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Exception, diversité et marché ?

Publie le jeudi 28 juillet 2005 par Open-Publishing

de François de Bernard, philosophe

L’"exception culturelle" promue à partir de 1994 a permis de résister sur un plan juridique et politique à une "libéralisation" incontrôlable des activités de production et de diffusion culturelles. Se référant au vieux concept de droit de l’exception, mais aussi à celui de l’exemption, se constitua ainsi un front, soutenu par des gouvernements, des sociétés "indépendantes" et plusieurs instances de la société civile, qui s’est efforcé de contenir, depuis lors, l’exercice d’une "concurrence libre et non faussée" au sein d’un grand secteur culturel qui n’aurait pu le supporter, à défaut de se voir rapidement délité, comme on l’observa naguère du cinéma britannique ou néo-zélandais.

De son côté, la ’diversité culturelle" émergea, à la fin des années 1990, d’un mouvement complexe, réunissant des intérêts contradictoires :

1) des adversaires de l’exception, aux motivations économiques et politiques

2) des pays en développement, estimant que la polarisation sur l’exception ne signifiaitqu’un énième épisode des rivalités Nord/Nord, négligeant leurs intérêts propres

3) des défenseurs de l’exception culturelle, considérant que sa posture trop défensive nécessitait de recourir à une autre logique.

Soulignons en outre qu’à la différence de celui d’exception, le concept de diversité culturelle n’a aucune tradition juridique. Néanmoins, les efforts de l’Unesco, joints à ceux des coalitions réunies en sa faveur, ont permis à ce concept de gagner en peu de temps une dignité juridique et politique, d’abord grâce à la Déclaration universelle de novembre 2001, puis à la négociation en cours sur une convention internationale, qui devrait être approuvée par la Conférence générale de l’UNESCO à l’automne 2005.

Quant au "marché des biens et services culturels" - premier poste en valeur des exportations étasuniennes, mais aussi d’une importance stratégique considérable pour des pays émergents tels que l’Inde, le Brésil et le Mexique, il s’adapte en continu aux revendications à l’exception ou à la diversité. Mieux : il s’emploie à les recycler et à utiliser toutes les failles des dispositifs légaux et réglementaires, qu’ils soient d’origine nationale, régionale ou multilatérale.

En bref, la course se profile interminable entre, d’un côté, les tenants de l’exception ou de la diversité culturelles, d’un autre côté, les thuriféraires d’un marché dérégulé. À horizon visible, et quoi qu’il advienne de la convention UNESCO, on imagine mal relâche ou compromis entre les deux camps.


L’édition de "Cigale" (Cigale, 8 pages de démocratie culturelles - Parti communiste français - juillet-août 2005), à la disposition des militants et des fédérations pour poursuivre et élargir, cet été, dans les lieux de culture et notamment les festivals, le débat engagé. Ce journal édité par la commission culture comprendra des articles de responsables communistes, d’artistes, de citoyens sur l’analyse des résultats du référendum et les chantiers ouverts particulièrement dans le champs culturel.

Laurent Klajnbaum

Pour ceux qui voudraient recevoir l’intégralité de Cigale : lklajnbaum@pcf.fr