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EN REPONSE A ANTIRED : JUIFS ET COMMUNISTES .
Publie le lundi 27 février 2006 par Open-Publishing3 commentaires
Ces juifs communistes qui ont rêvé de Révolution
Moments de vies, d’histoires, de cultures, au Café du croissant, où Jacques Frémontier a dialogué avec le public des Amis de l’Humanité autour de l’Étoile rouge de David.
Et la thèse devint un livre (1)... Dont Jacques Frémontier ne fait pas mystère de ce qu’il doit au plus intime, et à une part de lui-même qui demeure un mystère : " Je suis juif, j’ai été communiste, existe-t-il un lien entre ces deux appartenances ? " D’autant que l’enfant qu’il fut, " né juif ", fréquenta une école catholique, n’entra dans une synagogue qu’une seule fois - en 1938 - et vécut longtemps, sinon dans le déni, du moins " à côté " de sa " judéité ", de la même façon qu’il " refoula " pendant plus de quarante ans son " appétit d’université ", passa par l’ENA, fit un détour par le Parti communiste des années soixante-dix, et, sur le tard, à l’âge de la retraite pour dire vrai, entreprit donc une thèse sur " les Juifs communistes en France "... " C’était comme partir à la recherche d’un secret qui m’aurait été dérobé ", explique-t-il ce soir, dans un Café du croissant archicomble, quand Charles Silvestre l’interroge sur le " pourquoi " de cette entreprise... Se comprendre, comprendre, aller à la rencontre d’autres qui eurent, qui ont, une autre histoire : Frémontier n’aime rien tant que conter des histoires, livrer des bribes de vie qui parlent du siècle, du XXe siècle. Goût communicatif : rarement, " Café des Amis " aura été autant le " théâtre " de récits de moments d’existence se mêlant, s’interrogeant les uns les autres, se répondant, se complétant...
Traces de vie, d’histoire, de culture... " Juifs communistes ? Communistes juifs ? Communistes qui, au nom d’une certaine idée de leur engagement politique, en viennent à nier leur judéité ? " lui demande-t-on à propos des cent personnes qu’il a rencontrées. Justement, indique Frémontier en substance, j’ai vu des gens se définir de TOUTES ces manières, comme ceci ou comme cela, et puis, dans ce qu’ils me disaient, je comprenais aussi que rien n’était ou n’avait été immuable, que le rapport au judaïsme changeait, comme le rapport au communisme, et, sans doute aussi, le communisme lui-même... Les cent personnes en question ? L’auteur de l’Etoile rouge de David n’a pas construit d’échantillon représentatif - mission impossible, d’ailleurs -, il s’en est tenu à une " triple parité " : 50 sont membres du PCF, 50 ne le sont plus ; 50 sont ashkénazes, 50 séfarades ; 50 appartiennent plutôt aux couches populaires (ouvriers, employés, etc.), et 50 plutôt aux classes favorisées, à la " bourgeoisie ", dit-il... Il évoque aussi le sort, sans citer de noms, de " deux ou trois personnages extraordinaires " : on entend alors " Brigades internationales ", " FTP-MOI ", " exclusion du POUP " (Parti communiste polonais - NDLR) en 1968, pour le " fait d’être juif ", quand le combat, à l’Est, contre le dit " sionisme ", eut de drôles de relents...
