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" Drame de Clichy-sous-Bois : avait-on fait le maximum pour éviter ce drame ? SUITE "

Publie le vendredi 5 janvier 2007 par Open-Publishing

L’embrasement, fiction qui sera diffusée sur ARTE vendredi 12 janvier à 20 h 40, s’inspire du drame de Clichy.

Comme indiqué dans notre précédent article "Drame de Clichy-sous-Bois : avait-on fait le maximum pour éviter ce drame. Aspects techniques" (mis en ligne sur Bellacia le mercredi 3 janvier 2007 15 heures 38) nous estimons utile de verser quelques autres éléments au dossier de l’insuffisante prévention des intrusions de personnes dans les postes électriques.

Par ordre chronologique :
Voici les extraits du procès-verbal de la séance du 22 novembre 2005 (approuvé le 27 avril 2006) du CNHSCT d’EDF [note : RTE Réseau Transport Electricité, filialisé, ayant quitté récemment le périmètre de compétence de l’organisme] :
M. BOYER Secrétaire (CGT) du CNHSCT considère que la présence du RTE aurait été souhaitable ce jour, notamment en raison des événements survenus à Clichy-sous﷓Bois. Ont été demandés à RTE des éléments d’information concernant l’accès aux postes et les faits survenus à Clichy.
M. le PRESIDENT précise que le RTE a géré les événements survenus à Clichy-sous-Bois, au niveau du CHSCT local avec les représentants du personnel. Quant aux questions complémentaires sur ce dossier, RTE demande à ce qu’elles soient portées au niveau de la Direction de RTE.
M. GERBER (CGT) rappelle que la « Convention TENP (Transport Electricité Normandie Paris) - EGS Est Francilien », signée en 2005, acte que les clos et les portails sont propriétés de RTE. L’installation qui a électrocuté les deux jeunes, BOUNA et ZIED, et brûlé MUHITTIN appartient à EGD car c’est une réactance de 20 kV. Se pose la question de l’articulation entre les intrusions dans un poste source et les installations EGD qui se trouvent à l’intérieur. Il demande à la Direction que des contacts soient établis entre RTE et EGD pour que les deux CHSCT compétents puissent analyser les faits afin d’éviter que de tels accidents ne se reproduisent à Clichy ou dans d’autres postes RTE.
M. le PRESIDENT entend ceci, mais rappelle qu’il s’agit là d’un accident de tiers qui ne relève pas de la compétence du CNHSCT. Que les entités se rapprochent pour éviter ce genre d’événement, il l’entend bien, mais nous ne sommes pas sur un sujet concernant la sécurité des agents.
M. PASCAL (CGT) ne peut laisser dire cela : La Direction ne peut se cacher derrière cet aspect pour ne pas traiter ces événements. Lorsque l’agent EDF est intervenu, il a évité aux services de secours et à la police d’encourir des risques, en les empêchant d’accéder à l’intérieur de la réactance. Il estime que la compétence d’EDF est engagée, dès lors que des personnes entrent dans une enceinte qui, théoriquement, ne devrait pas être aussi facilement perméable. Au vu des éléments en la possession de la CGT, il mentionne l’existence d’une attitude laxiste par rapport à ce type de poste.
M. LE DIRECTEUR DU GROUPEMENT DE CENTRES ILE-DE-FRANCE (EGD) a bien noté la préoccupation en matière de protection des postes source, comme celui de Clichy-sous-Bois. Il y a des règles légales de protection des ouvrages, tels les postes source, sur le plan de la sécurité des tiers. Il assure qu’il a été fait constater la conformité du poste. L’enquête est en cours. A priori, le poste est conforme aux règles en vigueur.
M. PASCAL (CGT) tient à dire, au sujet des postes sources, que la conformité de la palissade à Clichy sera déterminée ultérieurement. Il a noté que les postes sources avaient été vérifiés et déclarés conformes. Il pense que le CNHSCT a un rôle à jouer […] dans ce cadre, même si la protection de tiers ne relève pas de sa compétence. Devant un risque majeur de pénétration dans une enceinte, il lui appartient, en lien avec les CHSCT, de mettre tout en œuvre pour que ces intrusions ne soient plus possibles. Il rappelle qu’il était question de supprimer le poste à Clichy-sous﷓Bois, mais que cela n’a pas été fait et que, depuis, deux enfants ont été tués. Il a également relevé que de nombreux postes de ce type existaient dans toute la France et qu’il serait donc nécessaire de mener une réflexion à ce sujet. Il tient à dire que la Loi est le minimum en dessous duquel on n’a pas le droit d’aller, mais elle n’interdit pas de faire mieux.
M. CHAMPETIER (CGT) ajoute que cela fait partie de leurs engagements dans le cadre de leurs missions de Service public.
Mme MAIRESSE (CGT) déclare au nom de la CGT : comme par le passé, lors de situations dramatiques vécues par nos agents, par nos sous﷓traitants, à partir de drames ayant trait à la sécurité de tiers, nos pensées vont aux victimes. Aujourd’hui, nous pensons aux jeunes Bouna Traoré et Zied Benna, décédés, ainsi qu’au jeune Muhittin Altun, gravement blessé. Nos pensées vont aussi vers leurs familles et leurs proches. […].
Pour M. MONFORT (FO) […] le fait de voir simplement si la loi a été respectée ne lui paraît pas satisfaisant, puisqu’il considère qu’il est tout à fait anormal que des enfants ou des adultes puissent, sans difficultés, accéder à l’intérieur d’un poste et décéder ensuite. Il souhaite que des conclusions en soient tirées afin de mieux protéger ce style de poste par un système de protection efficace.
M. BOYER Secrétaire (CGT) : quant à la protection des postes sources, il a appris que certains d’entre eux possédaient des alarmes spéciales, appelées "périmétriques" et se demande s’il ne serait pas judicieux d’en équiper des postes tels que celui de Clichy-sous﷓Bois. Il sait que des priorités existent à ce sujet et souhaite avoir des informations complémentaires. Il regrette que la Direction de RTE ne soit pas autour de la table pour leur amener des éléments d’information."

