milliards… [1]
Concernant son financement, plusieurs hypothèses ont été avancées. Tout d’abord, a été envisagée une réduction massive de la prime pour l’emploi. Au-delà des critiques que suscite la PPE, cette hypothèse a suscité un tollé. D’où des propositions récentes : taxer le capital ; plafonner les niches fiscales ; réduire le train de vie de l’Etat…
Qu’en penser ?
Pour analyser le RSA, on distinguera le « volet dépenses » (= l’allocation versée aux bénéficiaires) et le « volet recettes » (= les ressources envisagées pour son financement). Cette distinction obéit à des considérations pratiques et surtout à des raisons de fond. En effet, le principe républicain « d’universalité budgétaire » prévoit qu’il n’y a pas d’affectation automatique d’une recette à une dépense. C’est globalement que l’on doit considérer, d’une part les recettes de l’État et des autres collectivités publiques, d’autre part leurs dépenses et, par ailleurs, les autres recettes et dépenses d’intérêt général (budget de la Sécu et autres…).
Avant d’entrer dans cette analyse il est indispensable de rappeler le cadre dans lequel il s’inscrit :
Une politique économique et financière génératrice d’un chômage très élevé depuis une trentaine d’années.
Une politique de l’emploi qui consiste notamment à accepter la multiplication de « petits boulots » afin de diminuer le nombre de chômeurs « officiels ».
L’affirmation fallacieuse selon laquelle « les caisses » seraient vides, considérant qu’une politique budgétaire et monétaire différente serait impossible… La preuve est faite qu’il y a de l’argent avec l’ « injection » de fonds publics colossaux pour « renflouer » les banques !
La remise en cause des services publics, qui pénalise surtout les plus pauvres, et qui n’est pas prise en compte dans les indicateurs de pauvreté monétaire.
L’idéologie du « pas de charges supplémentaires sur les entreprises car cela menacerait la compétitivité de la France » ; cette affirmation, assénée par le Medef et largement relayée, conduit à reporter les dépenses, notamment sociales, sur les collectivités publiques et en premier lieu sur les collectivités territoriales ; en dernière instance la charge de la solidarité nationale reposerait sur les contribuables… à la notable exception de ceux qui peuvent échapper à l’impôt (entreprises et particuliers utilisateurs des paradis fiscaux et des « niches « fiscales », gros fraudeurs, bénéficiaires du « bouclier fiscal »…).
Pour ceux qui acceptent comme inéluctables ces prétendues contraintes et évolutions, la discussion sur le RSA amène généralement à le soutenir. Certains (dossier du Nouvel Observateur) avec enthousiasme. Ils souscrivent à ce projet avec deux arguments simples et apparemment incontestables :
on aide des citoyens en grande difficulté ;
on incite les chômeurs à reprendre un travail.
Ainsi, le RSA, dans son volet dépenses, est salué « à droite comme à gauche ». Les principales critiques de la gauche institutionnelle et d’une partie de la droite ont visé la taxe « sur le capital », qui pénalise principalement les petits et moyens revenus et exonère entreprises et particuliers très aisés. C’est en fait la politique fiscale passée du gouvernement qui est en cause, à juste titre mais on ne peut s’en tenir à ces observations bien limitatives…
Quelques esprits critiques impénitents et quelques syndicalistes (forcément grognons) font valoir diverses objections [2]]
Les premières, non négligeables mais relativement secondaires, sont des critiques qui portent sur les modalités d’adoption du RSA :
l’expérimentation n’a pas fait l’objet d’une évaluation sérieuse ;
l’examen en urgence par le Parlement ne permet pas un débat approfondi.
D’autres critiques portent sur le contenu même du projet :
on ne raisonnerait pas « à droit constant » (contrairement à ce qu’affirme le gouvernement) mais on en profite pour des remises en causes insidieuses (cf. notamment les critiques du Gisti) ;
les retraités, les personnes « éloignées de l’emploi » n’en bénéficient pas ;
les jeunes de moins de 25 ans, comme pour le RMI, n’en bénéficieront pas ;
la somme dégagée, 1,5 milliard, est très loin de ce qu’il faudrait.
