Accueil > Fac : Strasbourg en lutte
Camarades,
Sur Strasbourg, une Assemblée Générale Unitaire s’est tenue jeudi à 11h, rassemblant quelques 800 personnes avec davantage de personnels BIATOS que de profs, presque. A la tribune, profs, BIATOS, et étudiants, syndiqués et non-syndiqués ensembles. Les profs, avec leurs manies de textes, ont réécrit des motions "communes et unitaires" avec en première motion "abrogation de la LRU", on a parlé des Coordinations Nationales, de la question des vacances (sachant que l’occupation et le blocage sont reconduits), des chantiers sur la fac qui servent de prétexte et d’outil par l’administration pour nous faire chier, etc.
Le soir, réunion du Comité d’Occupation, et les camarades présents (une soixantaine) ont voté pour la fusion du Comité de Grève et du Comité d’Occupation, les deux entités politiques majeures pour la structuration du mouvement. L’objectif est alors de réduire la question de l’occupation à celle d’une commission pour rappeller qu’elle est un outil de lutte, un moyen politique, et non une fin sur laquelle on risque de tourner en rond. Cette fusion a donné naissance au Comité de Lutte. Il se réunit tous les soirs à 18h.
Jeudi 26 février 2009, directement après l’AG, on se rassemble Place Rouge pour la manif. On parvient, malgré les vacances, à être entre 1000 et 1500 La manif est très dynamique et vivante, ça gueule bien. Comme d’habitude, la banderole de tête est unitaire et sans étiquette ni orga, avec juste écrit en noir sur fond rouge "NON A LA CASSE DU SERVICE PUBLIC DE L’ENSEIGNEMENT". Une fois arrivés place kleber, comme d’habitude, on relance le cortège en manif sauvage pour bloquer l’homme de fer (axes de trams). A ce moment là, on hésite. Nous n’avons pas réuni la commission action et n’avons rien préparé, un peu surpris d’être si nombreux. On déploie des fumigènes artisanaux. Au bout de dix minutes-un quart d’heure, on avance finalement tout droit vers le rectorat.
Mais en fait, ça va un peu n’importe où. Voyant cela, on préfère retourner en cortège sauvage sur la fac. Il y avait bien 4-500 personnes qui avaient suivies sur l’homme de fer et 200 dans le cortège sauvage. Comme de par hasard (vraiment !), on se retrouve devant la préfecture. Et ça y est les gendarmes mobiles s’alignent avec toutes les armes possibles, 16 cars bouclent la zone autour de l’opéra. Nous nous arrêtons. Certains veulent les charger avec compte à rebours, en mettant leurs lunettes anti-lacrymos ; d’autres veulent continuer pour attaquer autre chose ; et d’autres encore préconisent de retourner à la fac en cortège sauvage. Mots d’ordre contradictoires, c’était un peu n’importe quoi. Finalement, on bifurque et retournons sur la fac.
18h, le "Comité de Lutte" se réunit, avec une soixantaine de personnes dont quelques nouveaux curieux. Création et répartition des commissions, et mise à plat de la question des modalités du blocage.
Le lendemain, vendredi 27 février, une réunion se tient le matin vers 10h. Est voté la réappropriation du Portique et du Le Bel tandis que Marc Bloch entre à son tour dans sa semaine de vacances à partir de lundi prochain. Une délégation va durement négocier toute l’après-midi, pendant plusieurs heures, avec des représentants de la présidence, pour la restitution du patio aux occupants-grévistes dès le lundi 9 mars de la rentrée ; la prise du Le Bel pour une occupation de jour, etc.
Journée de guerre froide psychologique avec quantité de faits incompréhensibles : fermeture administrative du Portique pendant quelques heures, puis du Le Bel car le président craint un "blocage sauvage", une histoire d’un soi-disant coup de feu tiré dans un mur, etc etc.
Finalement, le soir réunion extraordinaire des occupants-grévistes qui décident d’évacuer le patio car s’il y a 9 chances sur 10 que les flics interviennent le soir même ou dimanche soir, la confrontation avec eux paraît inutile.
De mon côté, avec deux camarades (UEC et UNEF), nous nous retrouvons à Angers pour la Coordination Nationale Etudiante. Samedi, les délégués s’inscrivent et récupèrent leur mandat de vote. Je vais vous faire à présent un bref compte-rendu de cette deuxième CNE (Coordination Nationale Etudiante) :
Il y a 150 à 200 délégués et mandatés, représentant 57 facs mobilisées. De 14h à 17h nous opérons à un tour des villes qui se fait par ordre alphabétique. Ainsi, Strasbourg fait partie des dernières villes sur la liste. Nous prenons donc le temps d’écouter la situation nationale qui est...plus que critique. Une douzaine de facs sont bloquées et occupées. Mais s’il y a 3000 personnes en AG à Nantes qui bloque depuis 4 semaines, si les camarades de Rennes mettent le feu devant la préfecture et cassent des banques, si à Poitiers ils occupent un aéroport, Strasbourg reste de loin la ville de tête dans le mouvement.