L’Affaire de Clichy : les thèses défendues par les avocats de la partie civile (familles des victimes)

Jean-Pierre Mignard et Emmanuel Tordjman ont publié L’Affaire Clichy. Morts pour rien (Stock, février 2006, 180 pages, 14, 50 euros), un ouvrage riche d’humanité.
Nous ne relevons ici que les quelques éléments ayant trait à la perception des deux avocats de la protection du site…
Les avocats des parties civiles des familles Traoré et Benna, parents de Bouna et Zyed, et de Muhittin Altun et sa famille, nous livrent leurs analyses sur les circonstances de l’accident survenu au sein du poste électrique RTE-EGD de Clichy-sous-Bois (les auteurs l’appellent le transformateur EDF) le 27 octobre 2005 à 18 heures 12.
La thèse développée par Jean-Pierre Mignard et Emmanuel Tordjman, à l’appui de la recherche de responsables de la qualification pénale de non assistance à personnes en danger « ou d’une qualification plus grave encore » (page 157), est que des policiers ont organisé une course-poursuite voire une souricière, obligeant les trois jeunes à se réfugier « dans le périmètre interdit d’un transformateur électrique » (page 11). S’étant aperçus de l’intrusion, les forces de l’ordre n’auraient rien fait pour les alerter du danger encouru, pour donner l’alerte et ne leur aurait pas porté assistance et secours. Les trois jeunes auraient été « abandonnés à un sort funeste. Des policiers les ont vus y pénétrer. Eux, moins que personne, ne pouvaient ignorer la dangerosité de l’endroit. Rien, pas même le minimum, n’a été entrepris pour les alerter. Rien n’a été fait pour les protéger et a fortiori les récupérer. On n’a fait que les affoler. » (page 151).
« On se dit que la police ne court pas après des gens pour rien, qu’elle ne les pourchasse pas sans motif, sauf en cas d’extrême urgence ou de grand danger… Mais le seul grand danger à Clichy-sous-Bois, c’était que des adolescents pénètrent dans un site électrique, au risque d’un péril mortel. La justice dira le moment venu ce qu’il convient d’en conclure. » (page 59). « C’est la question qui est au cœur de cette affaire : celle de la non-réactivité des fonctionnaires de police face au danger encouru par les jeunes. Ce sera l’enjeu de l’information judiciaire. » (page 107).
Pour étayer leur thèse, les avocats expliquent que les murs de l’enceinte sont « hauts », voire « très hauts » : « ils vont en effet courir pour échapper aux policiers. C’est ainsi qu’ils vont être amenés, finalement à escalader l’enceinte EDF [à partir du cimetière]. Les murs sont hauts. Ce sont des enceintes de protection. Des barbelés les surmontent. » (page 49). Lors de visites sur place, les avocats écouteront le récit du jeune rescapé : « éberlués […] nous l’écouterons nous expliquer comment ils y sont parvenus. C’est très haut, il fallait qu’ils aient vraiment peur pour y arriver. » (page 49).
Les avocats considèrent « acquis qu’il était extrêmement difficile de pénétrer sur le site. On peut en déduire qu’il était extrêmement difficile d’en sortir. » (page 107).
Haut, oui mais quand même franchissable, puisque Muhittin, bien que gravement blessé, réussit à escalader les parois en parpaings creux pour s’extirper du local réactance, puis « fait le chemin inverse, réussit à enjamber seul le mur » à hauteur du cimetière pour aller chercher de l’aide.
