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Esclavage, hyper exploitation et négation des droits des migrants
Publie le dimanche 24 septembre 2006 par Open-Publishing1 commentaire

de Enrico Pugliese traduit de l’italien par karl&rosa
L’Espresso a publié cette année deux intéressantes enquêtes de Fabrizio Gatti sur les conditions dans lesquelles les immigrés en Italie sont accueillis d’abord et traités ensuite. La première, sur les arrivages des clandestins et sur ce qui leur arrive dans les centres d’identification, a eu un écho important au niveau national et international. Gatti a mis en évidence comment dans ces institutions les immigrés sont brutalisés et laissés dans des conditions inhumaines pour leur sadisme et leur négligence.
La deuxième enquête concerne les conditions de vie et de travail dans lesquelles se trouvent les travailleurs clandestins en Italie. On doit reconnaître à Gatti le mérite d’avoir réalisé une enquête en profondeur, en allant voir personnellement, dans la horreur du quotidien, ce qu’éprouvent les immigrés qui travaillent dans les champs, dans une zone agricole du Sud.
En ce cas aussi, Gatti a utilisé la technique du déguisement, une technique courageuse et non dépourvue de risques et qui a une ancienne tradition. Je me souviens du célèbre livre de Gunther Walraff Ganz unten, qui racontait les malversations et l’hyper exploitation des immigrés turcs par de petits et moins petits patrons allemands, les méchancetés racistes de quelques prêtres et les véritables actions criminelles de braves bourgeois. Un de mes collègues à l’Université de Californie, Bill Friedland, avait fait lui aussi, aux années Soixante, une expérience analogue parmi les journaliers chicanos, dans la zone du plus important développement agricole du monde. Comme il était blanc et anglophone, Friedland ne pouvait pas se faire passer comme un Mexicain et ainsi il se déguisa en « wino », à savoir un marginal, alcoolique chronique. Parmi les malheureux employés dans la cueillette des fruits et des légumes en Californie il y en a aussi de ceux-là.
Les abus et les violences vis-à-vis des travailleurs à la base de la pyramide sociale et de l’emploi sont à l’ordre du jour. En ce qui concerne les violences des contremaîtres et les abus sexuels sur des travailleuses, notre histoire agraire n’en mène pas large. Les patrons et les contremaîtres s’acharnent sur les travailleurs et les travailleuses migrants : il n’y a aucun contrôle local et communautaire, les faits arrivent dans des lieux isolés et loin des zones de résidence des travailleurs qui dépendent des patrons et des contremaîtres pour leur transport et leur logement aussi. Il semblait que ces choses étaient finies dans notre pays, mais le reportage de Gatti les propose à nouveau avec force.
Ce ne sont plus les éplucheuses de riz ou les cueilleuses du Mezzogiorno qui sont l’objet principal des abus : maintenant c’est le tour des immigrés. Gatti présente un tableau impressionnant : des patrons et des contremaîtres armés qui menacent ceux qui « risquent » demander d’être payés pour leur travail, des intimidations avec passage à l’acte, des insultes racistes, et encore le sous salaire (entre deux et quatre euros de l’heure) ou les vols par les contremaîtres. Des situations hygiéniques aberrantes, parfois même le manque d’eau (distribuée comme une faveur par les contremaîtres), des risques élevés sur le plan sanitaire.
Je suis convaincu que tout ce que Gatti présente est vrai et bien documenté. D’ailleurs, sur les conditions de vie, de revenu et de santé des travailleurs agricoles dans le Mezzogiorno, l’association « Médecins sans frontières » avait déjà réalisé une enquête détaillée représentative des conditions des journaliers immigrés, même si dans une situations extrême : ce qui n’en amenuise aucunement la gravité. Par rapport aux termes « esclavage » ou « travail d’esclave », je suis de l’avis qu’il est dangereux de s’en servir d’un façon extensive et qu’en ces termes là n’on doit se référer qu’à des situations où il n’y a pas que de la super exploitation et de la violence mais aussi la privation de la liberté, l’impossibilité de s’échapper à cause de la menace de rétorsions vis-à-vis de la victime des abus et de sa famille.