Voici d’ailleurs le topo que j’ai fait sur la situation à Strasbourg, où nous avons été longuement applaudis et acclamés :
"Sur Strasbourg, en agitation-information depuis novembre , et depuis février, les AG tournent autour de 800 à 1200 personnes. Depuis 4 semaines, plusieurs UFR occupent leurs étages et depuis une semaine, c’est-à-dire depuis l’AG du mercredi 19 février, tout le bâtiment assez énorme des Sciences Humaines est bloqué et occupé jour et nuit (voté à 300 en fin d’AG et reconduit à 900 à la dernière AG). Notre prochain objectif est d’étendre le blocage sur tout le campus, malgré les vacances qui nous tombent dessus et la guerre froide qui se durcit avec l’administration.
Les profs ont formé un collectif élargi, très mobilisé, qui structure et solidifie la grève des étudiants-EnseignantsChercheurs-personnels, même si la convergence avec les profs reste difficile et tendue, notamment sur la question de la LRU qui reste l’axe-clé de la lutte étudiante. Parallèlement, la convergence avec les personnels BIATOSS s’améliore.
Strasbourg est, maintenant, assez fort et offensif, très dynamique et motivé. Niveau manif, ça ne cesse de grossir : 2000 le 05/02, 4000 le 12/02, 6000 le 19/02 dont 200 lycéens, et on a réussi à être 1000 jeudi dernier malgré les vacances. Chaque manif tourne en cortège sauvage, avec toujours une action : le 05/02, avec Pécresse qui a été notre étincelle locale en inaugurant la fac unique et ses 40 000 étudiants, on s’est volontairement confronté aux flics en tentant d’investir le Palais U ; le 12/02 on a occupé la Chambre du Commerce et de l’Industrie ; le 19/02 on s’est confronté aux gendarmes mobiles près de la préfecture et jeudi dernier, longue manif sauvage. La convergence avec les lycéens se met en place, ils étaient donc 200 avec nous le 19 ; et surtout il y aura une Coordination Lycéenne au niveau de toute l’Alsace prévue le 5 mars dans le Bas-Rhin et le 6 masr pour le Haut-Rhin.
Sinon, l’occupation est active, politique et autogérée avec projections de films, débats, concerts, etc. Lieu de vie aussi, avec frigos, matelas, etc. Les profs multiplient également les actions : cérémonie de non-remise des maquettes, freezing, université Hors les Murs, Université Critique, groupes de lecture dans les trams, rétentions des notes, et bientôt blocage des jurys.
A noter notre difficulté locale : le contre-sommet de l’OTAN début avril, et on sait que la préfecture fait pression sur la présidence pour casser notre mouvement car ils ne peuvent se permettre deux gros fronts sociaux.
En tout cas, il y aujourd’hui 21 UFR sur 35 qui sont en grève. Bref, Strasbourg est bien lancé et on ne lâchera rien !"
Mais faut pas croire, la lutte continue. Depuis cette semaine, de nouvelles facs ont fait le coup de force en bloquant et en occupant.
De 18h à 1h du matin, on a parlé des revendications. C’est là que je me souviens ce qu’est une Coord : une sombre bataille d’orgas pour diriger le mouvement vers telle ou telle tendance. Le groupe majo-UNEF, bien que pas très nombreux, est très influent. La plupart sont des UEC-TUUD et NPA, avec deux petits groupes très braillards de totos et de SUD.
Les nouvelles motions votées par la CNE à la plate-forme de revendication "nationale" sont :
– plan d’action sociale pour les étudiants
– titularisation du CROUS des organismes de recherche
– convergence avec travailleurs du CROUS
bref, des revendications très corporatistes et intra-universitaires. L’élargissement n’a rien donné.
La logique des modérés (UNEF-majo, etc.) est la suivante : c’est parce qu’on n’a pas encore les force qu’il faut modérer et ne pas élargir. Faire par étapes.
La logique des radicaux (totos, SUD, etc.) est inverse : la lutte ne pourra se massifier QUE si on sort de nos revendications corporatistes, qu’on fait la jonction avec les autres luttes dans les autres secteurs et que si on radicalise nos propres mots d’ordre : car pourquoi les gens rejoindraient notre lutte si elle ne se bat que pour quelques miettes ? En radicalisant, on pose un enjeu, et "ça vaut" le coup de s’investir avec toute son énergie. Par ailleurs, c’est en demandant le maximum qu’on peut gagner le minimum.
