Accueil > Des centaines de sans-papiers cloîtrés à l’hôtel

Des centaines de sans-papiers cloîtrés à l’hôtel

Publie le samedi 25 septembre 2004 par Open-Publishing

C’EST UN HÔTEL discret, perdu sur les hauteurs de Savigny-sur-Orge. Inutile d’espérer y louer une chambre. Toutes sont occupées au mois, voire à l’année, par des sans-papiers ou des réfugiés en attente d’une réponse à leur demande d’asile.

Ils sont des centaines dans cette situation en Essonne. Un rapport que vient de réaliser l’Igas (Inspection générale des affaires sociales), estime à 250 000 le nombre de ces personnes en France à avoir vu leur demande d’asile refusée depuis 1998, et qui demeurent sur le sol français, dans l’impossibilité de respecter « l’invitation à quitter le territoire » que leur délivre le ministère de l’Intérieur. En résumé, l’Etat se transforme en une machine à fabriquer des clandestins. La plupart ont été placés dans ces hôtels par des associations, les frais de logement étant généralement pris en charge par les collectivités, conseil général en tête, qui payent parfois jusqu’à 1 500 € par mois une chambre dans laquelle s’entassent des familles entières.

« Une énorme hypocrisie ! » « Souvent, rien que d’avoir quitté leur pays les contraint à ne plus pouvoir y retourner, explique Jeanne Davy, responsable du comité CGT des sans-papiers de Massy. Ils ne peuvent plus faire marche arrière. Cela, l’Etat le sait. Mais il y a une hypocrisie énorme. On préfère payer des chambres à des tarifs exorbitants plutôt que de leur donner des papiers et le droit de travailler. » C’est là le coeur du problème. Légalement, tous ont interdiction de travailler sur le sol français. « Pourtant, au Cameroun, où j’étais technicien, j’ai travaillé quinze ans non-stop. Jamais une semaine de chômage ! », se désole Hodari *, 30 ans, arrivé en France il y a quatre mois avec sa petite fille de 6 ans, et qui a échoué dans un petit hôtel de la région d’Evry.

Parmi ses voisins : des Tchèques, des Roumains, des Congolais, qui vivent la même galère. Selon le rapport de l’Igas, l’hébergement de près de 6 000 familles serait pris en charge en France, pour une somme de 43 millions d’euros l’an dernier. En Essonne, en 2003, 11 000 nuitées d’urgence ont été attribuées par le conseil général, que ce soit pour des sans-papiers ou tout simplement des familles expulsées. « Nous avons payé jusqu’à 60 000 € pour une seule famille, explique-t-on à l’hôtel du département. Nous agissons au titre de l’aide sociale à l’enfance.

Il n’y a pas le choix. Nous ne pouvons pas les laisser à la rue, et le nombre de place dans les hébergements d’urgence est très nettement inférieur à une demande qui a explosé. » D’autant que dans la plupart des cas, avoir un logement ne suffit pas. Dans l’hôtel où loge Hodari, beaucoup n’ont que les associations caritatives pour manger et s’habiller. « On s’organise comme on peut, assure la réceptionniste. Malgré le règlement, on a créé une cuisine à laquelle ils ont accès. »

Depuis son arrivée à l’hôtel, il y a un an, elle a noté un net accroissement du nombre de familles de demandeurs d’asile placées dans son établissement. « Et c’est valable dans toute la zone, ajoute-t-elle. Même pour les hôtels haut de gamme. Les chambres sont occupées, et on est sûr qu’elles sont payées à la fin du mois... »

* Le prénom a été modifié