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"Drame de Clichy-sous-Bois : avait-on fait le maximum pour prévenir ce drame ? Aspects techniques"

Publie le mercredi 3 janvier 2007 par Open-Publishing

Soulignons tout d’abord que très peu de journalistes se sont interrogés sur la "facilité" avec laquelle les trois jeunes Bouna, Zied et Muhittin ont pénétré sur le site EDF de Clichy-sous-Bois. D’habitude, lorsqu’une grue d’un chantier s’abat, lorsqu’un manège forain est à l’origine d’un accident, lorsqu’une remontée mécanique pose problème, etc. de nombreux journalistes examinent les conditions de fonctionnement, l’efficacité des normes en vigueur...

Y a-t-il eu, en l’espèce, des consignes du Gouvernement, du Préfet, des Directions d’EDF (Electricité de France) et de RTE (Réseau de transport d’électricité, filiale d’EDF) pour éviter toute investigation d’ordre technique ? Dans un contexte où EDF transformé en société anonyme avait lancé une campagne sur l’ouverture de son capital, la souscription d’actions et sa prochaine mise en Bourse ? Le déclenchement rapide d’affrontements ainsi que d’incendies et de dégradations volontaires de biens a eu pour effet d’empêcher de telles recherches, décentrant aussitôt les centres d’intérêt des médias.

Quelques voix ont brisé ce silence posant plus ou moins directement cette question : la prévention des intrusions était-elle suffisante à Clichy-sous-Bois ? Pouvait-on efficacement porter secours à ces jeunes ? Le 28 octobre 2005, sur TF1 à 13 heures, un jeune adulte qui souhaitait conservé l’anonymat, a critiqué EDF en déclarant : "EDF ne doit pas laisser un truc comme ça...", sous-entendant que cet espace est trop facilement accessible.

Le Parisien du 30 octobre 2005 (page 3) mentionne les propos de l’avocat Jean-Pierre Mignard sur "la lenteur des secours" qui dépose "une plainte large, qui, selon lui, permettrait d’établir les responsabilités de chacun notamment de la police, mais aussi des pompiers, voire de l’EDF." Un journaliste de TF1, évoquant la marche silencieuse du samedi 29 octobre 2005, parle de colère "contre la police et EDF. "Colère contre EDF, au mur si facile à escalader", puis vient dans le reportage la déclaration d’un homme présenté comme un parent du jeune Bouna, s’exprimant en malien, la traduction étant réalisée par un homme d’origine africaine : "il dit que c’est inadmissible de laisser une structure sans aucune sécurité dans une ville où il y a beaucoup d’adolescents" (TF1 journal de 13 heures).

Yves Jégo (UMP), invité par Karl Zéro lors de l’émission Le Vrai Journal le 6 novembre 2005 déclare : "pourquoi la centrale EDF était si accessible ?" Dans un reportage qui suit, on voit qu’un jeune réussit facilement à passer entre le haut du mur et en dessous de la première ligne de barbelés. Le mur formé de plaplanches suit la pente naturel du terrain, ce qui crée des "triangles" facilitant le passage. Puis quelques jeunes accusent des policiers de ne pas avoir prévenu EDF : "ils auraient pu prévenir au moins EDF... c’est nous qui les avons prévenu" et soulignent : "ils ont fermé l’accès pour que les journalistes ne puissent pas voir". Dans le Monde du 8 décembre 2005, la journaliste Ariane Chemin écrit : "pourquoi, ce jour-là, les policiers n’ont-ils pas appelé les pompiers ou la direction d’EDF afin de les avertir que des enfants leurs semblaient avoir franchi le mur d’enceinte du site électrifié ?"

Elle indique aussi : "la responsabilité des policiers et de la centrale EDF. [...]. Dans un procès-verbal de déplacement à la centrale EDF, le 30 octobre [2005], un commissaire de la pJ détaille les moyens d’y accéder depuis le terrain vague. ’Le cheminement (...) ne comporte aucun obstacle le rendant impraticable, la clotûre EDF présente trois points de passge possibles.’ Par exemple, note le policier ’au droit du mur de soutènement du cimetière (...), il est aisé de monter sur ce mur, qui permet alors d’être à la hauteur du sommet de la clôture EDF, laquelle, à partir de ce point, ne comporte plus de barbelés’."

