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Deux étudiants en lutte, expliquent pourquoi les étudiants se mobilisent contre la loi Pécresse.
Publie le mardi 4 décembre 2007 par Open-Publishing1 commentaire

de Théophile T. Eugène D.
Plaidoyer pour le mouvement étudiant
Vous entendez parler depuis quelques semaines déjà, d’étudiants en grève, de facs bloquées, de manifestations sauvages. On vous brosse le portrait d’étudiants manipulés, de glandeurs invétérés ignorant jusqu’aux raisons de leur colère. Laissez-nous vous répondre que vous vous trompez.
Imaginez. Il est sept heure du matin au mois de novembre. Vous avez passé la nuit à rédiger des tracts. Et vous allez rejoindre vos camarades au piquet de grève. Ce ne sont pas des jeunes gens rigolards que vous trouvez. Ce sont des mines fatiguées par la tension qu’implique la présence policière permanente aux portes de l’université. Et ce n’est pas une journée de jeux qui vous attend, mais une mission, celle de ne pas reculer.
La question néanmoins, n’est pas celle de la répression policière du mouvement. Il s’agissait juste d’insister sur les conditions éprouvantes d’une telle mobilisation. Nous sommes jeunes certes, et nous avons encore beaucoup à apprendre. Mais c’est parce que nous voulons continuer à apprendre que nous luttons contre cette loi. Il est important de vous souligner que toute assemblée générale comporte un débat considérable sur la loi elle-même. De fait, il est impossible qu’un étudiant participant aux AG n’en connaisse pas la teneur. Nombre de facultés ont également affiché ce texte. L’assemblée générale des professeurs de Paris I a voté le mardi 27 novembre le débrayage de leurs cours en faveur de tables de discussions et d’information autour de la loi Pécresse, sans compter les innombrables projections du film de Sauvons La Recherche, Les universités, le grand soir. C’est vous dire….
Mécenat et investissement
Laissez-nous vous dire simplement ce que nous rejetons dans cette loi, et pourquoi il nous semble important de ne pas déposer les armes. Précisons tout d’abord que nous ne crachons pas sur l’argent privé. Les entreprises veulent subventionner les facs, grand bien leur fasse. Ce qui nous gêne, c’est que les généreux donateurs aient voix au chapitre : la loi leur assure une place non négligeable au conseil d’administration (art.7). Il y a une grande différence entre mécénat et investissement. Feriez-vous confiance à une filière de développement durable financée par Total ? Les enseignants chercheurs préserveraient l’université d’une telle dérive, nous direz-vous.
Que nenni ! Grâce à cette merveilleuse loi (art.5 & 8), ce conseil, autrefois décisionnel et délibératif, n’est plus autorisé qu’à émettre des vœux, la belle affaire… De plus le corps des enseignants chercheurs ne sera plus uniquement constitué de fonctionnaires, élus par leurs pairs. En effet, (art.19) le conseil d’administration peut engager des contractuels en CDI ou CDD pour remplir ces fonctions. Autant dire que s’ils ne sont pas d’accord avec ledit CA, ils seront libres de prendre la porte. Mais rassurez vous, le risque est minime, puisqu’ils recevront des primes en fonction de la rentabilité de leur filière. Pour ce qui est des sciences humaines, leur sort est scellé. Et c’est vrai qu’on peut s’interroger sur l’utilité des doctorants en histoire médiévale quand la France entière a vu les Visiteurs à sa sortie ?
Même Dauphine n’y arrive plus
Mais ce n’est pas tout… Apprêtez-vous à mettre la main au portefeuille pour payer les études de votre progéniture. L’article 18, béni soit-il, instaure l’autonomie budgétaire des universités. Paris-Dauphine, pionnière en la matière, augmente ses droits pour la deuxième année consécutive. Son président annonçait avec une logique inattaquable, qu’il fallait bien trouver des fonds. Si la plus grande faculté d’économie et de gestion de Paris a du mal à trouver mécène, quel espoir pour l’UFR d’histoire de l’art de Marne-la-Vallée ? Et à ce titre, quid de l’égalité des diplômes entre les universités ? Car non seulement toutes n’auront le même budget, mais en plus elles seront tenues de publier leur taux de réussite aux examens et de chômage pour leurs diplômés (art.20). Depuis quand l’université a-t-elle pour vocation d’être une parodie des grandes écoles ? Nous nous permettons une petite parenthèse pour rappeler que l’université est un lieu d’apprentissage et de recherche, et non une filière professionnelle. Nous avons en France des BTS, IUP et autres qui remplissent ce rôle.
Finissons en beauté, si vous le permettez, avec l’article 32, qui cède la propriété des biens mobiliers et immobiliers aux universités. Certes, les bâtiments classés resteront protégés. Mais qui empêchera le directeur de Paris IV de vider la Sorbonne de ses étudiants pour transformer ces locaux en salon VIP ou en arnaque à touristes ? Cette loi veut transformer l’université sur le modèle de fonctionnement des entreprises. Et, Ô merveille des merveilles, la délocalisation a même été prévue !
Pour toutes ces raisons, nous suivrons les conseils d’Ezéchiel lorsqu’il disait : « Pousse des cris et des hurlements fils d’homme ! » (Ez XXI, 14-18).
Messages
1. Deux étudiants en lutte, expliquent pourquoi les étudiants se mobilisent contre la loi Pécresse., 4 décembre 2007, 21:41
Beaucoup d’intelligence et de sérieux chez les étudiants grévistes, car nous parents, nous avions bien compris ce qui se tramait derrière la loi Pécresse ! Ce qui est navrant c’est que la plupart d’entre vous se désintéressent de l’issue fatale de cette loi qui veut transformer ce haut lieu de recherche qu’est l’université, qui n’a pas vocation professionnelle sauf pour l’enseignement et les concours administratifs (plus pour longtemps d’ailleurs).