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Emeutes de novembre 2005 : les mensonges et fautes de Nicolas Sarkozy...

Publie le jeudi 28 décembre 2006 par Open-Publishing

 LE DÉROULEMENT DES ÉVÉNEMENTS

Le déclenchement des émeutes trouve son origine dans la mort accidentelle de deux jeunes âgés de 15 et 17 ans, Bouna et Zyed, le jeudi 27 octobre 2005 à Clichy-sous-Bois, retrouvés électrocutés dans l’enceinte d’un transformateur EDF.

Au-delà de ce drame, ce sont ses circonstances qui ont provoqué une réaction puisque très vite on apprend que ces jeunes se sont réfugiés dans cet endroit pour échapper à la police. Nicolas Sarkozy dément avec violence les faits. selon lui, les jeunes étaient des délinquants, et n’étaient pas pousuivis par la police. L’IGS a démenti en novembre cette version partiale des faits.

Quasi immédiatement, dans les heures qui suivent, on assiste à une multiplication d’actes de violences urbaines dans le quartier HLM du Chêne pointu (incendie de 23 voitures, jets de projectiles contre le centre de secours des sapeurs-pompiers, vitrines brisées, abribus vandalisés, centre de distribution de la Poste mis à feu).

Le lendemain, des éléments d’explication seront fournis par le ministère de l’Intérieur, qui évolueront au cours de la journée. Alors que, dans un premier temps, la police déclare être intervenue lors d’une tentative de cambriolage, une autre déclaration précise ultérieurement que les jeunes auraient été interpellés suite à la dégradation d’une cabine de chantier. Même si ces deux versions ne sont pas incompatibles, le caractère absurde de la mort de deux jeunes dans ces circonstances entretient le doute quant à la réalité, ceci d’autant plus que le Procureur de Bobigny évoquera par la suite un simple contrôle d’identité.

Dans une atmosphère devenue subitement très lourde, les émeutes prennent un tour plus violent le 28 octobre avec l’apparition de meneurs et la multiplication de coups de feu sur les cars de gendarmes et de CRS. Le samedi 29, une marche silencieuse est organisée par des associations à laquelle participent des élus et plus d’un millier de participants. Les affrontements se poursuivront le samedi soir et s’amplifieront le dimanche à la suite de l’utilisation de gaz lacrymogènes à proximité d’une mosquée.

Dès lors, un mécanisme de développement du conflit s’installe qui s’alimente des affrontements croissants avec les forces de l’ordre, de la dénonciation des provocations policières ainsi que de la « surenchère médiatique ».

 LE RÔLE DES MÉDIAS

Le rôle des médias dans le développement des émeutes est bien évidemment difficile à établir et à mesurer mais il ne saurait être exclu ou sous-estimé. La question est posée dès le 27 octobre après l’annonce du décès des deux jeunes puisque l’information passe alors « en boucle » lors des journaux télévisés.

Dès le 28 octobre, une distinction dans le traitement de l’information apparaît puisque le journal télévisé de TF1 de 13 heures évoque des « scènes de guérilla » dans la ville de Clichy-sous-Bois alors que d’autres chaînes se contentent d’évoquer des « incidents ». Dans les heures qui suivent, les différences d’appréciation demeurent puisque le soir même, France 2 évoque des casseurs qui jouent « au chat et à la souris avec les forces de l’ordre » alors que France 3 fait référence à « des bandes de jeunes qui harcèlent les forces de l’ordre à coup de pierres et de cocktails Molotov ». Le 29 octobre, le Parisien évoque une « deuxième nuit d’émeutes ».

Les différences de traitement de l’information concernent également les causes des événements puisque, par exemple, dans les journaux télévisés du 28 octobre au soir, si TF1 insiste sur le flou des circonstances et les résultats en attente de l’enquête en cours, France 2 et France 3 n’hésitent pas à laisser la parole à des personnes qui désignent la responsabilité de la police, en précisant toutefois que cette version est démentie par la police.

A partir de ce moment, une polémique est également ouverte concernant le rôle et la responsabilité du ministre de l’Intérieur dans le déclenchement de ces troubles.

L’emballement médiatique connaîtra, enfin, une nouvelle extension à la suite de l’intervention des forces de l’ordre avec des gaz lacrymogènes le 30 octobre à proximité de la mosquée de Clichy puisqu’une nouvelle polémique se développe concernant les circonstances de l’intervention des forces de l’ordre qui attisent les tensions.

