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Deux cent mille à Milan. Hors programme de Prodi : "Il s’agira de cinq années de bon gouvernement"

Publie le lundi 1er mai 2006 par Open-Publishing

"Bella Prodi, ciao Silvio" 25 avril avec des sifflets à Moratti

de Claudio Jampaglia traduit de l’italien par karl&rosa

Le hors programme arrive après les discours, quand sur la place Duomo défilent encore les deux cent mille de ce 25 avril et qu’il commence à pluvioter, Romano Prodi prend le micro et répond à l’invocation de la place : "Dans cette fête pour nous tous, alors que je défilais, vous m’avez demandé de l’unité, bien sûr celle de notre coalition et celle de tout le pays, et le gouvernement que nous allons former d’ici quelques jours tiendra cet engagement. Vous m’avez demandé de gouverner pendant cinq ans : ce seront cinq ans de bon gouvernement". On lit sur une banderole : "Bella Prodi, ciao Silvio".

Le futur premier ministre demande de l’enthousiasme, de la confiance, de la participation et de la compréhension : "Il y aura des moments difficiles mais nous pourrons les dépasser ensemble à condition que l’esprit du 25 avril soit toujours avec nous". Un bel engagement, signé sur une place et à une date qui ne peuvent pas être plus républicaines et libératrices. Derrière, les journalistes deviennent fou à propos des sifflements aux représentants du centre-droit, devant, la foule applaudit satisfaite. Certains parleront de divisions et de fractures, de haines sur le terrain. Ils se trompent. Ce n’est pas le "no Berlusconi day" mais le 25 avril, la fête de tous les démocrates et antifascistes, du tricolore et de tous ceux qui luttèrent contre les nazis et les fascistes de Salo’, il ne faut pas l’oublier.

Parmi les drapeaux rouges, ceux de l’Olivier, les arc-en-ciel de la paix, un calicot comme une pierre : "Douleur de la mémoire, Auschwitz 1945". Devant le podium, les écriteaux noirs avec les noms des lieux de la déportation, au milieu un triangle de fleurs rouges où est écrit "it", le symbole des déportés italiens dans les camps de travail et d’extermination, il a été amené pas Giuseppe Naco De Zorzi, classe 24, ayant survécu à Dachau et à dix mois d’anéantissement. Dispersé le 8 septembre 1943, il refuse de servir la République de Salo’ en risquant d’être fusillé dans le dos et s’organise avec quatre amis pour quelques sabotages, il est pris par la Muti [unité mobile de l’armée de la République de Salo’, ndt], torturé, frappé par un coup de mitraillette à la main dont il porte encore la marque et chargé dans un wagon à bestiaux : "Près de Munich je suis arrivé à m’échapper, ils m’ont repris à Tarvis et déporté au camp : ma vie s’est terminée là-bas, je suis rentré en mai 1945, je pesais 30 kilos, vêtements compris". A ses côtés, Angelo Ratti, qui s’est retrouvé à Mauthausen parce qu’il allait déchirer la nuit, avec cinq autres amis, dont trois ne sont jamais revenus, les affiches et les bans de la République sociale italienne. Cela s’appelle mémoire. La même qui est invoquée par le fourgon de l’Opera nomadi avec des accordéons et quelques familles Rom : "La libération a été pour nous la fin de la guerre et de la déportation, c’ est notre fête".

Le 61ème anniversaire de la Libération est un cortège sans freins. Au centre, la fille aînée de la Résistance, la Constitution, et le rendez-vous référendaire de fin juin. Au début du corso Venezia se placent nombre de retraités de la CGIL qui arrivent à saluer Guglielmo Epifani (Savino Pezzotta arrivera lui aussi) avant d’être entraînes par la confusion habituelle du 25 avril. L’ANPI [Association Nationale des Partisans d’Italie, ndt] de Monza chante compacte en chœur, les bandes et les drapeaux ont du mal à se frayer un chemin. Qui est en tête ? Allez savoir. Des gens qui vont, des gens qui viennent, sur les trottoirs des ailes de foule. Il y a le Réseau des écoles "La Réforme Moratti et le maire ? Ne les mettons pas à la mairie" [Letizia Moratti, ministre de l’éducation du gouvernement Berlusconi, à l’origine de la réforme de l’enseignement, est le candidat maire du centre-droit à Milan, ndt], il y a les étudiants du Cantiere, les Jeunes Communistes, le Leoncavallo avec ses camions qui crachent des décibels des Clash et d’Ivan Della Mea, de Subsonica et de Bandiera rossa. Ceux de Rozzano rouge arborent un calicot tricolore : "Vive l’Italie libérée". "C’est à nous, c’est le drapeau des partisans", dit un jeune qui aura vingt ans.

