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Des salopards heureux qui construisent des hôtels sur le Monopoly de la misère, !!!!!!!!
Publie le vendredi 16 novembre 2007 par Open-PublishingLe campement et la colère
Christine Boutin ne veut pas négocier avec les sans-logis de la rue de la Banque. L’écrivain Dan Franck est un de leurs soutiens.
Réalisé par Karl Laske
QUOTIDIEN : jeudi 15 novembre 2007
Dan Franck. « Rue de la Banque. Toutes les nuits depuis le 3 octobre, ils dorment sur le trottoir. A 21 heures, ils disposent les tentes, les bâches, les couvertures sur le pavé. Les CRS, campés devant la Bourse, s’approchent. Suit une lutte qui recommence plusieurs fois au cours de la nuit. Le but : s’approprier le matériel. Les flics tirent d’un côté, les familles et les amis du DAL de l’autre. Les uns gagnent parfois, les autres souvent. On leur avait apporté des tentes légères, on les avait signées pour essayer de protéger leurs occupants. Elles ont disparu. Les familles sont toujours là, trempées, transies, épuisées. Toutes les nuits depuis six semaines, elles s’endorment devant les bottes des CRS. Le matin, à 5 heures, les hommes partent travailler. Les femmes suivent, après avoir emmené les enfants à l’école. Ceux qui restent nettoient et préparent les repas. Le soir, tout le monde se retrouve. Et le rituel recommence : les bâches, les flics, les matraques, la nuit.
Que réclament ces 200 familles ? Un toit. Pourquoi n’en ont-elles pas ? Parce que c’est cher. Insalubre. Malhonnête.
Démonstration : nous nous retrouvons un matin avec Emmanuelle Béart, Valérie Lang, Patrick Pelloux. Les amis du DAL nous conduisent. Direction rue Jarry, dans le Xe arrondissement. Hôtel de France. Premier étage. Samira, Karim et leurs trois enfants (8 ans, 6 ans, 2 ans) nous attendent. Ils vivent là depuis dix-huit mois, et depuis sept ans dans des hôtels crades. Il est chauffeur de poids lourds ; elle, femme de chambre. Ils gagnent 2 100 € net par mois. Ils ne sont ni sans papiers ni sans travail. Mais leurs fiches de paie sont insuffisantes aux yeux des propriétaires. Alors ils sont là. Deux pièces minuscules. Dans la première tiennent un lit double, deux matelas superposés et un berceau. Pas de placard. La vue plonge sur une grosse gaine métallique qui grimpe d’étage en étage dans un paysage noir. Le rebord de la fenêtre, abrité sous un sac-poubelle, a été transformé en rangement à chaussures. L’autre pièce sert de cuisine, toilettes, douche. Réchaud par terre, électricité défaillante, souris dans les coins. L’hôtel s’appelle meublé. Il ne fournit ni les draps, ni la télé ni, bien sûr, les meubles. Rien. Pour combien, ce rien ? 3 100 € par mois. Charges comprises. Samira et Karim en paient un tiers, et l’ASE (aide sociale pour l’enfance), le reste. C’est elle qui dirige les familles vers ces logements inqualifiables. Impossible de refuser, sinon les prestations sautent. La vie est belle !
Josué, le voisin manœuvre, gagne 1 200 € par mois. Il en donne 785 au propriétaire de l’hôtel. Trente-six chambres. Racket à tous les étages. Ici, mais aussi en face, dans cette rue Jarry où les hôtels pourris pullulent – ils sont aussi légion derrière le périphérique, rue Sedaine où nous atterrissons, passablement dégoûtés. Là, M. et Mme Benakli Mourad vivent avec leurs huit enfants. Quatre pièces comme le caviar : peu et cher. 7 750 € mensuels pour une trentaine de mètres carrés.
On a vu pire, paraît-il. A l’hôtel Voltaire, rue Popincourt, heureusement fermé. Pour ce prix-là, on avait droit à trois pièces dont une cave. Grande, la cave : on logeait à six. L’Etat enrichit donc ceux qu’on appelle marchands de sommeil, et qui ne sont ni plus ni moins que des salopards. Des salopards sachant profiter de la détresse autant que des subventions. Des salopards qui construisent des hôtels sur le Monopoly de la misère, ramassant du pognon en attendant, espérons-le, le goudron et les plumes. Des salopards heureux : désormais, le bouclier fiscal les protège. »