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Des ambiguités lues ici

Publie le mardi 6 juillet 2004 par Open-Publishing
7 commentaires


de clampin

Depuis plusieurs semaines des réactions agressives, parfois vulgaires, parfois stupides, viennent émailler les commentaires sur certains sujets traités sur ce site bellaciao. C’est surtout lorsqu’il est question de Cesare Battisti, de Bertrand Cantat ou de la libération acquise ou espérée (y compris par moi-même) des anciens membres d’Action Directe.
On a vu effacer des posts que le manque d’intérêt, la grossièreté, et la pratique massive justifiait certainement. Et puis, de temps à autre disparaissait du coup les supports contradictoires d’un débat pourtant fondammental.

Ce débat est celui de la moralité. Un terme qui choquera peut-être des esprits se prétendant libertaires.

C’est pourtant au nom de la moralité que vraissemblablement sont effacées certaines horreurs qu’on aurait du mal à regretter.
Mais quelle moralité ? c’est là la question.

La distance cybernétique de l’exercice en dessine une en demi-teinte, à la croisée de la défense des persécutés et d’une sympathie dramatique pour certaines dérives.
Au lire de certains posts comme de leur insistance, il me semble de toute façon un tort de refuser de répondre, de faire comme s’il n’y avait un débat important à mener.

C’est une commentatrice des nouvelles sur l’affaire Cantat qui a très justement fait remarquer que si ce personnage avait été un bannal beauf de droite, un individu ordinaire, on n’entendrait pas s’époumoner les gorges chaudes à défendre l’auteur de telles violences conjugales.
Au contraire, le vieux consensus du silence s’y appliquerait.

Au risque de choquer, il est tout aussi clair que si Caesare Battisti n’était pas gauchiste, et si l’on abordait l’affaire sur un autre plan que le politique, il y aurait beaucoup moins d’ambiguités.

Il n’y a pas de morale ambigue. L’ambiguité morale c’est l’absence de morale. Et les commentaires relevant une dérive à cet égard sont justifiés. Et méritent qu’on leur réponde.
Je ne veux pas dire qu’il faille abandonner des accusés à ceux qui les jugent ou ceux qui les ont jugés. Je veux suggérer qu’il n’y a rien de plus nocif que défendre une cause avec de mauvaises raisons. Ou pire, en croyant défendre une cause humaniste, y adjoindre un plaidoyer pour la barbarie.

Souvenons-nous de la déclaration des droits de l’homme de 1789 : elle stipulait : "la loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tout ce qui n’est pas interdit ne peut être empêché."

Cette référence permet de s’étonner d’abord de cette distorsion extrême entre le traitement des personnages publics et celui des innombrables méconnus ou inconnus broyés par la justice. Une distorsion qui conduit d’abord aux débordements évoqués, mais plus gravement à l’abandon d’un débat sérieux sur le système pénal et carcéral. Un système pourtant archaïque, monstrueux et osons le dire, aussi massif qu’inefficace.

Amis, je partage parfois avec vos détracteurs le sentiment de la partialité du traitement que vous réservez à certains sujets. Car autant j’abhorre le système des longues peines, le principe de l’enfermement total des prisons quand il s’applique à des personnes ne mettant pas en danger d’autres personnes, et le principe stupide de la pédagogie punitive, autant je trouve un tort extrême de défendre le terrorisme sous prétexte qu’il est de gauche ou d’ambition libertaire.

J’ai lu ici plusieurs défenses brillantes et claires des menaces contre Caesare Battisti, exprimées par ses avocats défenseurs, et desquelles il n’y a rien à soustraire et rien dont on ne puisse de désolidariser. Mais si certaines et certains connaissent personnellement Caesare Battisti, est-il si pertinent de le défendre en tant que particulier ?

Comment prétendre s’inspirer du respect de l’engagement français, et invoquer la véritable rupture de contrat social à laquelle reviendrait un déni du droit de Caesare Battisti à rester en France, et insister sur les aspect passionnels de l’affaire, revenir sur son parcours individuel, voire suggérer avoir affaire à une espèce de héros ? Autant comparer les barbaries respectives d’Action Directe ou des années de plomb en Italie avec les excès barbares des mafieux régnant sur la planète.

Or, aucune barbarie qu’elle soit d’Etat ou particulière, n’est défendable.
Devons-nous être comptables des abjections meutrières, suggérer qu’il y en aurait de plus légitimes que d’autres ? Ce serait ni plus ni moins que s’engager dans la voie du fascisme : argumenter sur le bien d’exercer sur autrui le droit du plus fort.

Pourquoi alors s’étonner de susciter en retour des commentaires extrémistes ?

Cette question demeure importante parce que nous voulons le changement et que celui-ci ne viendra jamais tant que nous ne nous accorderons pas sur des principes moraux clairs.