Plus récemment, dans l’Humanité du 9 décembre 2006, interrogeant l’avocat Jean-Pierre Mignard à propos du contenu du rapport de l’IGS, le journaliste Laurent Mouloud écrit : " Jean-Pierre Mignard : lorsque les garçons rentrent sur le site, il est 17 heures 36. La mort survient à 18 heures 12. Ce laps de temps a été perdu. Or, les agents EDF auraient pu entrer sur le site, parler aux enfants, les mettre en garde. C’était une chance. Malheureusement, dans cette situation, c’est de la non-assistance à personne en danger." Le rapport de l’Inspection général des services (IGS Police nationale) indiquerait : "L’étude de la chronologie des faits met en évidence le fait que si EDF avait été avisée au moment où le gardien de la paix G. constatait que les deux jeunes étaient susceptibles d’entrer dans la centrale, les agents EDF seraient intervenus un quart d’heure avant que ne se produise l’accident, (...) l’urgence aurait voulu que fussent appelés les services d’EDF". Néanmoins, selon les enquêteurs de l’IGS, "l’intervention des agents EDF n’aurait pas, à coup sûr, évité l’accident."

Posons les problèmes : Par où sont passés les trois jeunes, plusieurs versions ont court. Vu la configuration des lieux, il existe plusieurs points de passage. Lequel a été emprunté ?

Les CHSCT ne sont légalement compétents que pour la sécurité des salariés, ils n’ont pas de compétence sur la sécurité des tiers, quant ils en parlent, on les envoie dans les cordes !

Au cours des années 1997-1998, des intrusions de jeunes avaient été constatées. On avait envisagé un temps de réhausser les murs d’enceinte et de réparer le mur près du cimetière. Cela n’a pas été fait, seuls quelques graffs avertissant du danger ont été placés et quelques passages dans des établissements scolaires ont eu lieu dans cette période.

Le temps d’intervention pour un poste comme Clichy-sous-Bois est de deux heures alors que sur des postes plus "stratégiques techniquement" il n’est que de 40 minutes. Pendant un temps, il avait été envisagé de neutraliser cette installation. Mais ce projet a été abandonné, donc la réactance 20 kV était sous-protégée (comparer la sécurité existante en octobre 2005 et celle d’aujourd’hui ; d’autres modèles plus hermétiques existent), le jeu de barres basses était et demeure extrêmement dangereux pour les agents comme pour toute personne s’approchant de ces éléments techniques. Les jeunes auraient pu être électrocutés à cet endroit. Pourquoi n’avoir pas renforcé la prévention des intrusions en installant des alarmes périmétriques ? EDF et d’autres mettent l’accent sur la conformité des enceintes et installations aux normes en vigueur, mais ces normes n’auraient-elles pas dû être révisées depuis longtemps pour être adaptées à des secteurs où il y a beaucoup de jeunes qui circulent à proximité ? Qui a attiré l’attention des pouvoirs publics sur ce point important ?

Qui détenait le bon numéro de téléphone des services compétents pour EDF afin d’envoyer un agent ou de mettre tous les quartiers environnant dans le noir ? Pas la police ! Pas les pompiers (car ceux-ci ont appelé le Centre d’appel dépannage des particuliers à 18 heures 54, alors que Bouna et Zied ont été tués à 18 heures 12) ! Pas les riverains, pas la municipalité ! Lorsqu’il y a eu déclenchement de la réactance 20 kV à 18 heures 12, les quartiers ont été plongés dans l’obscurité et un appel d’un agent d’astreinte a été opéré, suite à défaut technique. Personne n’imaginait que des jeunes étaient à l’origine du déclenchement en touchant des têtes de câbles. Au moment où les deux jeunes sont décédés... l’agent EDF travaillait sur une installation électrique... au Bourget !

Et cet agent en intervenant le plus rapidement possible n’a pu réussir qu’à empêcher un sur-accident qui menaçait les pompiers. D’après nos informations, plusieurs pompiers ont failli être blessés ou tués en tentant de pénétrer de leur propre initiative dans le local de la réactance. Donc les choses sont bien compliquées...

Dans un prochain article, nous entrerons plus dans les "détails techniques" et feront état des débats en CNHSCT (comité national d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) d’EDF...

vous pouvez consulter le blog de Thierry GERBER, membre CGT du CNHSCT d’EDF : http://violences-stop.over-blog.com ... qui traite des agressions des agents du service public de l’énergie