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Douste aux petits soins des blocs

Publie le samedi 31 juillet 2004 par Open-Publishing

Face à la fronde des chirurgiens, le ministre de la Santé annonce un « plan de sauvetage » pour une spécialité délaissée.

Par Eric FAVEREAU

Philippe Douste-Blazy est une éponge. Non sans habileté, il sent l’air du temps. Et là, il a vite senti le danger. Passé l’annonce (1), un rien caricaturale, de l’« exil » prochain de chirurgiens libéraux vers la Grande-Bretagne (Libération du 21 juillet), le ministre de la Santé a compris qu’il ne pouvait pas partir en vacances sans apporter un début de réponse. Jeudi soir, il a longuement reçu les membres du Conseil national de chirurgie, et, vendredi matin, il s’est engagé à mettre en oeuvre un « plan de sauvetage » de la chirurgie française pour répondre au malaise exprimé par la profession depuis le début de l’été.

« Misère ». « Notre volonté, c’est d’inverser la tendance actuelle pour que la chirurgie reste une discipline d’excellence et qu’elle contribue au rayonnement de la France », a détaillé le ministre. Qui a reconnu une véritable crise : « Elle aurait dû être traitée depuis longtemps. » Crise financière d’abord. Le prix d’un point de suture ? Une bagatelle : 10,45 euros. Un plâtre ? 20,90 euros. Et une rupture du talon d’Achille ? 84,18 euros. « Une misère », estiment les chirurgiens en choeur : à leur décharge, depuis plus de quinze ans, ils n’ont connu aucune revalorisation de leurs actes.

Crise symbolique surtout : la chirurgie a changé, les hommes aussi. Pas toujours dans la même direction. Les jeunes chirurgiens ne supportent plus les conditions de travail, la répétition des gardes, les contraintes d’emploi du temps, et les risques de procès. A l’heure des 35 heures, les nouveaux étudiants en médecine désertent cette discipline, hier reine de la médecine. Les chiffres de ce désintérêt sont ahurissants : ainsi, en 2002, à l’issue du concours de l’internat, en chirurgie générale et digestive, seuls deux étudiants ont choisi cette discipline à Paris. Aucun ne l’a choisie à Lyon, ni à Marseille. En 2003 et 2004, ce n’est guère mieux. Le déséquilibre est massif : 50 diplômés par an, alors qu’il en faudrait 125. Plus de 30 % des postes hospitaliers sont tenus par des praticiens contractuels. La chirurgie cardiaque ? En 2005, 30 praticiens en moins par rapport à 2004. Bref, des mains vont manquer pour opérer. Et les années à venir sont lourdes d’inquiétudes, l’âge moyen du chirurgien étant aujourd’hui de 57 ans.

Etrangers. Dans ces conditions, le défi est réel : comment faire pour que fonctionnent les 800 services de chirurgie existants en France ? Dans les années 90, pour pallier ce manque de praticiens, beaucoup de chirurgiens à diplômes étrangers ont travaillé en France, dans des conditions souvent médiocres. « On ne peut pas obliger les étudiants à vouloir être chirurgien. C’est tout un contexte à faire changer », disait un ancien ministre de la Santé. Les syndicats ont mis en avant trois types de revendications : une revalorisation des tarifs, la création de postes d’internes, la mise en place de passerelles entre le public et le privé et l’institution d’un moratoire sur les primes d’assurance.

Prudence. Le ministre a lancé quelques pistes, vendredi. D’abord, réunir les secteurs conventionné (secteur 1) et libéral (secteur 2), mais le ministre a précisé que ce processus prendrait du temps en raison de nombreux problèmes techniques. « Une nouvelle classification des actes chirurgicaux permettra une revalorisation des actes de 10 %» a-t-il ajouté. Philippe Douste-Blazy a, de plus, proposé un effort en faveur de la formation des internes. Et il a annoncé la mise en place d’une « cellule spéciale » chargée de se pencher sur la rénovation du « high-tech des blocs opératoires » et sur la rémunération et les diplômes des infirmières panseuses. Mais même lui, d’ordinaire toujours optimiste, se montre prudent, tant les tensions sont réelles : « Les négociations continueront dans la journée, dans la semaine et s’il le faut, tout le mois d’août. »

(1) 3 000 chirurgiens menacent de s’exiler symboliquement une semaine en Grande-Bretagne fin août et début septembre pour protester contre le gel des tarifs Sécu et la flambée de leurs primes d’assurance.

http://www.liberation.fr/page.php?Article=227647&AG