La question d’un Bureau National de Grève s’est posée. Question très délicate. En général, c’est perçu comme une structure par en haut, jacobine, centraliste, fixe et non représentative car n’y siège que des gens du Bureau National de l’unef qui peuvent alors aisément dire être les précurseurs du mouvement.
Le BNG (bureau national de grève) n’est pas passé. A la place, des portes-paroles nationaux sont élus, représentants de fait la base même des AG locales. un des camarades de notre délégation a été élu pour représenter Strasbourg et le Grand Est en lutte. Problème et critique : les portes-paroles nationaux ont quasi-systématique un mandat impératif. Du coup ils ne peuvent que lire l’Appel de la Coord en question sans prendre aucune autre position. Les médias ne pouvant s’en contenter, ils interviewent du coup des gens du Bureau National de l’unef qui reste ainsi le seul interlocuteur des médias et du ministère. Tandis qu’un BNG avec des élus révocables hebdomadairement représenteraient réellement la parole de la base en lutte. Question délicate donc...
En tout cas, la méfiance envers l’UNEF est radicale et la Coord eut souvent des coups de tensions plutôt virulents. Des camarades ont même proposé de virer manu facto l’UNEF des Coordinations Nationales et des AG, qu’ils ne viennent plus en tant qu’orgas. Bref...
Le lendemain, de 9h à 13h, débats sur les perspectives du mouvement.
A été voté la mise en place d’Etats Généraux de l’enseignement supérieur.
A été voté le fait que la Coordination Nationale de l’Université (profs-personnels) compte désormais des délégations 2-2-2 (2 profs-2 BIATOSS-2 étudiants) et non 3-1-1.
Strasbourg est beaucoup intervenu dans le débat des perspectives, voulant faire passer au vote un appel au blocage de toutes les facs, l’appel à l’abrogation de la LRU en premier sur l’Appel de la Coord d’Angers et la condamnation du pseudo-recul de Fillon-Pécresse ; sans oublier la convergence avec tous les secteurs de l’éducation.
Seules les villes les plus mobilisées nous ont soutenu (nantes, arras, poitiers, besançon, rennes, tolbiac...) tandis que tous les autres délégués ne voulaient même pas en entendre parler. Grosse bataille à ce sujet, sur lequel on a perdu : a été voté finalement un appel à la "suspension immédiate et reconductible des cours par tous les moyens nécessaires (piquets de grève, débrayages, barrages filtrants, blocages...)", la reconnaissance du recul du gouvernement et ne pas mentionner que c’est une stratégie pour diviser profs et étudiants en nous refilant des miettes insignifiantes, etc.
L’appel à la généralisation des luttes et au durcissement du mouvement n’est pas passé.
Beaucoup considèrent en fait qu’il n’y a pas même de mouvement étudiant et qu’il faut le créer. Les camarades des facs bloquées et occupées se sont insurgés.
De 14h à 19-20h, grosse bataille au sujet de l’Appel de la Coord d’Angers, notamment sur la LRU, la Guadeloupe, Fillon-Pécresse et leur pseudo-recul, etc.
Voilà, en gros. Environ 22h de débats quasi-continus, ce qui est finalement peu pour une CNE (au CPE, les débats pouvaient durer jusqu’à 36h !).
Lundi, si perso j’ai dormi toute la journée car j’étais épuisé, il semble que l’occupation de jour de tout le hall du Le Bel est un succès. Effectivement, l’espace est bien investi et réapproprié, la déco est nickelle, tout est bien organisé et réglo. Chaque soir à 18h, le Comité de Lutte continue de se réunir.
Dernièrement, une Charte du Comité de Lutte a été adoptée, par un fonctionnement par référents révocables répartis en diverses commissions qui restent ouvertes et horizontales.
Pour la suite des évènements :
DEMAIN RDV 10h30 à l’Institut Le Bel occupé pour préparer l’AG de 13h à l’Amphi 5 (toujours du Le Bel).
Cette AG sera non-décisionnelle, informative et mobilisatrice.
16h, conférence de presse.
17h, réunion de la nouvelle Commission CNE.
18h, réunion du Comité de Lutte.
Jeudi 5, réunion 11h pour l’action de midi. Et 15h, rassemblement PLACE ROUGE pour une éventuelle manif (la fac est toujours en vacances).
Sur ce, braves gens,
bonne soirée et à demain,
G.