Accueil > De l’appropriation (quand la droite glisse invariablement vers son extrême)

De l’appropriation (quand la droite glisse invariablement vers son extrême)

Publie le mercredi 4 janvier 2006 par Open-Publishing
2 commentaires

de Jean-Emmanuel Ducoin

La coupure, sanguinolente et mortifère, qui sépare le peuple et ceux qui sont chargés de le diriger, a donc toutes les raisons de s’élargir en 2006. Jacques Chirac, samedi soir, n’a donné aucun signe pouvant laisser croire le contraire.

Sitôt énuméré quelques voeux pieux, le chef de l’État, pour sa onzième allocution de fin d’année, a tenté d’exalter les mérites d’une République patriotique sûre de son avenir. Évoquant la mondialisation, dont il faudrait ne pas avoir peur, il a rejeté en quelques mots ce qu’il appelle "les tensions et les interrogations qui traversent notre société", symbolisées - et pour cause - par le "non" au référendum et la révolte dans nos banlieues.

Bien sûr, nous croyons, comme lui, "en la France" et en ses potentialités humaines. Mais comment partager son optimisme ? Comment croire, oui, simplement croire en l’authenticité de ce qui fut dit, encore et encore ?

Les mots sonnent creux, ils sont éventés, dénaturés, dépouillés de tout crédit intellectuel. Quant aux véritables intentions, elles sont, hélas, archiconnues.

N’en déplaise à certains, la France est bel et bien en état d’urgence : mais dans tous les sens du terme et prioritairement en état d’urgence sociale ! En effet, les décisions politiques mises bout à bout depuis quelques années forment désormais un ensemble cohérent qui ne constitue pas seulement la mise en application de renoncements sociaux successifs au nom de la sacro-sainte "adaptation économique", mais servent bel et bien à la promulgation d’une République vendue à l’ultralibéralisme et aux idées régressives.

Nicolas Sarkozy, figure incarnée de ces dérives assumées, a raison au moins sur un point : quand la droite revendique ce qu’elle est, son épicentre idéologique glisse invariablement vers son extrême. Poussée par des forces telluriques disposant de moyens économiques et médiatiques considérables, la droite vit une sorte de révolution nationalo-libérale.

Face à ces spectres néoconservateurs qui oeuvrent pour pousser la déstructuration de ce qu’il reste du pacte social républicain, le peuple de gauche s’interroge. Et il y a de quoi. La bataille présidentielle a (déjà) commencé, or, l’organisation des partis politiques autour de cette seule perspective paralyse les dernières forces propulsives de nos institutions démocratiques. Les dérives d’une sorte de République du "monarque élu" tiennent aussi à la personnalisation à outrance d’une vie politique souvent contradictoire avec la vie "réelle".

Échapper à ce piège mortel réclame autant de courage que d’intelligence pour créer les conditions d’une alternative plausible à cette droite prête à tout. La gauche, dans sa totalité, est au pied du mur. Mais aussi face à son destin. Comme on le dit parfois, on sent l’histoire (avec un grand H) à portée de main. Encore faut-il s’en donner les moyens. Au fond, la question est simple pour 2006 : la gauche veut-elle construire un projet antilibéral pour changer vraiment la vie, acceptant enfin des ruptures fondamentales avec l’économie mondialisée telle qu’on veut nous l’imposer, et se rassembler pour y parvenir ?

Une partie de la réponse peut venir - ou non - du Parti socialiste qui demeure, comme chacun le sait, l’organisation pivot de la gauche. Mais cette réponse sera plus claire si les citoyens, comme ils l’ont fait le 29 mai, s’en mêlent. Que nous a montré 2005 ? Ceci : toute colère qui s’exprime, dans les urnes ou dans la rue, est déjà un pas "vers" la politique et son appropriation concrète.

Emploi, précarité, logement, santé, transports, école, droits du travail, etc. : quand on aborde les problèmes majeurs auxquels ils sont confrontés, nos concitoyens tournent rarement le dos. Si la France peut revendiquer une grande histoire sociale faites de luttes et de conquêtes admirables, ce fut toujours par la conjugaison du "politique" et du "citoyen".

C’est plus vrai que jamais : aucune transformation véritable de gauche ne se fera sans mobilisation sociale plus importante, sans l’implication de chacun pour l’inventer et pour la soutenir. Aucune alternative durable ne peut être en action, jusque dans les palais de la République, si la gauche politique, à commencer par le PS, ne se met pas en phase avec les aspirations sociales citoyennes. Pour éviter, une fois encore, l’espérance suivie d’une déception.

http://www.humanite.fr/journal/2006-01-02/2006-01-02-821008

Messages

  • D’accord , plus de second tour droite/droite comme en 2002 , et plus non plus de faux espoirs comme en mai 1981.
    et pour cela : union a gauche, et solutions réelles contre le capitalisme.

    jyd.

  • discussion au taf. elle est jeune, toute gentille, pas politisée : "ca manque quand même de policiers le soir dans le RER, dès fois je suis pas tranquille". J’ai beau lui dire que la répression n’est pas une solution juste un pansement, que dès que t’enlève le flic le problème réapparait. Rien n’y fera, c’est sa sensation de peur qui l’emportera.
    la morale a glissé a droite, et se traduit par des "vaut mieux mettre des flics partout". On est loin des années 80 ou la logique générale était "améliorons nos conditions, progressons socialement", combinée à la crainte que se mette en place un "big brother".
    C’est aux médias alternatifs de refaire glisser la morale vers une éthique plus humaine, et ça passe par informer, expliquer, etc., en priorité à des personnes non politisées. Le tout sans faire peur en agitant un drapeau rouge.