L’Unione marche elle aussi compacte, avec Franco Giordano et Graziella Mascia, Antonio Di Pietro et Armando Cossutta, Luciano Violante et Alfonso Pecoraro Scanio, Nando Dalla Chiesa et tant d’autres autour du candidat maire de Milan Bruno Ferrante. Son adversaire, Letizia Moratti, avec son père ancien déporté en fauteuil roulant, est submergée par les sifflements et s’en va. Elle ne pouvait s’attendre à rien d’autre (hormis des insultes stupides) après avoir invité à ne pas défiler avec des drapeaux partisans. Mais cela sert au centre droit pour que les agences de presse en fassent toute une histoire : voila la haine de la gauche, la fête qui divise etc. Tout déjà vu, déjà entendu, déjà préparé. Plus antipathique et inconvenante la contestation du piquet des centres sociaux dans la Place San Babila à la Brigade juive, 5000 volontaires qui se battirent avec les partisans sur la Ligne Gothique, en Romagne. Ils défilent avec leur drapeaux blanc et bleu avec l’étoile de David, qui sera adopté ensuite par Israël, le 25 avril leur appartient aussi. Dommage, parce que le piquet antagoniste pour "la liberté pour les antifascistes" encore en prison après les incidents du 11 mars pour empêcher la manifestation de la Fiamma Tricolore avait été un succès.

Entre temps, Prodi arrive Piazza Duomo parmi les applaudissements et du podium alternent les interventions centrées sur la Constitution bouleversée, offensée, manipulée par la réforme du centre doit qui essaye de classer définitivement les fondements de la Libération. Un ADN vivant qui risque l’oubli, affirme Tino Casali,le président national de l’ANPI : "N’oublions pas comment et pourquoi l’Italie devint libre et démocratique, le 25 avril est un moment de vigilance attentive envers toute dérive nihiliste et fasciste, nous l’emportâmes à l’époque sur le fascisme, il s’agit maintenant de l’emporter sur l’indifférence". Et encore, Francesco Berti, le successeur d’Aldo Aniasi à la présidence de la FIAP, qui demande de lutter pour la "justice et la liberté", la mère et la fille de la démocratie. Le souvenir le plus historique est proposé par celui dont on ne l’attendait pas, Filippo Penati, le président de la Province de Milan, fils d’un partisan et neveu d’un déporté "passé par le chemin de Mauthausen" : "Ce 25 avril-là, la ville de Milan était poussiéreuse, rauque et en guenilles mais elle disait au monde qu’elle était libre et regardait le futur avec espoir". Trois générations sont passées et la "fête populaire" rappelle encore le même engagement et le même besoin d’unité." L’ "actualité de la leçon" des partisans est soulignée par Epigani : "Sans polémique, ce sacrifice fut décidé et choisi pour les autres, par pour ses propres intérêts matériels, il ne votèrent pas pour eux-mêmes, mais pour le bien commun de tout le pays et le pays prit son destin en main. La valeur unitaire du 25 avril est toute entière là, plus forte que ceux qui cherchent à diviser, que ceux qui espèrent que le temps effacera la mémoire et ces valeurs". "Tenons-la bien serrée cette date - conclut Virginio Rognoni, vice-président du Csm [Conseil Supérieur de la Magistrature, ndt] - sans rien enlever ni rien ajouter, comme le dit Pietro Calamandrei, si vous voulez savoir où est née la Constitution, allez sur les monts où sont tombés les partisans, dans les prisons où ils furent incarcérés, dans les champs où ils furent pendus, partout où est mort un Italien pour racheter la liberté et la dignité" ; "avec la pitié et le souvenir de tous les morts mais sans oublier qui combattait pour une cause juste et qui combattait pour une mauvaise cause, frontière ineffaçable de l’histoire républicaine". Partisans, toujours.

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