Le principe d’égalité de tous devant la justice en est un.
Le rejet de la violence comme argument est à situer sur le même plan.

Et les pénibles démonstrations de partialité lues au sujet de MM. Battisti et Cantat ou même de Nathalie Ménigon s’en éloignent.
Aux reculs du droit, à l’impunité cynique de délinquants comme Jacques Chirac, Sylvio Berlusconi ou de criminels comme Georges W. Bush et Vladimir Poutine, il est dramatique de s’opposer dans l’ambiguité.

C’est la justice que nous voulons ou le retournement de rôles entre les oppresseurs et les oppressés ?

Quand Bush prétexte d’une guerre contre le terrorisme pour piétinner le droit international en Irak et les droits de l’homme à Guantanamo, est-il raisonnable de formuler des arguties sur telle ou telle stratégie violente, en suggérant que ce soit le seul moyen par lequel à certaines époques, des minorités aient pu se faire entendre ?
N’est-ce pas plus utile de renforcer une vraie majorité contre tous les terrorismes ?
Celà d’autant qu’une telle majorité existe.

Il n’y a pas longtemps un correspondant ici m’a reproché de renvoyer dos-à-dos Palestiniens et Israëliens. Mon intention était au contraire de les placer côte à côte, à égalité en qualité de peuples ayant droit à l’auto-détermination et à la résistance à l’oppression. Dans le contexte actuel, je me demande comment cette exigence de traitement égalitaire a pu sembler s’exprimer au détriment du peuple palestinien, lorsqu’il est si manifeste que ses droits ne lui soient reconnus qu’occasionnellement, et d’une façon marginale. Il n’ y a qu’à faire le compte des résolutions de l’ONU enjoignant Israel de respecter ses frontières, et restées lettres mortes, pour imaginer le seul sens que puisse jamais prendre la revendication seule d’une justice équitable.

Il est temps de choisir si le droit de tuer est admissible dans un projet humaniste ou libertaire.
Pour ce qui me concerne il ne l’est pas, et si c’est pour construire une société où le meurtre est légitime, je considérerai n’avoir pas fait un bon choix en postant ici, car cela ne correspond pas à ce que j’appelle un projet libérateur.

On ne pourra pas juger les marchands d’armes et les auteurs de crimes contre l’humanité qui se réclament de la lutte contre le terrorisme en défendant le terrorisme, en légitimant certains crimes sous prétexte des désespérances qui les motivent ou de l’injustice à laquelle ils sont censés résister.
Et si on doit défendre Caesare Battisti c’est uniquement contre l’iniquité du sort qui l’attendrait en Italie et pour le respect du droit censé prévaloir dans notre pays. Je serais même tenté de dire qu’en cherchant d’autres raisons, en ce qui le concerne et concerne d’autres, on s’enfonce avec lui plutôt qu’on ne le défend efficacement.

Je suis d’accord pour combattre pour la justice avec vous. Je suis d’accord pour revendiquer le droit de toutes et tous à être jugé et traité humainement et équitablement. Je suis d’accord pour combattre avec vous contre l’arbitraire, l’impunité des élites mafieuses et des élites en général, pour combattre le recours exagéré et systématique à l’incarcération, et le recours inhumain aux longues peines.

Mais ne me demandez jamais de soutenir où que ce soit le pire des indéfendables, le pire des arbitraires : violence et meurtre.
Permettez-moi donc d’exprimer mon dégoût le plus profond pour les suggestions et commentaires lus ici qui allaient dans ce sens. Et ma perplexité devant le fait que censurant des commentaires -certes lourdingues- qui les critiquaient, ils n’aient pour autant pas subit l’examen qu’ils méritaient.

Messages

  • VIOLENCE, TERRORISME, PAIX, LIBERTE, RESPECT, MORALE

    Réponse de Bellaciao à la lettre de "clampin"

    http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=8041

  • L’EVENTRATION DU VIOLON : réponse libre et intuitive à celui qui se cache derrière le pseudo. CLAMPIN

    Réponse libre et intuitive à celui qui se cache derrière le pseudonyme CLAMPIN

    Par Franca Maï

    Quelle frileuse analyse digne d’une éclaircie décalée...Une coulée bien sirupeuse où l’alibi du mot « RESPECT » ne prend ses racines que s’il existe une harmonie.

    Lorsqu’en face d’un mur, les règles sont partiellement truquées, que la morgue et le cynisme ne sont que les biberons tendus d’office à nos bouches avariées, vers quel soleil se réchauffe-t-on ?

    Tendre la croupe, fournir la vaseline, sourire et dire Merci Monsieur, à votre bon respect !

    Il ne s’agit pas d’appliquer la violence pour la violence… seulement faire en sorte que les lois votées dansent au même rythme pour tous.

