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Daniel Bensaïd, de la LCR, dénonce un traité sans marge de manoeuvre
Publie le mercredi 18 mai 2005 par Open-Publishing1 commentaire

Daniel Bensaïd, de la LCR, dénonce un traité sans marge de manoeuvre : « La gauche risque de perdre sur tous les tableaux »
de Christophe FORCARI et Hervé NATHAN
Daniel Bensaïd, philosophe et dirigeant de la LCR, répond à Toni Negri qui, dans Libération (le 13 mai), soutenait le oui à la Constitution au nom de ses convictions de « révolutionnaire réaliste ». Une opinion développée le même jour dans un meeting avec Daniel Cohn-Bendit et Julien Dray.
Toni Negri justifie son oui par la volonté d’en finir avec l’Etat-nation et de combattre l’empire américain. Comprenez-vous cette stratégie ?
Ses arguments sont étonnants : l’Europe serait progressiste puisque, selon lui, elle « dépasserait l’Etat-nation comme forme d’organisation des élites capitalistes ». Mais l’Europe, si elle aboutit, sera un nouvel Etat, plutôt un proto-Etat avec moins de pouvoir politique. Dans les faits, ce sera un despotisme marchand.
Surtout, les élites capitalistes d’aujourd’hui sont pro-Constitution, pour l’Europe telle qu’elle s’est faite et continuerait à se faire. Et il ajoute : « L’Etat-nation est le lieu d’organisation du marché. » Les bras m’en tombent ! Le marché aujourd’hui s’organise tout autant via les mécanismes européens, à commencer par la Banque centrale. En fait, les espaces s’emboîtent : nationaux, européens, mondiaux.
Toni Negri pense que pour balayer la vieille forme de l’impérialisme, il faut s’allier à la bourgeoise ?
L’argument de l’alliance avec la partie la plus progressiste de la bourgeoise est celui de tous les renoncements réformistes. Faire ainsi contrepoids aux Etats-Unis est illusoire, puisqu’il s’agit de copier leur modèle de régulation, et sans le pouvoir militaire en plus ! Il faut trouver une alternative au modèle américain : c’est là le vrai défi. L’adoption de la Constitution ne relance pas l’Europe sociale, c’est un passeport vers l’inconnu.
Donc pas question de payer un « tribut au libéralisme » ?
Mais qui le paiera ? Pas Toni Negri. C’est du machiavélisme au petit pied. La construction européenne, contrairement aux promesses, c’est toujours plus de chômage, de précarité et toujours moins de protection sociale. Si ce prix, conçu par Negri comme un pacte avec le diable, est payé par les peuples, l’Europe sera prise en grippe. Le projet européen, auquel je tiens, risque d’être subi comme une agression. Ce n’est pas un phénomène uniquement français. La démarche de Negri me paraît très idéologique. Il suit sa logique, en supposant qu’elle correspond à la situation.
Cette constitution sanctionne et pérennise vingt ans de contre-réforme libérale. Elle traduit certes le rapport de forces réel au sein de l’Europe. Mais nous ne le rétablirons pas en notre faveur en cédant davantage de terrain.
A contrario, le non permettrait ce renversement ?
Pourquoi Fabius s’est-il impliqué dans cette bataille ? Pas seulement pour des motivations politiciennes. Il a aussi des raisons tout à fait rationnelles. Dans l’hypothèse d’un retour de la gauche au pouvoir, celle-ci se retrouverait corsetée dans l’ensemble des contraintes européennes. Une victoire du oui l’empêcherait de mener une politique alternative au sein de l’Europe. Car desserrer l’étreinte, ce n’est pas seulement relancer les salaires et assouplir le pacte de stabilité. Il faut aussi avoir les moyens d’une telle politique. Par exemple, en reprenant le contrôle de l’outil monétaire, en développant les services publics. Ce ne sont pas de petits amendements. A défaut, la gauche risque de perdre sur tous les tableaux. Elle ne reconquerra pas son électorat avec une politique proche de celle de Bayrou.
Negri, Dany, « Juju » sur la même estrade, c’est montrer qu’on peut être radical et pour le oui ?
Toni Negri, Julien Dray et Daniel Cohn-Bendit constituent une brochette de soixante-huitards revenus de tout et surtout d’eux-mêmes. Au-delà de la mise en scène, ils expriment des convictions. Cohn-Bendit est réellement libéral et libertaire. Negri suit un raisonnement logique qui me paraît d’une abstraction désastreuse. Julien Dray est certainement sincère mais se situe plus dans la tambouille d’appareil. Il y a là un faisceau convergent, avec un petit côté triste.
http://www.liberation.fr/page.php?Article=297302
Dray, Negri, « Dany », et Machiavel pour le oui
Meeting commun pour le socialiste, l’altermondialiste et l’eurodéputé.
Par Hervé NATHAN
« Ce soir, on est en famille... » Dans la salle des fêtes de Saint-Michel-sur-Orge (Essonne), qui aurait besoin de quelques crédits européens, Julien Dray est bien chez lui, au centre de sa circonscription de l’Essonne. Mais la « famille », en l’occurrence, vise les orateurs. Julien Dray lui-même, député et porte-parole du PS, qui fut un jeune militant de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) dans les années 70. Daniel Cohn-Bendit, dont le parcours de leader de Mai 68 est entré dans l’histoire, et surtout Toni Negri, 71 ans, présenté comme « philosophe altermondialiste », mais qui fut surtout le théoricien de l’« autonomie ouvrière » lors des « années de plomb » en Italie.