" Juifs communistes en France ", donc. Ou qui le furent, communistes. Et parfois, pas seulement en France. C’est quand on lui demande s’il n’y a pas lieu de " rapprocher " certains éléments de la religion ou de la culture juives et ce que d’aucuns nomment une forme de " messianisme communiste " que Frémontier, s’appuyant notamment sur la réflexion de Walter Benjamin - oui, l’idée de " messie collectif " est présente chez certains théologiens juifs du Moyen ¶ge ; oui, la venue du messie, précédée de temps de violence et d’apocalypse, n’est peut-être pas sans rapport avec certaine vision de " la révolution " ; oui, l’idée que la " justice sociale, c’est ici et maintenant ", et non pas dans l’au-delà et plus tard, peut résonner aussi dans ce qui est nommé " communisme "... -emballe le débat. Dialectique complexe, par exemple, quand il s’agit de savoir pourquoi un nombre relativement important de juifs se retrouvent dans le PCF des années vingt, trente et quarante : faut-il voir d’abord le fruit de l’action - y compris " spécifique " - menée alors par ce parti (groupes de langues, dont le yiddish, structures d’accueil et de " solidarité " particulières) et/ou plutôt l’attraction pour la France (celle de 1789, de la Commune, de l’affaire Dreyfus, de la " laïcité "...), de la part de juifs acquis à la " modernité ", et pourchassés au même moment dans nombre de pays d’Europe ?
L’un et l’autre, bien sûr, ou plutôt les uns avec les autres, par exemple dans ce Paris populaire, au temps du Front du même nom, que Frémontier décrit avec des mots si justes, puis le Paris de la Résistance - une décennie qui structure durablement (au moins jusqu’en 1967) un certain mode d’être " juif communiste " en France. Du moins le croit-on. Car Frémontier, à chaque fois, insiste sur la " singularité " de chaque parcours. Et il n’a pas tort. On écoute une femme expliquer comment elle " croyait tellement " à l’URSS de Stalingrad qu’elle n’entendit rien, sur le moment, de l’antisémitisme du Staline du " complot des blouses blanches " : " Plus je vieillis, dit-elle, plus je reviens aux sources "... On écoute Gilles Smadja contester l’idée qu’il y aurait un lien secret, voire un lien tout court, entre judaïsme et communisme : " Je suis juif, je suis encore communiste ; il y a un héritage familial d’un côté, un engagement politique de l’autre "... Ce qui l’amène, un peu plus tard, à critiquer certain côté monstrueux du décret Crémieux (accordant en 1871 la citoyenneté française aux juifs d’Algérie), pour la " division " qu’il a créée entre des personnes qui vivaient, pour la plupart, à peu près de la même façon.
On écoute. On s’écoute. Longtemps. Le temps de parler encore de " culte " et de " culture ", de " croyance " et de " théologie ", de rapports presque sacrés au " livre " - point commun, comme le suggère un participant, entre la tradition judaïque et le Parti communiste en sa construction " thorézienne " ? Jusqu’à cette ultime question-réponse : " Auriez-vous pu écrire un livre sur les relations entre les juifs et une autre force politique ? "... " Non, répond du tac au tac Jacques Frémontier : le Parti communiste était le seul parti où quelqu’un qui se sentait juif pouvait prendre toute sa place dans l’action politique "... Un moment de réflexion, puis : " le Parti socialiste n’est pas un parti, c’est une machine électorale ; le Parti communiste, c’est un monde, c’est toute une culture "... Longtemps, dans la salle, le débat se poursuit...
Jean-Paul Monferran
(1) Jacques Frémontier, l’Étoile rouge de David, les Juifs communistes en France, Éditions Fayard, 540 pages .
Messages
1. > EN REPONSE A ANTIRED : JUIFS ET COMMUNISTES ., 27 février 2006, 11:34
le premier congrès du POSDR se tint sous la protection du BUND
2. > EN REPONSE A ANTIRED : JUIFS ET COMMUNISTES ., 27 février 2006, 14:02
Je vous conseille vivement un livre du prix nobel de littérature russe Alexandre Soljénitsyne :
Deux siècles ensemble Tome II, juifs et russes.
Un livre qu’on essaie de cacher par tous les moyens.
http://www.amazon.fr/exec/obidos/AS...
3. > EN REPONSE A ANTIRED : JUIFS ET COMMUNISTES ., 27 février 2006, 18:33
il n’y en pas un seul à qui il serait venu l’idée de parler du Bund ! un mouvement qui a éxisté avant le posdr .danes 67