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Carlo De Benedetti met fin aux rumeurs de rapprochement avec Silvio Berlusconi
de Jean-Jacques Bozonnet ROME
"Pourquoi je dis non à Berlusconi" : dans une lettre publiée à la "une" de La Repubblica , journal dont il est propriétaire, Carlo De Benedetti a voulu couper court, samedi 6 août, à une polémique qui enflammait la gauche italienne et le monde de la presse.
Personne n’ignore que l’industriel est l’ennemi intime de Silvio Berlusconi. Tout les oppose, en affaires, depuis le début des années 1980 ; leurs litiges ont animé, ces dernières années, la chronique judiciaire du chef du gouvernement. Tout les oppose aussi politiquement, puisque l’"Ingeniere" De Benedetti est l’emblème du capitalisme de gauche, actionnaire principal du groupe Espresso-Repubblica, dont les publications tirent à boulets rouges sur le "Cavaliere" Berlusconi.
L’information selon laquelle Silvio Berlusconi faisait partie des actionnaires d’un fonds d’investissements créé par Carlo De Benedetti à travers Cdb WebTech a entraîné, comme le reconnaît La Repubblica , des "malentendus" et des "spéculations" . Des élus de centre-gauche ont exprimé "incompréhension" et "réprobation" .
Mais la réaction la plus forte est venue des intellectuels de Liberté et Justice, un laboratoire d’idées anti-berlusconien, dont M. De Benedetti fut le fondateur. Ce dernier n’a pas dissipé le malaise en expliquant que cet accord financier ne changeait rien à son engagement politique. "Ce n’est pas vrai que l’argent n’a pas d’odeur , s’est emporté le politologue Giovanni Sartori, collaborateur de La Repubblica . Il y a beaucoup d’argent qui pue en Italie, et l’argent de Berlusconi pue aussi." Il a démissionné de Liberté et Justice.
L’affaire remonte à un dîner en avril entre MM. Berlusconi et De Benedetti. "Notre première rencontre depuis seize ans" , affirme ce dernier. Entre la poire et le fromage, ils auraient parlé du projet. Parmi les investisseurs intéressés, M. Berlusconi aurait demandé, "avec gentillesse" , pourquoi pas lui. M. De Benedetti déclare que c’est "avec la même simplicité" qu’il a répondu oui, preuve qu’"il ne pouvait y avoir ni accords, ni pactes" . Ceux qui ont parlé d’une "alliance" l’ont fait "par erreur" ou "par mauvaise foi" .
Apprenant que M. De Benedetti refusait son entrée au fonds, le président du conseil a "pris note, avec amertume, qu’il n’a pas résisté au massacre médiatique et politique qui touche quiconque entre en rapport avec Silvio Berlus coni" . M. De Benedetti explique sa marche arrière par sa volonté de préserver "le monde Repubblica, duquel personne, pas même l’investissement le plus avantageux, pourra m’éloigner" .
Politiquement, le rapprochement commençait à faire le miel des proches de M. Berlusconi. Le quotidien Il Foglio y voyait même "la fin de la guerre civile italienne" , fâcheuse interprétation au moment où se prépare la campagne électorale pour les législatives d’avril 2006. Dans un éditorial daté du 3 août, Ezio Mauro, le directeur de La Repubblica , avait rappelé tout ce qui sépare "le diable et l’eau bénite" . "Permettez au diable de répliquer" , a demandé le chef du gouvernement, dimanche 7 août, dans un droit de réponse à la "une". Chacun est rentré dans son rôle.