Nique. « Cette réunion a un parfum de jeunesse », plaisante « Juju », qui ne cache pas, en privé, le but poursuivi : faire la nique aux « gauchistes », montrer donc qu’un oui est compatible avec la pensée de gauche radicale. Les « gauchistes » ou encore les « autonomes », que les organisateurs redoutent de voir perturber le meeting, d’où la présence de la police et d’un service d’ordre bien visible. Mais vendredi soir, les gêneurs sont restés à la maison...
« Ce soir, on ne discutera pas de tel ou tel article du traité », avait prévenu Julien Dray. En effet. Toni Negri est venu pourfendre « l’Etat-nation, la forme d’organisation des élites capitalistes » ou encore « le lieu d’organisation du marché ». Adopter la Constitution, c’est commencer à « bloquer la capacité du grand capital de s’organiser au niveau financier, militaire, communicationnel », et c’est surtout trouver le niveau de « puissance continentale » indispensable pour « s’opposer au processus de guerre » voulu par l’empire américain. Toni Negri s’emporte. Il s’écrie : « Mort à la patrie ! » Puis s’interroge : « Comment peut-on se dire communiste sans tenir compte du rapport de force mondial ? » Il propose à une salle interloquée de saisir une « occasion machiavélienne ». Explication : comme Machiavel, à la Renaissance, appelait de ses voeux un « Prince » pour faire l’unité de l’Italie au détriment de la République de Florence, Toni Negri « pense que l’Europe doit aujourd’hui, pour se construire, payer le prix au libéralisme ». La partie III du traité contient effectivement « les lois que les patrons ont faites entre eux ». Mais la dialectique reprend le dessus : « Le prolétariat a intérêt à s’allier à des capitalistes locaux pour contrer le capitalisme global. »
Métaphore. Daniel Cohn-Bendit choisit, lui, de développer une métaphore : l’Europe vue par l’historien en 2040. D’où il ressort, selon lui, que « le traité constitutionnel ne garantit rien, il ouvre des possibilités. Cet espace ouvert sera conquis par les forces de protestation ». Et d’assurer que « le premier geste du Parlement européen, sitôt la Constitution adoptée, sera de déposer un amendement pour l’Europe sociale ».
Trois heures après, l’assistance se sépare. Conquise par le niveau intellectuel des débatteurs. Mais un brin sceptique. « L’Europe grain de sable du capitalisme, résume un jeune homme, je ne voyais pas cela comme ça... »
Messages
1. > Daniel Bensaïd, de la LCR, dénonce un traité sans marge de manoeuvre, 18 mai 2005, 14:59
Negri - Dray - Cohn-Bendit, trois agents de l’impérialisme
Cohn-Bendit, propagandiste de plus d’une guerre ; Julien Dray devenu "Monsieur sécurité" du jospinisme ; enfin, Negri qui crie "mort à la patrie", et traite l’état-nation de "merde"... au nom de l’euro-nationalisme et de la défense du Traité Constitutionnel ! Le fameuse équipe de "personnalités" faussement "contestataires" venues nous vendre l’ "Europe". Faisons-leur un grand NON.
Le numéro grotesque du jour est sans doute cet article de Libé avec les frères Negri - Dray - Cohn-Bendit ou "le bourrage de crâne, nous voilà" !
Même si les deux autres savent en général "mieux y faire" et sont "plus haut placés", cette fois-ci Negri semble avoir été la vedette :
« l’Etat-nation, la forme d’organisation des élites capitalistes », « le lieu d’organisation du marché », « bloquer la capacité du grand capital de s’organiser au niveau financier, militaire, communicationnel »...
Le mot "bouffon" serait un euphémisme à l’égard de quelqu’un qui réclame la mort de l’ "état-nation" au nom de la méga-nation artificielle, expression concentrée du chauvinisme de super-puissance, qu’est d’ores et déjà l’ "Europe". Et qui, après l’avalanche de fusions industrielles et financières intervenue au cours de la dernière décennie à l’échelle européenne et euro-américaine, vient encore nous expliquer que "l’Etat-nation" serait "la forme d’organisation des élites capitalistes", etc... Soudain, ce Monsieur a oublié ce qu’est la mondialisation, ce qui constitue son essence même. Quant aux "marchés"...
La mondialisation est précisément la concentration à l’échelle mondiale du pouvoir des lobbies financiers, l’apparition de multinationales plus puissantes que les actuels Etats. Même la CNUCED le sait, depuis son rapport de 1999. Et c’est pourquoi les oligarchies cherchent à présent à adapter l’état, instrument de domination à leur service, aux actuelles dimensions mondiales de leur pouvoir et de leur hégémonie. Le TCE n’est rien d’autre qu’un pas décisif vers la mise en place d’un grand état continental européen, à 25 dans un premier temps (l’actuelle Union Européenne), ensuite à 45 (le Conseil de l’Europe, "de l’Atlantique à Vladivostock"). Après ce méga-état, ce sera la "gouvernance mondiale" sous la houlette des impérialistes occidentaux dont la tête est formée par les lobbies financiers anglo-US.
Mais justement, cette politique des milieux financiers, les Negri et consorts ne sont pas là pour s’y opposer mais pour la défendre. Dont acte.
Sortir de l’Europe