Accueil > Des recettes pour licencier plus vite
de Lucy Bateman
Du sur-mesure pour les employeurs : le ministre délégué aux Relations du travail,
Gérard Larcher, a transmis ce week-end aux syndicats et au patronat des pistes
de réforme du licenciement économique dont l’objectif affiché est de garantir « un
accompagnement sécurisé des mutations économiques, fondé sur l’anticipation et
le dialogue social ».
« Sécuriser », ici, signifie réduire autant que possible la part d’aléatoire
des plans sociaux, en bridant par un accord l’ensemble du processus et en réduisant
les possibilités de contestation par un juge. Les orientations sommaires du gouvernement
sont destinées à être transformées rapidement en projet de loi : les dispositions
sur les licenciements issues de la loi de modernisation sociale, suspendues en
janvier 2003, doivent entrer définitivement en vigueur le 4 janvier prochain.
Gérard Larcher, qui estime qu’elles avaient « inutilement alourdi les procédures en matière de licenciement économique », compte bien les abroger, après l’échec constaté en septembre des négociations sur le sujet entre syndicats et patronat. Il dit s’appuyer sur les « points de convergence apparus pendant la négociation », mais s’inspire largement des propositions que le MEDEF avait soumises aux syndicats.
Copie conforme
de Virville
Le pivot des orientations du gouvernement, c’est le fameux accord de méthode consacré, à titre expérimental, aux licenciements collectifs par la loi Fillon du 3 janvier 2003, en même temps que la suspension des articles de la loi de modernisation sociale. Mais alors que la loi Fillon réservait ces accords aux seules conditions de négociation du plan social, le gouvernement souhaite rendre possible un accord majoritaire de groupe ou d’entreprise, qui porte « tant sur la procédure de licenciement économique que sur les modalités de reclassement et sur le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) ». En somme, cet accord permettrait à l’employeur de connaître l’issue de la négociation (les moda-lités de reclassement et le contenu du plan social) avant de démarrer la procédure. Une façon d’interdire aux salariés d’améliorer le plan, et de permettre à l’employeur de connaître avec certitude la durée du processus. En l’absence d’accord, prévoit le gouvernement, ce sont les dispositions légales qui s’appliqueraient.
Autre facteur d’« insécurité » pour les employeurs : la contestation en justice du plan social. Gérard Larcher y veille en piochant une idée dans le rapport remis en janvier au gouvernement par la commission Virville. Il s’agit de réduire à six mois (Virville proposait deux mois) le délai pendant lequel cet accord de méthode peut être contesté devant un juge. Aujourd’hui, ce délai est de cinq ans. Mieux : si un juge déclare nul un plan de sauvegarde de l’emploi, les salariés licenciés ne pourront être réintégrés que si leur employeur est d’accord. Autant interdire purement et simplement la réintégration... « Les salariés n’auront pas eu le temps de discuter avant, et on leur ôte les moyens de contester, c’est purement et simplement une accélération des licenciements », estime Francine Blanche, secrétaire de la CGT.
« Sauvegarder » la compétitivité
Autre souci de Gérard
Larcher : la « clarification » de la définition du licenciement économique. Le ministre délégué entend y ajouter la prise en compte de la notion de « sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise », « conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation ». Pour Jean-Claude Quentin, de FO, « autant la compétitivité peut être discutée ou contestée par des institutions représentatives du personnel ou des syndicats dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi, autant dans le cadre des licenciements individuels cela permettra de licencier n’importe qui pour n’importe quel motif ». Les syndicats demandaient le statu quo sur cette définition déjà contestée, le MEDEF voulait aller encore plus loin en intégrant « l’amélioration » de la compétitivité. Le gouvernement annonce en outre qu’il maintient le seuil actuel de déclenchement des plans sociaux (au moins 10 salariés par période de trente jours), mais offre aux patrons, qui réclament sa hausse, un moyen pratique de le contourner : seuls les licenciements secs seront décomptés. Autrement dit, si un salarié a accepté une modification de son contrat de travail, comme par exemple une mutation ou un reclassement interne, il ne sera plus compté dans les effectifs qui obligent à déclencher un PSE. C’est une porte ouverte aux négociations individuelles, « alors qu’un salarié face à son patron n’a pas le choix », proteste Francine Blanche.
Du côté des salariés, « l’accompagnement sécurisé » est maigre. Tout en réduisant la protection accordée aux salariés licenciés par le Code du travail, Gérard Larcher prône, sans précision, une « meilleure association » du CE « aux décisions stratégiques de l’entreprise » et « l’obligation pour les entreprises de plus de 1 000 salariés de contribuer à la revitalisation des bassins d’emploi ». Il maintient le congé de reclassement prévu par la loi de modernisation sociale, et crée un « congé de reclassement personnalisé » qui n’est autre, pour Jean-Claude Quentin, que le rétablissement des conventions de conversion supprimées lors de la création du PARE.
http://www.humanite.presse.fr/journal/2004-10-12/2004-10-12-402192