A partir du 4 novembre, de nombreux quotidiens nationaux et régionaux évoquent une « guérilla urbaine ». Alors que certains journalistes s’interrogent sur les causes de ces affrontements, d’autres s’engagent dans une démarche de comptage des voitures brûlées qui jouera un rôle dans l’extension des troubles. Certains éditorialistes s’interrogent alors sur la responsabilité des médias dans la propagation des violences du fait notamment du mimétisme des images.

C’est alors que France 3 annonce le 7 novembre dans le 19/20 qu’elle ne répercutera plus les chiffres des voitures incendiées et que TF1 et France 2 décident de mettre davantage en avant les appels au calme et les initiatives citoyennes. Les reportages s’intéressent alors plus aux aspects sociaux et moins aux affrontements, ils insistent aussi sur les aspects positifs de la vie dans les quartiers.

On constate ainsi que jusqu’au 6 novembre et l’intervention du Premier ministre qui annonce le recours au couvre-feu, les médias ont adopté un angle de traitement qui privilégiait le caractère sensationnel des violences urbaines (voitures et bâtiments en flammes, bilan complet et détaillé des incidents, pompiers et CRS montrés en situation de difficulté, utilisation d’un vocabulaire guerrier et anxiogène, colère des habitants victimes des destructions de biens...).

La responsabilité des médias dans le développement des émeutes apparaît donc comme réelle : en effet, Bernard Charles, adjoint au maire de Lille, a indiqué qu’il y avait eu un délai d’une semaine entre les premiers événements en Seine-Saint-Denis et les premiers troubles constatés à Lille et qu’entre temps, le journal « La Voix du Nord » s’était interrogé à la une sur les conséquences de ces événements franciliens sur les quartiers de Lille Sud.

L’expérience de ces événements devrait amener l’ensemble des médias à engager une réflexion profonde sur le traitement de l’information lorsque celle-ci peut être de nature à alimenter des affrontements. Cette réflexion, par nature propre à chaque rédaction, pourrait par exemple viser à déterminer dans quelle mesure lors de certains événements, il peut être nécessaire de présenter les informations de telle sorte qu’elles ne puissent pas alimenter artificiellement des troubles graves à l’ordre public.

 DES VIOLENCES CARACTÉRISÉES PAR LEUR ÉTENDUE ET LEUR DURÉE

Les violences urbaines ont duré 25 nuits et touché 300 communes.

 ? Elles ont débuté en Seine-Saint-Denis le 27 octobre 2005, à la suite du décès accidentel de deux jeunes dans un transformateur EDF de Clichy-sous-Bois. A partir du 2 novembre, le phénomène s’est étendu à toute l’Île-de-France, avant de gagner la province dans la nuit du 4 au 5.

Le pic de violence a été atteint les nuits des 6, 7 et 8 novembre, au cours desquelles le millier d’incendies de véhicules a été dépassé (1.295, 1.408, 1.173). Face à cette situation, l’état d’urgence a été décrété le 8 novembre.

A partir du 12, la situation est rentrée dans l’ordre en Île-de-France, avant de s’apaiser à compter du 18 en province. Des couvre-feux ont été instaurés à Paris le 12 novembre, ainsi que dans la Somme, les Alpes-Maritimes, l’Eure, la Seine-Maritime, le Loiret et les Landes, tandis que l’état d’urgence était prorogé pour trois mois à compter du 21 novembre par la loi du 18 novembre 2005. Il y a été mis fin le 4 janvier 2006.

Les régions ont été inégalement touchées : une quinzaine de cours d’appel ont connu les faits les plus nombreux et les plus graves : Paris et Versailles d’abord, puis Douai, Rouen, Lyon, Nancy, Rennes, Nîmes, Aix-en-Provence, Toulouse, Caen, Pau, Amiens, Besançon, Metz, Orléans et Grenoble.

Six des neuf tribunaux de la cour d’appel de Paris ont totalisé le quart des mesures de garde à vue, près du tiers des défèrements, le quart des mandats de dépôt, 30 % des comparutions immédiates, 42 % des ouvertures d’information et 30 % des présentations au juge des enfants. 498 des 751 ZUS ont été touchées.

Au niveau national, 10.346 voitures, 233 bâtiments publics et 74 bâtiments privés, ainsi que sept dépôts de bus et 22 bus ou rames de trains en circulation ont été dégradés ou détruits par incendie en zone de police, et 18 lieux de culte atteints.