Heureusement, il ne me semble pas que tel soit le cas de ces travailleurs, malgré les horreurs décrites. En effet, en Italie la réduction en esclavage existe et elle a une dimension massive pour les victimes de l’exploitation de la prostitution. Et Livia Turco eut raison, à l’époque, en introduisant, dans la loi qui porte son nom, l’art 18 qui permettait la sortie de la condition d’esclavage par des programmes de protection et de réinsertion en dehors des principes de la législation basée sur les « primes » : en somme non pas en tant que collaborateur de justice, mais en tant que victime d’abus. L’article - pris du Texte Unique des lois sur l’immigration et qui n’a pas été corrigé par la loi Bossi-Fini - introduit des interventions de protection sociale et le permis de séjour pour des raisons humanitaires « quand des situations de violence ou d’exploitation grave à l’égard d’un étranger sont vérifiées et quand des dangers pour sa sécurité à la suite des tentatives de se soustraire aux conditionnements d’une association adonnée à un des délits susdits s’avèrent ».
En substance, les « délits susdits » sont la traite. Depuis des années, des camarades bien intentionnés croient pouvoir faire étendre cette norme de loi aux travailleurs super exploités, comme « les esclaves des Pouilles ». Je pense qu’il s’agit d’une voie inopportune : si on trouve un magistrat appliquant à la lettre la loi il y a le risque que l’immigré soit expédié dans un centre de rétention pour la déportation parce qu’il n’est pas en danger. La vérité est qu’en agriculture on enregistre un archipel très vaste de conditions de travail tantôt seulement médiocres et tantôt horribles et, comme dans le cas présenté par Gatti, assorties de violences. Il ne s’agit pas d’esclavage mais de conditions de vie et de travail inacceptables concernant surtout les derniers arrivés, comme cela résulte de la suite ininterrompue de nationalités que rencontrent ceux qui étudient les conditions de travail en agriculture.
De l’enquête de Médecins sans frontières j’avais appris que dans les campagnes du Sud il y a aussi une autre catégorie de malheureux dont le projet d’émigration a été un échec : non pas les derniers arrivés mais ceux qui sont restés les derniers. De l’article de Gatti on a la confirmation que parmi les contremaîtres et les oppresseurs il y a aussi des étrangers, à savoir d’autres immigrés.
Il résulte de l’expérience accumulée jusqu’ici que de ces situations on sort avec le temps et par la lutte : la lutte syndicale d’abord. Gatti revient sur le thème, en documentant les profits que les entreprises tirent, grâce aussi à des contributions et à des magouilles, de l’exploitation de ces travailleurs. Et dans le même exemplaire du magazine il y a un utile interview avec Guglielmo Epifani qui prend une position intéressante. Après avoir dénoncé que maintenant ceux qui se révoltent et dénoncent leurs bourreaux « sont punis et expulsés de l’Italie », Epifani ajoute que « la loi devrait primer le travailleur extracommunautaire dénonçant l’exploitation et les violences. En ce cas, l’Etat devrait octroyer au travailleur le permis de séjour ».
Il ne m’est pas clair ce que veut réellement dire le secrétaire de la CGIL. A savoir s’il propose une sorte d’extension de l’art.18 (du genre législation basée sur la prime) à tous les super exploités (des centaines de milliers) ou s’il demande, d’une façon bien plus pratique et efficace, pour ceux-là la garantie du permis de séjour avec la possibilité conséquente de défense syndicale, en sortant à découvert sans courir le risque de finir dans les centres de rétention et d’être déportés (en ayant gagné éventuellement le différend syndical). Il est bien de rappeler que cette contradiction - cette impossibilité actuelle de se défendre syndicalement à cause du risque d’être déportés - n’est pas un fruit de la loi Bossi-Fini, mais de la loi Turco-Napolitano, qui est à la base du Texte Unique de la loi sur l’immigration en vigueur.
Dans la situation législative actuelle, le travailleur immigré clandestin doit se cacher pour se soustraire aussi bien aux violences de ses exploiteurs qu’à l’action des forces de l’ordre et de la magistrature. Il faut donc procéder à la régularisation immédiate de ces immigrés en tant que travailleurs si on veut effacer les conditions décrites par Gatti et les formes moins lourdes massivement répandues de sur exploitation.
Messages
1. > Esclavage, hyper exploitation et négation des droits des migrants , 28 septembre 2006, 16:34
comment boycotter les produits arrivant sur les marchés français ?
Y-a-t-il une organisation qui s’enoccupe ?
Ana