Mais la principale objection est certainement la puissante incitation que porte le RSA à accepter des « bad jobs » [3] (petits boulots à temps partiel, voire très partiel, et à très faible rémunération). L’idée sous-jacente du volet « retour à l’emploi » du RSA est en effet double :
il y aurait des « offres acceptables d’emploi » dont, soi-disant, des paresseux ne voudraient pas ; ces offres d’emplois non satisfaites devraient être pourvues par tous les moyens afin de dynamiser l’économie ; ceci est globalement faux : en réalité, c’est l’offre de travail qui est insuffisante en France, en quantité et surtout en qualité ;
prendre un petit boulot, même au SMIC et à mi-temps, permettrait de mettre aux chômeurs le pied à l’étrier… Cela pourrait être parfois vrai, mais à condition de considérer cette démarche comme une étape dans un véritable parcours de réinsertion et de formation ; en l’absence d’une « sécurité sociale professionnelle » et d’un « statut du travail salarié », cette réinsertion risque fort de ne concerner que peu de personnes, parmi les plus « proches de l’emploi » et, même pour ceux-ci, de n’être que provisoire et précaire.
En résumé sur ce point :
avec le RSA, nombre de titulaires de minimas sociaux risquent de passer du statut de pauvres à celui de salariés pauvres (le nombre de travailleurs pauvres, qui a crû de 21% ces trois dernières années, est appelé à « prospérer ») ; [4]
ce qui est présenté comme une incitation à reprendre le travail risque fort de devenir une obligation d’accepter n’importe quel emploi ; c’est là une politique globale que le RSA accompagnera... s’il ne l’accentue pas !
et le RSA risque de constituer une « trappe à temps partiel et à bas salaires », ce serait là une aubaine pour des employeurs qui ne proposent que des emplois très médiocres … [5] et ceci au détriment des entreprises qui offrent de vrais emplois, ces dernière risquant même de disparaître, supplantées par les futurs « exploiteurs du RSA » !
QUELLES ALTERNATIVES ?
Ce n’est pas par quelques amendements que l’on aménagera le RSA, même si le travail parlementaire pour l’améliorer ne doit pas être méprisé.
Il est vrai que le retour à l’emploi ne doit en aucun cas conduire à une diminution des revenus d’un ménage. C’est, on l’a vu, le cadre politique de la politique française (et européenne) qui est en cause.
Les caisses sont soi-disant vides ; la politique monétaire de la Banque centrale européenne et les règles du pacte de stabilité interdisent, paraît-il, de dégager un ou deux milliards… MAIS on trouve plusieurs centaines de milliards pour financer la guerre en Irak et pour compenser les errements de la finance.
On se glorifie d’être descendus en dessous de 10% de chômeurs (officiels…) alors que ce taux était inférieur à 1% il y a cinquante ans.
On s’apprête, probablement, à brandir des baisses fallacieuses du taux de pauvreté alors que le nombre de travailleurs pauvres et de citoyens en difficulté augmenterait.
Au-delà du nécessaire renforcement des dispositifs d’action sociale et de formation…
Au-delà des nécessaires augmentations du revenu minimum, du salaire minimum et de l’ensemble des salaires…
…sortir de la pauvreté endémique suppose :
une grande politique économique et sociale ;
une rupture avec la mondialisation libérale et le libre-échange ;
la création massive d’emplois « décents » et socialement utiles ;
une politique fiscale qui sollicite les contribuables en fonction de leurs capacités contributives ;
des services publics étendus et efficaces ;
un « nouveau statut du travail salarié » qui permettrait aux travailleurs d’envisager l’avenir avec confiance dans un cadre dynamique et solidaire.
M-PEP.org
Notes
[1] Remarquons au passage que 3 milliards, c’est justement la somme qu’on a dégagée du jour au lendemain pour sauver la banque Dexia.
[2] Pour des analyses plus fouillées, cf. « Le mensonges du RSA » par Pierre Concialdi http://www.cidrolin.com/article-22538660.html La réponse de Martin Hirsch : http://www.toutsurlersa.fr/ Cf. notamment article de Jean Gadrey dans l’Humanité et de Clémentine Autain dans Libération.
[4] Signalons ici, sans le développer pour le moment, la superbe invention « hirschienne » du « taux de pauvreté ancré dans le temps », artifice très contestable destiné à présenter de manière plus favorable l’évolution du nombre de pauvres en France.
[5] Selon des défenseurs du projet, il n’y aurait pas d’effet d’aubaine car les entreprises ne sauraient pas qui est au RSA ; cet argument laisse perplexe : les « profiteurs du RSA » ne peuvent évidemment pas ignorer son existence ; ils en profiteront globalement pour peser sur les salaires à la baisse, sans qu’il leur soit nécessaire de connaître la situation personnelle de tel ou tel demandeur d’emploi…