    Et si après un licenciement de trop, un être humain décimé se tire une balle dans la tête, ce n’est pas une conséquence de l’injustice subie ?... Non, clampin dans votre éthique moralisatrice vous l’associerez à un choix, en une âme et conscience…La fragilité du battement humain.

    Lorsque l’on éventre un violon, le sanglot égrène des miaulements désaccordés. Toujours. Sauf votre respect.

    http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=8128

  • Cesare Battisti : l’harmonisation européenne par le mauvais bout

    Communiqué du Syndicat de la Magistrature

    L’avis favorable donné par la chambre de l’instruction de Paris à l’extradition de Cesare BATTISTI ouvre la perpective d’une remise en cause d’une décision politique de la France qui a favorisé l’apaisement d’une situation de tension grave dans l’Italie de la fin des années de plomb.

    Cette décision s’intégre dans un contexte européen marqué par l’utilisation de la menace terroriste pour justifier le développement de procédures d’exception dont les principes sont ensuite étendus aux autres domaines du droit pénal. Enfin, cette affaire est exemplaire des difficultés posées par les choix d’harmonisation a minima opérées en matière de justice dans l’union européenne.

    Pas plus qu’il ne pouvait l’admettre à l’occasion du projet de réforme de la loi Perben II le Syndicat de la Magistrature ne peut accepter la perspective qu’extradé vers l’Italie Cesare Battisti ne soit pas rejugé alors qu’il l’a été en son absence, compte tenu des enjeux d’une condamnation en matière criminelle. Rappelons d’ailleurs que finalement le choix a été fait en France, au terme de la loi Perben II, de maintenir, en matière criminelle, le principe d’un nouveau jugement, même dans le cas où l’accusé absent aura été représenté à l’audience de la Cour d’Assise par un avocat.

    Paris, le 2 juillet 2004

    Syndicat de la magistrature

    BP 155

    75523 Paris Cedex 11

    Tél : 01 48 05 47 88

    fax : 01 47 00 16 05

    www.syndicat-magistrature.org

    http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=8068

  • MEMOIRES DES AVOCATS DE CESARE BATTISTI 1 commentaire(s) à cet article.

    MEMOIRES DES AVOCATS EN LIGNE SUR VIALIBRE :

    "Pour ceux qui souhaitent approfondir, et mesurer l’ampleur du reniement juridique, vous trouverez en pièce jointe les deux mémoires que nous avons déposés devant la Cour, et dont vous pouvez faire bon usage. I TERREL et JJ de FELICE"

    Je ne mets pas ces documents en pièce jointe pour ne pas encombrer les boites mails, mais vous les trouverez sur le site de vialibre5 aux liens suivants :

    Avocats mémoire I : http://www.vialibre5.com/memoire1.htm

    (ou memoire1.doc) : http://www.vialibre5.com/memoire1.doc

    Avocats mémoire II : http://www.vialibre5.com/memoire2.htm

    (ou memoire2.doc) : http://www.vialibre5.com/memoire2.doc

    De : I TERREL et JJ de FELICE

    http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=7992

  • BATTISTI : LA LDH DÉPLORE L’AVIS DE LA CHAMBRE DE L’INSTRUCTION

    La LDH déplore la décision de la chambre de l’instruction qui s’est déclarée favorable à l’extradition de Cesare Battisti.

    Cet avis fait fi des principes élémentaires de droit. Au-delà des recours qui seront engagés, il appartient d’ores et déjà au Président de la République de faire respecter la parole donnée par la France, afin que Monsieur Battisti et d’autres réfugiés italiens ne soient pas extradés.

    Depuis 24 mois, vous êtes 24000 à avoir signé la pétition en faveur de Cesare. Vous pouvez continuer à la signer et à relayer l’info auprès de vos amis et vos proches : http://www.mauvaisgenres.com/arrestation_battisti.htm

    De : LDH

    http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=7905

  • Pour faire simple disons qu’en 1789 la barbarie fût meurtrière et légitimé encore aujourd’hui. Il ne faudrait pas confondre la morale avec la politique des hommes qui je crois se base sur celui qui sera le plus puissant donc le plus fort pour diriger le monde par le pouvoir.

  • "Il est temps de choisir si le droit de tuer est admissible dans un projet humaniste ou libertaire."

    Je vous suggère de travailler en usine, de préférence au rendement pour évidemment
    le smig habituel.
    Puis, avant de mourir d’ennui, de silicose, d’intoxications diverses, de lassitude,
    et de "non-vie" posez-vous à nouveau votre bonne réflexion philosophique.

    Il est temps de choisir si le droit de se faire tuer est admissible pour satisfaire les projets de la bourgeoisie à laquelle vous appartenez malgré vos bonnes intentions.
    ( Ou avec).

    Il est urgent de réfléchir à la notion de légitime défense.