En Seine-Saint-Denis, outre le décès des deux adolescents à Clichy-sous-Bois, une personne handicapée physique a failli être brûlée vive dans un bus, un poste de police, une concession automobile à Aulnay-sous-Bois et le conseil des prud’hommes de Bobigny ont été incendiés. Un attentat au cocktail Molotov contre la préfecture et de multiples attentats par incendies dans les collèges et lycées ont été relevés. 1.266 véhicules, dont 3 bus, ont été brûlés, 78 bâtiments ont été dégradés ou détruits, dont une caserne de pompiers, un local de police, 17 écoles, 12 collèges, 7 gymnases. Pour ce seul département, 291 personnes ont été gardées à vue et 53 écrouées.

Au plan national, 4.295 personnes ont été interpellées pendant les violences (et 273 ensuite). 3.889 personnes ont été placées en garde à vue pendant ou après les événements, dont 1.919 mineurs. En tout, 1.011 personnes ont été placées sous écrou. Selon le ministère de l’intérieur, 54 % des personnes interpellées étaient connues des services de police.

Le chaînage entre les interpellations et la justice, empreint d’une extrême rapidité et d’une grande fermeté, a particulièrement bien fonctionné. La justice n’a pas, et de loin, été laxiste, comme l’a prétendu faussement Nicolas Sarlozy, ministre de l’Interieur.

Au 18 novembre, sur 3.101 personnes placées en garde à vue, près de la moitié (1.486) a fait l’objet d’un défèrement au parquet. 46 % des personnes déférées ont été écrouées, 9 % ont fait l’objet d’une ouverture d’information judiciaire, près de la moitié a été traduite devant le tribunal correctionnel en comparution immédiate, les tribunaux ont prononcé 422 peines d’emprisonnement en totalité ou en partie ferme et 59 condamnations hors emprisonnement. Néanmoins, le taux de relaxe au tribunal de grande instance de Bobigny s’est élevé à 35 %, le travail de police judiciaire ayant été particulièrement critiqué pour sa mauvaise qualité, ses erreurs (et fautes), et sa partialité.

 UNE IMPLICATION PARTICULIÈREMENT IMPORTANTE DES MINEURS

Une grande partie des auteurs de violences urbaines étaient des mineurs, souvent très jeunes, et des jeunes majeurs, majoritairement inconnus (pour 80 % d’entre eux) de la justice, sauf au titre de l’assistance éducative (pour la moitié d’entre eux), plutôt inscrits dans un cursus scolaire ou professionnel mais souvent issus de familles en grande difficulté. Cette absence d’antécédents concerne aussi les jeunes ayant commis les faits les plus graves. Des phénomènes de mimétisme, de contagion et d’émulation favorisés par la très forte médiatisation accompagnant et provoquant une sorte de surenchère dans la concurrence ont été mis en avant tant par les sociologues que par les forces de l’ordre et les magistrats entendus.

Au 18 novembre, 577 mineurs avaient été présentés au juge des enfants et 118 placés sous mandat de dépôt.

En ce qui concerne les 85 mineurs déférés à Bobigny, et contrairement aux affirmations de Nicolas Sarkozy, les deux tiers d’entre eux n’étaient pas connus de la justice et un tiers d’entre avaient moins de 16 ans, ce qui interdisait de prendre des réquisitions de mise en détention provisoire. Beaucoup se trouvaient dans des situations de décrochage de déscolarisation et auraient dû faire l’objet de signalement de la part des services sociaux.

 VIOLENCES SPONTANÉES OU INSURRECTION PLANIFIÉE ?

Les motivations à l’origine de ces violences ne sont pas clairement déterminées, et il parait difficile de les attribuer à un facteur unique.

Lucienne Bui Trong, ancien chef de la section « villes et banlieues » à la direction des renseignements généraux, a estimé qu’il s’agissait au départ d’une petite émeute classique, à partir d’un phénomène vécu comme une injustice et donnant lieu à des rumeurs et à beaucoup d’émotion. Elle n’aurait pas dû durer plus de trois jours mais a été relancée par un incident policier dans une mosquée, ainsi que par la politisation et la médiatisation des événements. Elle a souligné que cette expansion au niveau national d’un événement au départ purement émotionnel est inédite.

Le rapport des renseignements généraux du 23 novembre 2005 a confirmé qu’il n’y avait aucun lien entre ces violences et des mouvements religieux, ni d’organisation structurée ou nationale, et qu’on ne pouvait donner pour seule explication une insurrection fomentée par des délinquants dérangés dans leurs trafics par la reprise en main des forces de l’ordre. En outre, aucun leader ne s’est dégagé de ces violences, ni aucune revendication claire.

http://www.senat.fr/rap/r06-049-1/r06-049-166.html

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