Accueil > Faut-il positiver la laïcité ?

Faut-il positiver la laïcité ?

Publie le vendredi 19 septembre 2008 par Open-Publishing
4 commentaires

19.09.2008
Faut-il positiver la laïcité ?

Durant la visite du pape en France, Nicolas Sarkozy a réitéré sa volonté d’instaurer une « laïcité positive ». Mais cette fois-ci, il s’est abstenu de lancer sa profession de foi urbi et orbi. Benoît XVI a aussitôt rebondi sur cette conception « positive » de la laïcité. Voici le passage de son discours tel qu’il l’a prononcé à l’Elysée lundi 12 septembre 2008 :

De nombreuses personnes en France se sont arrêtées pour réfléchir sur les rapports de l’Église et de l’État. Sur le problème des relations entre la sphère politique et la sphère religieuse, le Christ avait déjà offert le principe d’une juste solution lorsqu’il répondit à une question qu’on Lui posait : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » (Mc 12,17). L’Église en France jouit actuellement d’un régime de liberté. La méfiance du passé s’est transformée peu à peu en un dialogue serein et positif, qui se consolide toujours plus. Un nouvel instrument de dialogue existe depuis 2002 et j’ai grande confiance en son travail, car la bonne volonté est réciproque. Nous savons que restent encore ouverts certains terrains de dialogue qu’il nous faudra parcourir et assainir peu à peu avec détermination et patience.

Vous avez d’ailleurs utilisé, Monsieur le Président, l’expression de « laïcité positive » pour qualifier cette compréhension plus ouverte. En ce moment historique où les cultures s’entrecroisent de plus en plus, je suis profondément convaincu qu’une nouvelle réflexion
sur le vrai sens et sur l’importance de la laïcité est devenu nécessaire. Il est en effet fondamental, d’une part, d’insister sur la distinction entre le politique et le religieux, afin de garantir aussi bien la liberté religieuse des citoyens que la responsabilité de l’État envers eux, et d’autre part, de prendre une conscience plus claire de la fonction irremplaçable de
la religion pour la formation des consciences et de la contribution qu’elle peut apporter, avec d’autres instances, à la création d’un consensus éthique fondamental dans la société.

Ces propos papaux ne lèsent en rien les principes de la laïcité. Celle-ci, rappelons-le, ne reconnaissant aucune religion, les respecte toutes, comme elle respecte l’expression de tous ceux qui s’opposent aux croyances ainsi que des agnostiques. Lorsque le pape évoque « la fonction irremplaçable de la religion dans la formation des consciences », il reste dans son rôle de chef d’une Eglise. Après tout, lui aussi, a droit à la liberté de parole !

Ce qui s’est révélé plus gênant dans ce voyage, ce ne sont pas les discours, c’est la puissance des moyens médiatiques mis en œuvre pour les diffuser et l’omniprésence de la figure de Benoît XVI qui a confiné à l’idolâtrie. Durant ce voyage à Paris et Lourdes, nous étions propulsés à quelques années-lumière de la simplicité évangélique. Mais les critiques concernant les propos de Sarkozy et du pape sur la laïcité tombent à plat. Il n’y a pas de quoi fouetter un chat en soutane.

En revanche, l’obstination du président Sarkozy à placer systématiquement l’épithète « positive » au mot « laïcité » est plus troublante.
Lorsqu’un politicien ajoute un adjectif à un principe, c’est qu’il veut vider ce principe de son contenu. Prenons par exemple, la liberté. Pour mieux la circonvenir, on la décline au pluriel : « les libertés ». Puis, on procède à l’épithètisation du mot en le morcelant en diverses parties : les libertés publiques, les libertés privées, les libertés syndicales etc. Et de morcellement en morcellement, le mot perd sa force d’expression. En voulant additionner des adjectifs, on en vient à une soustraction du sens !

Il en va de même pour la laïcité. Il n’y a nul besoin de la maquiller par l’épithète « positive » sauf si on cherche à la faire dévier de sa vocation première. « La laïcité positive, c’est la laïcité ouverte », explique le président Sarkozy. Mais c’est un non-sens, il ne peut y avoir de laïcité fermée ! Elle est ouverte par définition, puisqu’elle offre à toutes les opinions religieuses et philosophiques un terrain d’expression. Alors que cherche-t-on à nous vendre avec cette « laïcité positive » ?

Jean-Noël Cuénod, correspondant à Paris.

Messages