Les avocats ignorent si les jeunes ont prêté une quelconque attention aux panneaux avertissant du danger lorsqu’ils escaladent le mur d’enceinte vers 17 heures 30. « Il y a plusieurs signaux pour avertir du danger : des têtes de mort et des panneaux. […]. On ne sait pas si Zyed, Bouna et Muhittin voient tout cela. » (page 49).
« Si la note de l’Inspection générale des services (IGS) [remise le 3 novembre 2005 aux familles, aux avocats et aux médias] indique les trois jeunes sont entrés dans l’enceinte du transformateur ‘en connaissant le danger potentiel’… Muhittin Altun affirme aujourd’hui le contraire. » (page 107).
« Une fois à l’intérieur du site, ils naviguent, zigzaguent. » (page 49). « Que raconte Muhittin sur l’accident lui-même, une fois qu’ils sont à l’intérieur du site EDF ? Eperdus, ils zigzaguent à l’intérieur. C’est d’ailleurs le signe de leur méconnaissance du site. Il nous dira avoir couru en plein milieu du site pour rechercher un abri. Puis il nous montre avec son doigt un bâtiment administratif où Zyed, le premier, aurait voulu pénétrer. Il était fermé et c’était impossible d’y rentrer. Mais, nous dira Muhittin, on entendait des sirènes tout près, tellement proches qu’ils pensaient que les policiers allaient rentrer sur le site. Affolés, ils courent vers le premier local qui se présente à eux, la réactance. » « Ils cherchent à se cacher. Ils vont escalader la porte avec autant de difficultés que d’efforts. » « Même à l’intérieur de la réactance, Muhittin nous dit qu’ils se mettent au fond au cas où les policiers rentreraient et ouvriraient la porte. Ils ne savent pas que c’est l’endroit le plus dangereux. » (pages 141-142). « Muhittin a été sauvé parce qu’il n’était pas au même endroit que Zyed et Bouna dans la réactance. Cà s’est joué à quelques secondes près. Au moment où lui était sur le côté, les deux autres se rapprochent, il y a une sorte de boule de feu. » (page 144).
Les avocats pointent un autre problème, soulignant que « les sapeurs-pompiers de Clichy sont en effet intervenus pour tenter de sauver les deux victimes dans des conditions totalement nouvelles et très risquées pour eux. » (page 124). Muhittin a remercié les pompiers.
Les avocats ne mettent en cause ni EDF (RTE-EGD) ni les agents EDF : « un technicien d’EDF, alerté par la seule panne de courant, s’était mis en marche vers le site électrique. » (page 50). « Après l’électrocution et la panne de secteur, un technicien EDF s’est immédiatement mis en route. » (page 108), sans toutefois savoir qu’il y avait eu électrocution."

D’autres voix de journalistes se sont élevées :

Dans l’édition nationale d’Aujourd’hui en France et dans les éditions départementales du Parisien du 8 novembre 2006 Gwenaël Bourdon a publié un article : "Enquête. ’Le drame de Clichy était prévisible’. Et Benoît Chaumont a réalisé et diffusé sur itélé (canal +) un reportage sur le même thème. Les images parlent d’elles-mêmes...

Vous pouvez consulter le blog de Thierry GERBER, membre CGT du CNHSCT d’EDF : http://violences-stop.over-blog.com ... qui traite des agressions physiques des agents du service public de l’énergie. Ces articles, ainsi que deux photographies du poste RTE-EGD y seront bientôt mis en ligne.